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LITTÉRATURE<br />

Eugène Ébodé<br />

ÉCRIRE SA VIE<br />

Un retour dans les arcanes de l’enfance<br />

et de la figure maternelle, et peut-être<br />

LE ROMAN LE PLUS PERSONNEL<br />

du Camerounais.<br />

FRANCESCA MANTOVANI/GALLIMARD/OPALE.PHOTO - DR<br />

IL NOUS REVIENT, Eugène Ébodé. Il nous revient, avec sa<br />

langue colorée et dense. Une langue caracolante, qu’il manie<br />

avec dextérité et passion. À lui seul, le titre de son nouveau<br />

roman, Habiller le ciel, nous convie déjà à une rêverie,<br />

à une alliance entre l’au-delà et le monde vivant, le passé et<br />

le présent. Quant à la narration vivante et intimiste de l’auteur<br />

de Souveraine magnifique (Grand prix littéraire d’Afrique<br />

noire en 2015), elle nous ramène dans le dédale des souvenirs,<br />

de l’enfance, du lien filial, lorsque la mort de la mère vient<br />

bousculer l’existence. En ouvrant le livre, on pense à l’incipit<br />

de L'Étranger (1942), d'Albert Camus – « Aujourd'hui, maman<br />

est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » –, mais très vite,<br />

l’auteur-monde camerounais, inconditionnel du poignant<br />

Eugène Onéguine, de Pouchkine, brave l’absurde et redonne<br />

vie à l’ancienne danseuse doualaise qui ne savait ni lire ni<br />

écrire : « Il faut donc, me dis-je, que je me dépêche d’accoucher<br />

de ma mère avant l’envol complet des souvenirs, ces trésors<br />

dévalués ! » Après Rosa Parks, militante noire américaine,<br />

dans La Rose dans le bus jaune (2013), ou Mado, femme<br />

lumineuse, née en 1936 d’une union mixte, dans Brûlant<br />

était le regard de Picasso (2021), l’écrivain explore cette fois-ci<br />

la figure maternelle. Et le retour sur soi. C’est un plaisir de<br />

cheminer avec celui qui, après avoir passé deux tiers de sa vie<br />

en France, vient de poser ses valises à Rabat, au Maroc, où il<br />

a pris en charge la Chaire des littératures et des arts africains<br />

de l’Académie du royaume. Une conviction pour l'homme,<br />

qui rêve d’une littérature africaine, tous<br />

pays confondus, unie et reconnue, dont<br />

le poids serait comparable aux française<br />

et anglo-saxonne. Ce n’est peut-être pas<br />

un hasard si l’on découvre donc dans ce<br />

roman très personnel son attachement<br />

à la littérature marocaine, telles la<br />

poésie de Mohammed Khaïr-Eddine<br />

ou la voix de Mohamed Leftah.<br />

Comme le signe d’un trait d’union<br />

littéraire et d’un dialogue, à la fois<br />

intérieur et universel. ■ C.F.<br />

EUGÈNE EBODÉ,<br />

Habiller le ciel,<br />

Gallimard,<br />

288 pages, 20 €.<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>434</strong> – NOVEMBRE 2022 19

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