[Juge Ti NE-09] Dix
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as menti, c’est ta famille et toi qui subirez les peines prévues<br />
pour les assassins. Tu m’as bien compris ?<br />
L’enfant ne répondit pas. Il était paralysé par la surprise et<br />
par la peur. Il chercha le regard de son père, qui le contemplait<br />
avec des yeux ronds. Il se mit alors à pleurer et reconnut qu’il<br />
n’avait rien vu du tout.<br />
Le juge <strong>Ti</strong> leva les bras au ciel et les laissa lourdement<br />
retomber sur ses cuisses. Il n’avait pas assez des assassins et des<br />
démons, il lui fallait affronter l’imagination fertile des petits<br />
garçons ! Celui-ci en regorgeait. Il avait raconté n’importe quoi<br />
à ses frères et sœurs pour se rendre intéressant, ceux-ci l’avaient<br />
répété à leurs parents, et il avait fini par devoir mentir devant le<br />
sous-préfet pour ne pas se contredire.<br />
L’artisan s’aplatit sur le dallage pour présenter ses excuses.<br />
La peine encourue pour un faux témoignage était la même que<br />
pour le crime faussement dénoncé, ce qui pouvait les mener très<br />
loin dans le cas d’un meurtre prémédité. <strong>Ti</strong> fit signe qu’ils<br />
pouvaient se retirer, et l’homme emmena son fils avec une<br />
calotte derrière la tête, qui serait loin d’être la dernière.<br />
<strong>Ti</strong> déclara que les dépouilles seraient rendues aux Su et aux<br />
Li pour qu’ils en fassent ce qu’ils voudraient. Quelle que soit<br />
leur haine réciproque, la rumeur publique les mettait tous<br />
d’accord en les confondant dans la même suspicion d’avoir<br />
voulu se débarrasser de l’autre conjoint et d’avoir tué le leur par<br />
accident.<br />
Le juge mit fin à l’audience et se retira. Une fois dans son<br />
cabinet, ses secrétaires le débarrassèrent de son épaisse robe<br />
verte, trop chaude pour la saison, et l’aidèrent à en enfiler une<br />
de soie fine beaucoup plus agréable. Il émit le vœu que la<br />
prochaine séance soit moins mouvementée. Ses secrétaires lui<br />
rappelèrent qu’il avait promis de s’intéresser au cas de<br />
l’antiquaire dont la maison était hantée. Leur compassion<br />
suggérait que l’honorable M. Dong avait copieusement distribué<br />
les prébendes dans les couloirs du yamen. Au reste, cet homme<br />
faisait partie des gens descendus dans le tombeau fatidique : <strong>Ti</strong><br />
ne tenait pas du tout à le voir périr ou s’évanouir dans la nature.<br />
— Après tout, voilà une question tout à fait rafraîchissante,<br />
dit-il d’un air blasé. Je vais aller chez cet honnête citoyen qui se<br />
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