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édito<br />

IMPOSSIBLE SANS NOUS<br />

Nous voilà tous au bord de la mer Rouge, à<br />

Charm el-Cheikh, pour la 27 e Conférence des parties<br />

sur les changements climatiques. La 27 e COP, déjà…<br />

(La première a eu lieu à Berlin en 1995.) Malgré les<br />

catastrophes qui se multiplient, malgré les incendies,<br />

les inondations, les sécheresses, les étés en hiver, la<br />

confusion des saisons humides et des saisons sèches,<br />

malgré les rapports qui s’empilent, nous restons comme<br />

paralysés, comme le lapin pris par les phares d’une<br />

voiture qui fonce à pleine vitesse sur lui.<br />

Les profonds dérèglements de notre écosphère,<br />

le réchauffement global de notre planète entamé<br />

avec l’ère industrielle, c’est pourtant le plus grand<br />

défi de l’humanité. Une question de survie collective.<br />

Une menace majeure à un horizon quantifiable, pas<br />

si lointain, la fin du siècle disons. Une infime seconde,<br />

au regard de l’histoire de la Terre, qui se compte en<br />

milliards d’années. Le chaos pour nos enfants et nos<br />

petits-enfants…<br />

L’objectif fixé au bout de la nuit de la COP21<br />

à Paris, en 2015, une maîtrise du réchauffement à<br />

moins de 1,5 °C d’ici la fin du siècle, est déjà largement<br />

dépassé. On évoque désormais 2 °C, probablement<br />

2,5 °C, peut-être pire encore. Les pays riches, la Chine,<br />

ne tiennent pas leurs engagements réitérés. Ils consomment<br />

et produisent toujours autant d’énergie carbonée.<br />

Tout en demandant aux pays en développement de ne<br />

pas exploiter leurs propres ressources (gaz, pétrole…). Et<br />

d’enclencher des efforts inimaginables d’ajustements<br />

en matière de coûts. Une « approche » particulièrement<br />

injuste au regard de l’histoire et face à l’urgence de sortir<br />

encore des milliards d’êtres humains de la précarité.<br />

Il n’y aura pas de transition climatique fondamentale<br />

sans le Sud, sans « les Suds ». Sans des<br />

transferts majeurs, quantifiables, réels (pas que des<br />

promesses…) de technologie et de financement, sans<br />

une prise de conscience « des Nords » qu’ils ne pourront<br />

pas s’en sortir seuls. Sur les 8 milliards d’habitants<br />

de notre planète, plus des deux tiers vivent dans les<br />

mondes émergents. Ils aspirent à plus de richesse, à<br />

plus de sécurité économique, de justice climatique.<br />

On ne pourra pas leur dire : restez dans votre pauvreté<br />

pendant que d’autres, repus, refusent de faire leur part.<br />

Il faudra sortir de cette impossibilité de faire humanité<br />

commune, de nous concevoir comme un tout, liés les<br />

PAR ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />

uns aux autres du nord au sud de la planète, de l’est à<br />

l’ouest, les pauvres, les riches, les Noirs, les Blancs, les<br />

Américains, les Européens, les Chinois, les Russes, les<br />

Indiens, les habitants des îles du Pacifique ou du Sahel…<br />

L’Afrique, sa démographie sont au centre des<br />

enjeux. Le continent reste pauvre, il ne pollue pas,<br />

ou si peu (4 % des émissions mondiales, pour un peu<br />

moins de 20 % de la population mondiale), et pourtant,<br />

il paie le tribut le plus lourd au changement climatique.<br />

Pour être clair, on se réchauffe plus vite que les autres…<br />

Parallèlement, nos besoins sont immenses. Si demain,<br />

l’Afrique devait atteindre un niveau de développement<br />

industriel comparable à celui de l’Inde ou du Vietnam,<br />

si elle devait tripler son niveau de vie, ce qui serait un<br />

minimum, si cet effort devait se faire sans transition technologique,<br />

sans transformation systémique des modes<br />

de production, le continent deviendrait alors lui-même<br />

l’une des principales causes du réchauffement global.<br />

Pour le 1,2 milliard d’Africains d’aujourd’hui, c’est<br />

déjà l’heure de la résilience et de l’adaptation. Nous<br />

avons besoin de comprendre et de définir nos propres<br />

modèles de lutte. À Djibouti, fin octobre, a été inauguré<br />

l’Observatoire régional de la recherche pour l’environnement<br />

et le climat (ORECC). Un outil particulièrement<br />

utile dans une corne de l’Afrique dévastée par les sécheresses.<br />

Nous avons besoin d’investir massivement dans<br />

notre sécurité alimentaire, et repenser notre agriculture<br />

pour qu’elle serve les besoins de notre immense marché<br />

intérieur. C’est le cas, par exemple, en Côte d’Ivoire,<br />

avec la mise en œuvre de l’initiative d’Abidjan.<br />

Nous avons besoin également de parier sur<br />

l’avenir, de mobiliser nos énergies pour créer de<br />

la valeur dans ce monde nouveau. Nous avons des<br />

terres arables immenses, et encore vierges, que nous<br />

pouvons valoriser. Il nous faut investir, et faire investir<br />

dans les énergies renouvelables : nous avons de<br />

l’eau, du soleil, des marées, du vent, des biomasses,<br />

des grands fleuves aussi. Il nous faut enfin protéger et<br />

développer nos forêts. Stopper l’arrachage, obtenir des<br />

fonds pour sécuriser, accroître les périmètres plantés.<br />

Nos forêts valent de l’or, leur capacité d’absorption du<br />

carbone vaut de l’or, notre terre vaut de l’or.<br />

Le changement du monde sera impossible<br />

sans nous. Pour notre continent, la bataille est loin<br />

d’être perdue. ■<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>434</strong> – NOVEMBRE 2022 3

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