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DR (2) - DANIEL OBASI<br />
DR<strong>AM</strong>E<br />
HARKA<br />
(France-Belgique-<br />
Tunisie), de Lotfy<br />
Nathan. Avec<br />
Adam Bessa, Salima<br />
Maatoug, Ikbal<br />
Harbi. En salles.<br />
LE PETIT MARCHAND<br />
DE PÉTROLE<br />
Le destin d’un jeune Tunisien poussé<br />
au trafic pour survivre. UN RÔLE<br />
FORT récompensé au dernier Festival<br />
de Cannes.<br />
C’EST LE PREMIER LONG-MÉTRAGE tourné à Sidi Bouzid, et<br />
ce n’est pas un hasard : c’est là que Mohamed Bouazizi, marchand<br />
de fruits et légumes, s’était immolé par le feu en 2010, déclenchant<br />
la révolution de Jasmin. Venu du documentaire, le cinéaste<br />
américain d’origine égyptienne Lotfy Nathan s’est inspiré de ce<br />
drame fondateur du Printemps arabe pour raconter l’histoire d’Ali,<br />
la vingtaine, qui revend de l’essence au coin des rues, menacé lui<br />
aussi de se faire arrêter ou confisquer sa marchandise s’il ne donne<br />
pas d’argent aux policiers… Or, le jeune homme doit subvenir<br />
aux besoins de sa famille tout en économisant pour espérer partir<br />
en Europe. Drôle de personnage, à la fois taiseux et bienveillant,<br />
loyal et droit, il va peu à peu se retrouver dans une impasse.<br />
Le comédien français Adam Bessa incarne avec une belle intensité<br />
cet enfermement qui conduit à la folie et lui a valu un prix de<br />
la meilleure performance mérité au dernier Festival de Cannes.<br />
La mise en scène, stylisée, nous plonge au cœur du quotidien<br />
de nombreux Tunisiens (un tiers de la population vit sous le<br />
seuil de pauvreté) et décrit parfaitement ce cercle vicieux qui,<br />
entre crise familiale et suspense autour de la contrebande de<br />
carburant, va s’avérer fatal, comme on le pressent dès le début.<br />
Le titre du film, « harka », signifie « brûler », mais désigne aussi,<br />
en argot tunisien, le migrant qui traverse la Méditerranée.<br />
« On est tous comme toi, on déteste ce pays, on apprend<br />
à vivre avec », dit l’un des personnages, fataliste… ■ J.-M.C.<br />
BEAU LIVRE<br />
Une magnifique<br />
résistance<br />
La capitale du Nigeria<br />
vue à travers les yeux<br />
d’un JEUNE TALENT<br />
de la photographie de mode.<br />
LE DERNIER VOLUME de la collection d’albums<br />
photographiques « Fashion Eye » de Louis Vuitton est<br />
entièrement dédié à Lagos. Avec une série d’images<br />
aussi militantes qu’oniriques, Daniel Obasi, qui avait<br />
collaboré avec Beyoncé sur l’album visuel Black Is<br />
King en 2020, nous emmène au cœur d’une capitale<br />
effervescente. Ses portraits cristallisent les questions<br />
politiques et sociales qui le préoccupent : la sexualité,<br />
la fluidité des genres, la non-conformité, la corruption<br />
politique ou encore la pression religieuse, le tout sous<br />
un vernis baroque d’euphorie et d’inquiétude. Comme<br />
dans la photo qui sert de sous-titre à ce magnifique<br />
livre d’art et de voyage : Beautiful Resistance.<br />
Les corps et la mode sont politiques. Les montrer<br />
permet de mélanger rêve et activisme, capturant<br />
d’autres vécus et présentant d’autres narrations,<br />
avec un regard disruptif propre à la nouvelle<br />
avant-garde noire, née dans le sillage du<br />
mouvement Black Lives Matter. ■ L.N.<br />
Beautiful Resistance,<br />
2020.<br />
DANIEL OBASI, Lagos,<br />
éditions Louis Vuitton, 112 pages, 50 €.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>434</strong> – NOVEMBRE 2022 21