Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
n The training is<br />
tough for the 200<br />
boys and men who<br />
attend Bala Gueye’s<br />
wrestling school<br />
la lutte. Il voue sa vie à ce sport. S’il devient une vedette, il<br />
pourra gagner 80 millions de francs ouest africains CFA<br />
(120 000 €) en un seul combat, une somme colossale dans un<br />
pays où le revenu moyen avoisine les 540 € par an.<br />
La lutte fait partie depuis longtemps des grandes traditions<br />
d’Afrique occidentale, mais au cours des 50 dernières années<br />
cette discipline s’est normalisée : des règles et des régulations<br />
se sont imposées dans toute la région, mais c’est au Sénégal (et<br />
à Dakar de surcroît) que la lutte a subi les transformations les<br />
plus importantes. D’un loisir régional, elle est devenue un<br />
phénomène dans le monde du sport.<br />
En 1992, un entraîneur sénégalais, Gaston Mbengue, a<br />
introduit des éléments de boxe, de judo et de lutte grécoromaine<br />
dans la discipline, ce qui a eu pour effet d’augmenter<br />
sa popularité, tout en combinant la grâce des mouvements de<br />
la lutte africaine et la rigueur des arts martiaux. Comme l’équipe<br />
de football du Sénégal ne s’est qualifi ée ni pour la Coupe du<br />
Monde ni pour la Coupe d’Afrique des Nations, les annonceurs<br />
se sont dès lors rabattus sur la lutte, où un gros match peut<br />
attirer jusqu’à 80 000 spectateurs. Et cette popularité signifi e<br />
une grande célébrité : les combattants sont désormais plus<br />
connus que les stars du hip-hop ou du football.<br />
La lutte représente un fantastique divertissement, certes,<br />
mais son impact sur les jeunes des quartiers défavorisés peut<br />
également s’avérer essentiel. Sans ce sport, nombre d’entre eux<br />
n’auraient pas de travail ou de faibles chances d’accéder à une<br />
éducation de base. L’exigence physique et la discipline mentale<br />
requises pour être un sportif de haut niveau dissuadent les<br />
jeunes de traîner dans les rues, en leur offrant des perspectives<br />
d’avenir. Tout a commencé à changer au milieu des années 90,<br />
confi e Pape Konaté, lorsqu’un lutteur instruit, Tyson, du nom<br />
du boxeur américain, a fait irruption sur la scène.<br />
« Avant lui, les lutteurs n’étaient pas vraiment considérés,<br />
mais parce que Tyson était cultivé et parlait bien le français,<br />
les sponsors se sont intéressés à lui, il apportait une valeur<br />
ajoutée au sport », explique Pape.<br />
Une parade à la criminalité<br />
Un lutteur professionnel se lève à 5 heures du matin et<br />
commence ses exercices, le plus souvent un jogging de 20km<br />
sur la plage. Après un entraînement de musculation, des<br />
temps de repos et des repas consistants tout au long de la<br />
journée, il se rend à l’école de lutte, comme celle de<br />
Guediawaye, pour se mesurer avec d’autres jeunes sportifs.<br />
Une bonne instruction étant considérée comme un élément<br />
essentiel de la réussite professionnelle, les étudiants plus<br />
Les combattants sont<br />
désormais plus célèbres<br />
que les stars du hip-hop<br />
ou du football<br />
jeunes fréquentent donc régulièrement l’école le matin et se<br />
rendent ensuite à l’école de lutte.<br />
À l’école de Pape, 200 garçons âgés de 8 à 30 ans, s’exercent<br />
et se mettent en bonne condition physique sous l’œil de leurs<br />
entraîneurs qui les coachent pour les aider à améliorer leur<br />
technique. Guediawaye est l’un des faubourgs les plus pauvres<br />
de Dakar, l’eau et l’électricité y sont fréquemment coupées, le<br />
chômage et la délinquance prolifèrent, mais l’école a produit<br />
quelques-unes des plus grandes stars du pays comme Elton<br />
Brussels Airlines b.spirit! magazine | Nov/Dec 09 | 23