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flanquait la frousse.<br />

Il n’était pas là l’instant d’avant. À <strong>ce</strong>t étage, les gens arrivaient bien avant 9 heures,<br />

heure d’ouverture de son agen<strong>ce</strong>, et elle s’était crue seule dans le couloir.<br />

Comment un homme <strong>au</strong>ssi massif parvenait-il à se dépla<strong>ce</strong>r <strong>au</strong>ssi silencieusement ?<br />

D’accord, elle était affreusement préoccupée par la perte de sa clef, mais tout de même.<br />

C’était un colosse. Il <strong>au</strong>rait dû faire un peu de bruit, non ?<br />

Maintenant qu’elle y pensait, chaque fois qu’elle l’avait croisé, entrant ou sortant de <strong>ce</strong><br />

qu’elle supposait être son lieu de travail, il avait été parfaitement silencieux. Et effrayant.<br />

La main toujours plongée <strong>au</strong> fond de son vaste sac à main qui lui tenait également lieu de<br />

porte-documents, elle l’étudia avec méfian<strong>ce</strong>.<br />

Une ép<strong>au</strong>le appuyée contre le mur, les bras croisés, il semblait complètement déplacé<br />

dans <strong>ce</strong>t élégant couloir. Non seulement il avait une carrure très impressionnante, mais il<br />

affichait une expression sinistre, et pas l’ombre d’un sourire pour adoucir le pli dur de sa<br />

bouche. S’il s’était présenté à un casting pour un rôle de gorille, il l’<strong>au</strong>rait décroché sans<br />

problème.<br />

Mais Clochard n’était pas là pour un casting. Il la dévisageait, le regard sombre, l’air<br />

imperturbable, présen<strong>ce</strong> pour le moins incongrue dans <strong>ce</strong> décor tilleul et crème agrémenté<br />

d’appliques murales en verre de Murano, d’une console Louis XV en plexiglas signée Philippe<br />

Starck surmontée d’un <strong>au</strong>thentique vase Steuben d’où jaillissaient de grands lys blancs.<br />

Nicole avait choisi de payer un loyer exorbitant pour un bure<strong>au</strong> minuscule dans un<br />

immeuble de grand standing du quartier de Petco justement par<strong>ce</strong> que la décoration lui avait<br />

plu. Une décoration qui clamait si fort la réussite qu’elle espérait que personne n’entendrait<br />

les craquements de détresse financière sous-ja<strong>ce</strong>nts.<br />

Les gens qui entraient et sortaient de l’immeuble matin et soir par vagues suc<strong>ce</strong>ssives<br />

étaient tous impeccablement habillés et coiffés, et <strong>au</strong>ssi affairés que des fourmis. Même<br />

après l’effondrement du marché des changes, ils continuaient de veiller à paraître prospères<br />

et florissants, <strong>ce</strong> qui ne faisait que souligner l’allure déplorable de Clochard.<br />

Le montant de son loyer engloutissait une grande partie des pr<strong>of</strong>its de son agen<strong>ce</strong> alors<br />

que son bure<strong>au</strong> n’était guère plus grand qu’un timbre-poste, mais elle adorait <strong>ce</strong> dernier. Elle<br />

avait signé le bail une demi-heure après que l’employé de l’agen<strong>ce</strong> immobilière le lui eut fait<br />

visiter.<br />

À <strong>ce</strong> moment-là, elle n’avait pas encore croisé Clochard, bien sûr. Depuis, elle avait eu<br />

l’impression de l’aper<strong>ce</strong>voir chaque fois qu’elle se retournait.<br />

Immense, vêtu comme un biker – comme elle s’imaginait que s’habillait un biker du<br />

moins, car elle n’avait pas vraiment eu l’occasion d’en croiser dans les consulats et les<br />

ambassades où elle avait grandi.<br />

Son uniforme ordinaire se composait d’un Jean crasseux et fripé, d’un T-shirt qui avait dû<br />

être noir en des temps reculés, mais qui avait été tellement lavé et relavé qu’il semblait gris<br />

foncé, et, parfois, d’un blouson de cuir noir.<br />

Ses cheveux bruns lui pendouillaient dans le cou en mèches graisseuses et son menton<br />

était recouvert d’une barbe broussailleuse qui n’avait rien de commun avec le ch<strong>au</strong>me<br />

savamment entretenu qu’arboraient les employés de l’agen<strong>ce</strong> publicitaire située à deux<br />

portes de là. De toute éviden<strong>ce</strong>, Clochard devait négliger de se raser pendant plusieurs<br />

semaines d’affilée.<br />

Mais <strong>ce</strong> n’était pas seulement par<strong>ce</strong> qu’il ne respectait pas les codes vestimentaires et

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