[Juge Ti NE-09] Dix
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— C’était une voix comme celle-là, noble juge, répondit le<br />
jeune garçon.<br />
Le juge <strong>Ti</strong> estima qu’il en avait assez entendu.<br />
— Veuve Xiao, dit-il, je vous accuse d’avoir assassiné un<br />
usurier en pleine fête de réconciliation avec les créatures<br />
infernales. C’est non seulement un crime contre la loi, mais<br />
aussi contre la religion et contre l’ordre public.<br />
L’assistance, qui ne pouvait voir le visage de la veuve,<br />
laquelle se tenait face au magistrat, se demandait ouvertement<br />
si ce dernier n’avait pas perdu l’esprit. Il y avait loin, du requin<br />
maléfique que tout le monde avait vu attaquer un badaud, à<br />
cette digne veuve drapée dans sa douleur. Elle seule fixait sur lui<br />
des yeux dont l’impassibilité disait trop bien qu’elle possédait la<br />
force d’accomplir un tel geste. Il entreprit de reconstituer les<br />
faits.<br />
— Vêtue des habits de votre mari, les cheveux cachés sous<br />
un bonnet d’artisan, vous vous êtes présentée au temple sous<br />
son nom et avez endossé le costume d’homme-requin. Dès que<br />
l’occasion s’est présentée, vous avez poignardé celui que vous<br />
jugiez responsable de votre malheur et vous êtes facilement<br />
échappée, nul n’ayant le courage de pourchasser un esprit.<br />
Quand je suis arrivé chez vous, ce soir-là, je vous ai trouvée en<br />
robe de nuit, comme si vous veniez de vous réveiller. Pourtant<br />
vous portiez aux pieds une paire de bottes que vous aviez oublié<br />
d’ôter dans l’émotion. Est-ce bien cela ?<br />
— Absolument pas, répondit la veuve Xiao d’une voix calme.<br />
Je suis innocente de tout ce que Votre Excellence vient de dire.<br />
— Dans ce cas, nous nous passerons de votre participation,<br />
répondit le magistrat, tout aussi placide. Y a-t-il parmi vous un<br />
artisan en bois ?<br />
Le second témoin, celui qui avait affirmé avoir vu un vrai<br />
homme-requin assaillir sa victime, fit un pas en avant. <strong>Ti</strong> aurait<br />
préféré un expert à l’imagination moins fertile, mais il se<br />
contenta de celui que Confucius lui envoyait. Il prit sur sa table<br />
le poignard retiré de la poitrine de l’usurier et le lui fit passer.<br />
— S’agit-il d’un outil qu’on utilise dans ton métier ?<br />
L’homme confirma sans hésitation :<br />
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