Site : http://ericvincent.no-ip.org/ © <strong>Eric</strong> <strong>Vincent</strong> 2002. Tous droits réservés. Toute ressemblance avec des situations ou des personnages ayant existé, existant ou à venir, serait fortuite.
1 <strong>Un</strong> <strong>ange</strong> <strong>ne</strong> <strong>vaut</strong> <strong>pas</strong> <strong>un</strong> <strong>radis</strong> La vie de Simo<strong>ne</strong> avait été exemplaire. Quinze enfants adoptés et élevés avec amour, <strong>un</strong> dévoue<strong>me</strong>nt constant auprès de sa paroisse, u<strong>ne</strong> fidélité sans faille, u<strong>ne</strong> dévotion sans limite. Après quatre-vingt-dix années de bons et loyaux services, son corps avait abdiqué. Le tracé plat de l'électrocardiogram<strong>me</strong>, accompagné d'<strong>un</strong> siffle<strong>me</strong>nt continu, confirmait l'arrêt définitif des fonctions vitales. Les proches versaient les premières lar<strong>me</strong>s, donnant dans le rituel catholique basé sur la tristesse. Avant mê<strong>me</strong> la raideur cadavérique, avant mê<strong>me</strong> la moindre tentative pour consoler les enfants, frères et sœurs, Simo<strong>ne</strong> se sentit aspirée par u<strong>ne</strong> tornade. L'arrache<strong>me</strong>nt brutal de son essence fut suivi d'u<strong>ne</strong> sensation de flotte<strong>me</strong>nt et de douceur. Son â<strong>me</strong> s'élevait dans les cieux com<strong>me</strong> <strong>un</strong> flocon de <strong>ne</strong>ige poussé par <strong>un</strong> vent ascendant. Elle conservait sa for<strong>me</strong> humai<strong>ne</strong> d'origi<strong>ne</strong> mais irradiait d'u<strong>ne</strong> blanche luminosité quasi irréelle. Contre toute attente, sa vision restait intacte. Mieux, elle percevait l'invisible, découvrant les êtres sous leur véritable nature. <strong>Un</strong> regard en direction des siens de<strong>me</strong>urés dans la chambre d'hôpital, transformée pour l'occasion en chambre mortuaire, lui apprit qu'ils fêteraient bientôt son décès au champag<strong>ne</strong> et qu'ils se battraient com<strong>me</strong> des chiffonniers à la lecture du testa<strong>me</strong>nt. La noirceur de leurs auras en disait long sur la te<strong>ne</strong>ur des évé<strong>ne</strong><strong>me</strong>nts à venir. "Bande de rapaces ! Songea-t-elle. "Ils <strong>ne</strong> pensent qu'à l'héritage !" En voletant, balancée de droite à gauche com<strong>me</strong> <strong>un</strong> fétu de paille, Simo<strong>ne</strong> discerna u<strong>ne</strong> myriade de points lumi<strong>ne</strong>ux "<strong>ne</strong>igeant" de bas en haut, com<strong>me</strong> elle. <strong>Un</strong>e guerre causait-elle <strong>un</strong> véritable génocide ? Non. La mort n'avait rien d'anormal. Sur six milliards de Terriens, u<strong>ne</strong> centai<strong>ne</strong> de milliers d’humains s'évaporait chaque jour. D'où <strong>un</strong> ciel à l'allure de sapin de Noël ! Les scories se ruaient vers de somptueux cumulus à développe<strong>me</strong>nt vertical, des nuages annonçant du beau temps. C'était u<strong>ne</strong> belle journée pour mourir… La multitude de brillants s’avéra être autant de for<strong>me</strong>s lumi<strong>ne</strong>uses, d'autres â<strong>me</strong>s perdues à jamais pour les Terriens. Simo<strong>ne</strong> traversa la couche nuageuse et découvrit <strong>un</strong> phénomè<strong>ne</strong> typique des grandes agglomérations terrestres : <strong>un</strong> gigantesque embouteillage ! <strong>Un</strong>e interminable cohorte d'â<strong>me</strong>s patientait pour pénétrer au centre de triage. Simo<strong>ne</strong> prit le temps de consulter l'affichage lumi<strong>ne</strong>ux disposé à intervalles réguliers au-dessus de la voie. - Vingt-cinq girouettes (l'<strong>un</strong>ité de <strong>me</strong>sure au pa<strong>radis</strong>, valant à peu près notre kilomètre) de bouchon sur le périphérique pa<strong>radis</strong>iaque ! S'exclama Simo<strong>ne</strong>. <strong>Je</strong> <strong>ne</strong> suis <strong>pas</strong> arrivée ! La convergence des files d’attente en <strong>un</strong> <strong>un</strong>ique point d’accès, à la manière des autoroutes parisien<strong>ne</strong>s débouchant sur le périphérique, expliquait l'engorge<strong>me</strong>nt. Mais Simo<strong>ne</strong> avait toujours su faire preuve de patience, tout au long de sa longue et vertueuse vie. Elle s'inscrivit dans la queue et attendit son tour. 3