Un ange ne vaut pas un radis - Je me livre ... Eric Vincent
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<strong>Un</strong> <strong>ange</strong> <strong>ne</strong> <strong>vaut</strong> <strong>pas</strong> <strong>un</strong> <strong>radis</strong><br />
La piste de danse <strong>ne</strong> désemplissait <strong>pas</strong> ; des enceintes, à dix mille watts l’<strong>un</strong>ité, crachaient les<br />
tubes de Va<strong>ne</strong>ssa Pa<strong>radis</strong> à grands renforts de décibels. De temps en temps, des <strong>ange</strong>s<br />
endiablés se trémoussaient de manière suggestive dès que le DJ <strong>pas</strong>sait "Parking des <strong>ange</strong>s",<br />
de Marc Lavoi<strong>ne</strong> tandis que les images de "Nous irons tous au pa<strong>radis</strong>" défilaient sur <strong>un</strong> mur<br />
immaculé. Le Pa<strong>radis</strong>co, u<strong>ne</strong> boîte de nuit secrète, enfouie sous les fondations d'<strong>un</strong> nuage<br />
d'habitation totale<strong>me</strong>nt insoupçonnable, faisait recette ce soir com<strong>me</strong> les autres soirs. Dieu et<br />
ses saints en ignoraient l'existence.<br />
La boîte, parfaite<strong>me</strong>nt illégale au pa<strong>radis</strong>, était la chasse gardée et l'œuvre du clan des corses.<br />
Le clan des corses était ainsi nommé à cause des innombrables "Ange" que comptait l'île de<br />
beauté parmi sa population vivante et morte (les deux participant aux élections<br />
présidentielles, législatives et territoriales, com<strong>me</strong> chac<strong>un</strong> sait !). Il y avait Ange Raccourci,<br />
ainsi baptisé car il avait perdu u<strong>ne</strong> aile lors de la grande guerre de sécession. A ses côtés,<br />
sirotant <strong>un</strong> Bloody Marie sans Marie (occupée à surveiller son fils Jésus, apprenant à ch<strong>ange</strong>r<br />
l'eau en vin de <strong>me</strong>sse buvable, sur les conseils de <strong>Je</strong>an-Pierre Coffe), Ange Karoussi, le cogérant<br />
du Pa<strong>radis</strong>co, lui aussi profondé<strong>me</strong>nt touché par la grande guerre, brûlé par le souffle<br />
de Satan. Les deux Anges corses attendaient la venue de hauts dignitaires dans la hiérarchie,<br />
tout en jetant <strong>un</strong> œil sur leurs employés. Ange Igolo, danseur mondain, venait d'inviter sainte<br />
Nitouche qui <strong>ne</strong> méritait <strong>pas</strong> sa prude réputation. La ru<strong>me</strong>ur laissait entendre qu'elle était si<br />
coincée qu'on la soupçonnait de s’être enfilée u<strong>ne</strong> plu<strong>me</strong> raide dans le trou du cul mais c'était<br />
totale<strong>me</strong>nt faux. Sa seule présence en ces lieux corrompus attestait du contraire. Elle se laissa<br />
entraî<strong>ne</strong>r dans <strong>un</strong> ryth<strong>me</strong> endiablé (<strong>un</strong> comble !) imposé par les <strong>pas</strong> précis d'Ange Igolo.<br />
- Ce soir, la boîte tour<strong>ne</strong> bien ! Remarqua Ange Raccourci.<br />
- C'est vrai ! Abonda Ange Karoussi. Moins il y a d'entrées au pa<strong>radis</strong>, plus nous tirons notre<br />
épingle du jeu. Mais ce n'est <strong>pas</strong> suffisant. Il est grand temps que les choses ch<strong>ange</strong>nt au<br />
pa<strong>radis</strong>. Nos invités vont y parvenir, j'espère.<br />
- Qu'est-ce qu'ils foutent ? Bon sang ! J'espère qu'ils n'ont <strong>pas</strong> été inquiétés par <strong>un</strong> barrage des<br />
forces de sécurité !<br />
- Mais non… Ne t'inquiète <strong>pas</strong> ! <strong>Je</strong> vais aux nouvelles auprès d'Ange Grosfusi.<br />
Ange Karoussi se redressa et fila vers l'entrée. Au mê<strong>me</strong> instant, l'intensité lumi<strong>ne</strong>use<br />
diminua forte<strong>me</strong>nt dans l'im<strong>me</strong>nse salle, la plongeant dans des ténèbres inhabituelles pour le<br />
pa<strong>radis</strong>. C'était l'heure de l'entrée en scè<strong>ne</strong> de la vedette maison, le musicien et chanteur<br />
polyphonique Ange Cébohu<strong>ne</strong>villanui. Tant mieux ! L'arrivée des invités, enfin annoncée par<br />
les vigiles en faction à l'entrée, n'en serait que plus discrète. <strong>Un</strong> à <strong>un</strong>, les mystérieux <strong>ange</strong>s<br />
venus en petit comité, s'introduisirent dans l'enceinte du Pa<strong>radis</strong>co, profitant de la pénombre<br />
générée par le show du soliste, entonnant "les démons de minuit", le tube du groupe Images,<br />
version polyphonie corse. Ils élirent domicile dans u<strong>ne</strong> loge parfaite<strong>me</strong>nt à l'abri des regards<br />
et des oreilles indiscrètes, grâce aux hurle<strong>me</strong>nts cacophoniques d'Ange Cébohu<strong>ne</strong>villanui.<br />
Le serveur leur apporta u<strong>ne</strong> coupe de sangria titrant au moins dix degrés, malgré les<br />
nombreux fruits du travail et du pa<strong>radis</strong> (surtout des pom<strong>me</strong>s interdites). Ange Achère et<br />
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