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D’un <strong>au</strong>tre côté, s’il n’y allait pas, Boisier ne toucherait pas son pot-de-vin la prochaine<br />
fois que la Marie-Claire viendrait s’ancrer et il le lui ferait payer. Boisier maîtrisait si bien les<br />
règles bure<strong>au</strong>cratiques qu’il pouvait lui pourrir la vie de mille et une façons. Simonet devait<br />
prendre sa retraite à la fin du mois de dé<strong>ce</strong>mbre et tout <strong>ce</strong> qu’il voulait, c’était qu’on lui foute<br />
la paix. Il valait mieux qu’il y aille. Il se coltinerait la trotte jusqu’<strong>au</strong> bout du port, s’assurerait<br />
que le capitaine remplissait le formulaire, et ferait savoir à Boisier qu’il s’était décarcassé.<br />
Celui-ci toucherait son pot-de-vin et <strong>au</strong>rait intérêt à ne pas oublier <strong>ce</strong> que Simonet avait fait<br />
pour lui.<br />
Jouant de malchan<strong>ce</strong>, Simonet ne tomba sur une voiturette électrique qu’à <strong>ce</strong>nt mètres de<br />
l a Marie-Claire. Quand il l’arrêta <strong>au</strong> bout du quai, il leva un regard dégoûté sur la Marie-<br />
Claire. C’était un miracle qu’elle n’ait pas encore coulé sous le poids de la rouille qui<br />
recouvrait sa coque. Le bate<strong>au</strong> était <strong>ce</strong>nsé quitter le port à 16 heures et tout l’équipage<br />
<strong>au</strong>rait dû se trouver sur le pont pour se préparer à appareiller. Simonet ne vit pourtant pas<br />
âme qui vive.<br />
Et merde. Il allait devoir monter à bord.<br />
Il gravit la passerelle en râlant, et jeta un regard circulaire une fois sur le pont. Il était à<br />
la poupe, près du poste d’équipage, et il n’y avait pas un chat.<br />
C’était étrange, et même un peu inquiétant. D’ordinaire, avant d’appareiller, le pont d’un<br />
bate<strong>au</strong> grouillait d’activité, car rester ancré <strong>au</strong> port plus longtemps que prévu coûtait cher.<br />
Simonet s’approcha des énormes containers qui se trouvaient <strong>au</strong> milieu du pont – les<br />
soutes en contenaient <strong>ce</strong>rtainement deux fois plus. Quand il atteignit finalement la proue,<br />
sous la tour de radar, il n’avait toujours pas croisé âme qui vive, et la cabine de pilotage était<br />
déserte. Il allait devoir fouiller le bate<strong>au</strong> pour dénicher le capitaine.<br />
Il des<strong>ce</strong>ndit l’échelle qui conduisait sous le pont, apprécia <strong>au</strong> passage la température un<br />
peu plus fraîche qui régnait dans la soute. Il entendit des bruits <strong>au</strong> bout d’un long couloir et<br />
se dirigea vers eux. Des voix d’hommes, graves et sonores, occupés à une tâche quelconque.<br />
Des coups de marte<strong>au</strong> heurtant le métal résonnèrent. Ils devaient essayer de réparer leur<br />
rafiot pourri eux-mêmes plutôt que de faire appel à l’équipe d’entretien du port.<br />
Simonet atteignit le bout du couloir et se pétrifia. Il lui suffit d’un seul regard sur la scène<br />
qui s’<strong>of</strong>frait à ses yeux pour comprendre de quoi il retournait. Son sang se figea dans ses<br />
veines. Le cœur battant de terreur, il recula lentement. Le formulaire s’échappa de ses doigts<br />
tremblants et tomba sur le sol sans qu’il s’en aperçoive.<br />
Il ne fallait pas qu’on le voie ! Ces hommes étaient des monstres impitoyables. Ils ne<br />
méritaient même pas le nom d’hommes. Ils n’hésitaient pas à massacrer des femmes et des<br />
enfants. Que valait la vie d’un obscur petit employé des douanes à leurs yeux ?<br />
Il s’aplatit contre la paroi comme pour fusionner avec elle.<br />
Seigneur ! Il fallait qu’il sorte de là sans attendre.<br />
Plus il traînerait dans les parages, plus le risque d’être découvert <strong>au</strong>gmenterait. Il remonta<br />
le couloir <strong>au</strong>ssi vite que possible, jetant des coups d’œil affolés par-dessus son ép<strong>au</strong>le. Les<br />
hommes qu’il avait aperçus étaient armés. Dans <strong>ce</strong> couloir d’acier, il formait une cible<br />
inratable. Son cœur cognait si fort dans ses tympans qu’il ignorait s’il faisait du bruit en se<br />
déplaçant.<br />
Par miracle, Simonet réussit à remonter sur le pont, puis à regagner le quai sans qu’on<br />
l’ait repéré. Il retrouva la voiturette électrique là où il l’avait laissée et, dix minutes plus tard,<br />
refermait la porte de son bure<strong>au</strong> derrière lui, en nage, le souffle court, en proie à une terreur