Un ange ne vaut pas un radis - Je me livre ... Eric Vincent

7
Un ange ne vaut pas un radis
Le brun au teint hâlé et au regard ténébreux ne cessait de la mater. Seul à sa table de ce
restaurant mexicain, il dégustait un guacamole accompagné de quelques tacos et d'oignons
frits. Son repas semblait moins l'intéresser que la plastique de Jane. Bien que le mec soit tout
à fait son style d'amant à croquer, la jeune avocate éprouvait une gêne indescriptible sous les
feux azurs du bel inconnu (NDLA : peut-être parce qu'il mange une purée d'avocat ?). Cet
effet secondaire se répercutait sur la précision de ses gestes puisque à trois reprises, sa banane
cuite en beignet, accompagnée d'une sauce au chocolat et au beurre de cacahuète, s'était
dérobée aux piques de sa fourchette et aux dents de son couteau. Excédée par sa fébrilité
apparente, elle s'était écriée sans pitié pour ses voisins de table :
- Arrête de bouger comme ça, la banane ou je te fais la peau !
Face à la menace, le fruit oblong avait obtempéré. Il craignait vraisemblablement d'être traîné
devant les tribunaux pour rébellion, victime d'un procès où il aurait assurément perdu. La
banane avait vu son armure de pâte à beignet transpercée par les pointes acérées de la
fourchette. En même temps, Jane n'avait pu s'empêcher de jeter un regard à son bel
admirateur, lui signifiant par ce geste sur le fruit symbole phallique par excellence, qu'elle
prenait systématiquement l'ascendant sur ses partenaires mâles dans les relations sexuelles
qu'elle entretenait avec eux.
L'inconnu avala davantage de crème verte que voulu et manqua de s'étouffer en imaginant
l'allusion. Il ne dut son salut qu'à un verre de bière fraîche, vidant la quantité de liquide
mousseux pour aider à dégager la voie obstruée.
Parachevant ses simagrées destinées à mettre le mâle en condition, Jane s'appliqua à lécher, à
sucer et à mordiller la banane à plusieurs reprises, simulant ce qu'elle désirait faire au mec. Le
bel hidalgo aux yeux d'océan plongea la tête dans son assiette, suffoqué par tant de hardiesse.
Jane n'en était pas à son coup d'essai. Régulièrement, elle se livrait à des jeux coquins,
lubriques, osés pour obtenir les faveurs des hommes ou des femmes, n'ayant aucune
préférence en la matière. En général, elle ne se trompait pas sur la nature des intentions de
ses cibles et obtenait toutes leurs faveurs. Ce beau mec n'échapperait pas à la règle même si,
en son for intérieur, elle détectait une anomalie dans son allure globale.
"Il me plait mais il y a un truc qui cloche. Je n'arrive pas à déterminer quoi. Cela m'énerve de
ne pas trouver ! Il va falloir que j'en aie le cœur net !" Songeait-elle sans cesser de le mater,
puisqu'il en faisait autant.
Tout à coup, l'inconnu se leva et fila au sous-sol du restaurant, direction les toilettes. Jane
n'hésita pas l'ombre d'une seconde et emboîta son pas, à une distance suffisamment
raisonnable pour ne pas éveiller les soupçons. Elle adorait les histoires cochonnes,
particulièrement celles se déroulant dans ce style d’endroit. Bien que la loi américaine soit
stricte en matière d'exhibition dans des lieux ouverts au public, Jane ne s'était jamais faite
prendre par les forces de police. Enfin si… Une fois ! Elle avait été prise par un flic dans les
41