07.11.2022 Views

AM 434 Free

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

C’EST COMMENT ?<br />

PAR EMMANUELLE PONTIÉ<br />

QUAND L’ÉCHEC SUCCÈDE À L’ÉCHEC…<br />

Entre août 2020 et septembre 2022, l’Afrique francophone a connu cinq coups d’État,<br />

dont deux en moins de huit mois au Burkina Faso. Retour à la junte militaire, aux scrutins sans cesse<br />

repoussés, aux sanctions économiques. On peut comprendre dans certains cas le ras-le-bol général<br />

face aux pouvoirs en place qui s’éternisent, faibles ou corrompus, qui n’arrivent pas à faire avancer<br />

leur pays, ni à relever le niveau de vie global, ni à lutter efficacement contre les offensives islamistes.<br />

On peut comprendre que les « nouveaux » soient un temps plébiscités par des hordes de jeunes,<br />

chauffés à blanc contre les impérialismes venus d’ailleurs, le néocolonialisme rendu coupable de<br />

tous les maux qui rongent leur société depuis des lustres. On entend de-ci de-là que l’Afrique doit<br />

aussi passer par ses révolutions, par des périodes de chaos pour reconstruire du neuf, du mieux.<br />

Pourtant, si l’on y regarde de plus près, chaque<br />

coup d’État est d’abord une catastrophe pour les<br />

peuples. Au Mali, le colonel Goïta a réussi à convaincre<br />

une bonne partie de l’opinion que la faute revenait aux<br />

Français, à l’opération Barkhane et ses dérives. Peut-être.<br />

Mais surfer sur le conflit russo-ukrainien en ouvrant grand<br />

la porte aux mercenaires Wagner pour résoudre les problèmes<br />

du pays est évidemment un leurre. Vu du Nord, et<br />

des sans-voix qui souffrent au quotidien sous le joug des<br />

exactions islamistes, la situation s’aggrave. Évidemment.<br />

Et les sanctions économiques, imposées, levées, puis<br />

réimposées souvent, saignent à blanc le commerce, le<br />

panier de la ménagère. Bref, c’est le peuple qui trinque.<br />

Au Burkina, déjà exsangue, avec l’une des économies<br />

les plus faibles du monde, sans cesse frappé<br />

par la même montée du terrorisme islamiste, un double<br />

coup d’État en une seule année est une terrible épreuve.<br />

Aides suspendues, coopération hypothéquée, etc. Idem<br />

en Guinée, déjà pas bien flambante, qui se retrouve<br />

avec un lieutenant-colonel Doumbouya en sursis à sa<br />

tête, sans soutien, sans vrai programme… Il prévoyait une<br />

élection présidentielle dans les six mois après son coup<br />

d’État, et se demande aujourd’hui s’il en organisera une<br />

en 2025… Et enfin le Tchad, où un fils décide unilatéralement<br />

de succéder à son père. Avec le népotisme culturellement chevillé au corps, oubliant qu’un<br />

processus démocratique, c’est peut-être mieux… Résultat, des émeutes réprimées dans le sang ont<br />

fait plus de 50 morts en septembre dernier. Dans un pays à genoux, dirigé depuis plus de vingt ans<br />

par la même famille, avec, là aussi, une transition dont le terme est sans cesse repoussé.<br />

Résultat des courses, et de toutes ces courses au pouvoir de militaires autoproclamés<br />

« chefs de transition », ces pays reculent et leurs populations souffrent encore davantage. Bien au-delà<br />

des raisonnements d’intellectuels africains installés à l’étranger qui ne voient dans ces coups d’État<br />

que des révolutions salvatrices. Nous sommes en 2022, et les processus démocratiques, même (et<br />

souvent) imparfaits, doivent demeurer la règle pour avancer un jour vers des lendemains meilleurs. ■<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>434</strong> – NOVEMBRE 2022 29

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!