Ifda dossier 47, May/June 1985

Moins de bl6 pour le pain, moins de fortifiants et autres remontants
pharmaceutiques, c'est peut-Ctre plus de routes et de rues, d'ecoles et
de dispensaires. C'est peut-Ztre remedier i la carence des services
publics dont tout un chacun se plaint. En consommant moins de bl6 pour
la seule confection d'un pain, le pamible - oG le mil entrait pour 30%
dans la fabrication - c'est, selon certains chiffres, pres de 1 milliard
de F.CFA qui auraient pu Ztre epargngs au Senegal. Ce qui represente le
1/5 du budget consacre ii la Sant6: Les consommateurs l'ont boude...
L'imperitie de l1Etat, que nous invoquons si volontiers pour expliquer
la carence des services publics, n'est-elle pas Ie paravent et l'alibi
de notre propre incurie? L'Etat, dont on attend tout, llEtat-providence,
n'est-il pas le bouc emissaire de nos propres incoherences?
Innocent et disculp6, l1Etat? Assurement pas.
Si nous nous rggalons de riz et d'huile de soja (que nous ne produlsons
pas) plutct que de mil et d'huile de palme - c'est que les uns (locaux)
sont introuvables ou plus chers que les autres (importes). Les choix des
gouvernements en matisre de politique agricole (modes d'organisation, de
commercialisation, de distribution de la production) et de politique
alimentaire (fixation des prix S la production et 2 la consommation,
etc...) retrecissent notablement le choix des consommateurs. Indivi-
duelles ou politiques, les decisions allient le culte de l'apparence
pour accentuer la penurie et aggraver la dspendance. Avec les memes con-
sequences. Les appels pressants 2 l'aide exterieure repondent au parasi-
tisme &rig6 comma.r6gle S l'interieur. L'endettement auprSs des "grandes
puissances" ou du FM1 replique 2 celui du pSre de famille aupres du
"bana-bana" ou du commercant dioula du coin.
Alors, s'essouffler 2 poursuivre, en boltant, et sans jamais les rattra-
per, des modsles de consommation mal adaptgs tant 2 nos moyens qu's nos
besoins. S'gpuiser en vain dans la malconsommation? Se consumer, ou
"consommer" differemment?
Entre la resignation silencieuse et l'imitation envieuse, des solutions
sont possibles: 5 la cherte et 2 la raretg des produits et 5 l'insuffi-
sance ou S la mediocrite des services.
Lesquelles? Inventer lorsqu'on imite. Imiter lorsqu'on mime, copie et
parodie. Inventer?
Inventer, c'est mettre au vent, 2 l'air, 2 jour ce qui etait dans les
terroirs ou enterre, enfoui. RGfugie au fond de quelques memoires ou de
certains terroirs. Mais inconnu des cantons voisins, ou des generations
plus jeunes. Par exemple, garder du poisson, de la viande, des legumes
des mois durant sans congglateur ... ou utiliser des herbes aussi cura-
tives que les drogues chimiques.
Mettre au jour, mais aussi mettre 2 jour. Car 11 ne s'agit pas de
retourner syst6matiquement aux produits et aux techniques du passe. Ce
n'est ni possible ni mSme souhaitable, financisrement, economiquement ou
socialement. (Filer du mil au dernier etage d'un innneuble?)
Alors 11 faut innover! Dans quelques villages ou dans quelques labora-
toires, certaines techniques sont amelior6es, perfectionnees, mises au