Miles #45 - ALFREDO HÄBERLIS - DESIGNER DU TEMPS ET DU COMPORTEMENT

2a 3
4
2b
Seuls quelques initiés le connaissaient chez
nous quand Miles a demandé à le rencontrer
en novembre dernier.
Depuis, sont intervenus en cascade un défilé
dans un lieu magique à Florence, les
costumes des chanteurs, chœur et danseurs
de l’Opéra Ballet Vlaanderen dans
Satyagraha du compositeur américain
Philip Glass, ainsi que des articles élogieux dans la presse internationale
à la suite du défilé florentin. En Belgique, le singer/songwriter
Tamino et le rappeur Baloji sont adeptes et
ses habits sont proposés chez Stijl, haut lieu de la création
vestimentaire contemporaine dans le quartier Dansaert à
Bruxelles.
Sa propre boutique, Atelier Solarshop (ancien magasin de
panneaux solaires au 48 de la Dambruggestraat à Anvers, où
il rejoint de temps en temps son partenaire, complice et main
droite Piëtro Celestina), se trouve dans un lieu au passé populaire,
éloigné des allées et venues des fashionistas anversois.
Simplicité complexe
« Mes vêtements sont réalisés en petites quantités, en Europe
et avec des tissus de haute qualité provenant essentiellement
du Japon », explique Van Essche. « Ce sont des produits de
niche. Nos prix sont honnêtes mais tombent dans un segment
plutôt élevé. Une seconde ligne, Project O, est plus abordable
avec des tissus moins onéreux et des concessions sur
les finitions intérieures. »
La qualité, la coupe, le pliage, la finition : tout traduit un travail
de recherche chez Van Essche et permet, au porter, de découvrir
une multitude de détails cachés.
Comme ses vêtements ne visent pas à mettre en valeur la
poitrine, la taille ou les hanches, ils conviennent autant aux
hommes qu’aux femmes, « au même titre qu’un boubou en
Afrique ou un kimono au Japon ».
De la tenue de travail à des habits traditionnels japonais, maliens
ou arabes, en passant par des ponchos ou des classiques
occidentaux tels le jeans ou le perfecto, l’examen des patrons,
coupes et finitions de ces habits fait de Jan-Jan Van Essche
un anthropologue, qui a élargi l’étude de l’espèce humaine en
société à ce qu’elle porte. « Le vêtement instaure une relation
intime avec la peau presque nue et influe donc sur le comportement
de l’individu qui le porte, voire sur son état d’âme.
Le corps habillé se conscientise et développe ainsi un langage
propre », estime-t-il.
Par-ci, par-là une géométrie discrète dans le tissu, des épaules
dans le prolongement du cou et des manches, des astuces
d’assemblage et, pour tout motif, la texture, le tomber, voire
le drapé des tissus : si le look semble minimaliste, la structure
et le matériau du vêtement Jan-Jan Van Essche est éminemment
complexe. « Je travaille avec des matériaux naturels : lin
(ramie), coton, laine, washi (un papier japonais), très rarement
avec un composant synthétique. »
Qu’il soit ample ou à peine perceptible, le mouvement du
corps flatte une création Jan-Jan Van Essche en soulignant
sa fluidité.
Triggered
Affichant calme et sérénité, mais pas moins volubile pour
autant, Jan-Jan Van Essche recourt abondamment au terme
anglais trigger (dans le sens interpeller, déclencher ou susciter)
: « ce que vous connaissez depuis longtemps vous interpelle
moins », « les concordances entre périodes et cultures
qu’évoquent livres et voyages m’interpellent car elles me permettent
de visualiser une espèce d’humanité de base », « des
coupes ou patrons m’ont autant interpellé au Japon qu’en
« JE PRODUIS DES
OBJETS UTILITAIRES,
DESTINÉS À ÊTRE
PORTÉS ET PAS
UNIQUEMENT À ÊTRE
REGARDÉS. »
1. Jan-Jan Van Essche,
hors du commun
depuis la conception
jusqu’à la réalisation
d’un modèle.
a Le dfil
Florence : statique et
en mouvement.
3. Silhouette de la
collection Printemps/
Été 2023.
4. Silhouette de la
Collection Automne/
Hiver 2023/24
Toute copie non autorisée est strictement interdite sans le consentement écrit préalable de Produpress SA/NV
55