Un ange ne vaut pas un radis - Je me livre ... Eric Vincent

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Un ange ne vaut pas un radis
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La vénérable grand-mère touchait enfin au but : un simple comptoir flottant au-dessus d'un
nuage orageux. L'accueil des morts, le siège administratif de l'au-delà. Régulièrement,
l'amoncellement d'humidité se déchirait, crachant un éclair rouge, ouvrant la porte sur l'enfer.
Une âme noire chutait brusquement et grossissait les rangs toujours plus nombreux des
damnés.
Le cerbère à longue barbe blanche, vêtue d'une vieille robe mitée, triait les nouveaux
arrivants. Ce travail rébarbatif, le plus vieux du monde, avait été attribué à saint Innocent, dès
la création du poste. Il datait de l'époque où Adam et Eve avaient sérieusement déconné.
Dieu s'était mis en pétard et avait décrété que ses protégés en baveraient pour l'éternité, qu'ils
devraient mener une vie exemplaire pour gagner le paradis alors qu'avant leurs goinfreries de
pomme crue, c'était du tout cuit !
Depuis ce temps-là, le poste de trieur servait à envoyer les âmes pures au paradis ou les
nouveaux venus en enfer s'ils avaient triché, menti, volé ou tué. Les hommes politiques, les
militaires, les patrons, les avocats et les truands se voyaient affectés au service de Satan,
d’office. En cas de doute, une séance de purgatoire servait à déterminer l'affectation future.
Saint Innocent était le plus qualifié pour remplir ce job, grâce à sa candeur mêlée
d'impartialité. Seulement, depuis les 35 heures, il était devenu tatillon et à cheval sur les
horaires.
- Suivant ! Lança saint Innocent. Ton nom ?
- Julien Rapetou, répondit l'intéressé.
Le loubard natif de Trappes, flingué par un caïd du Val Fourré de Mantes-la-Jolie alors qu'il
s'en prenait à sa BMW volée, se présenta avec un tournevis dans une main, un autoradio dans
l'autre. Les produits de son larcin….
Saint Innocent chaussa des lunettes spéciales, avec des verres demi-lune. Il toisa l'individu
peu recommandable, le détaillant de la tête aux pieds à plusieurs reprises. Puis, il porta une
brève attention à une fiche synthétique s'affichant sur l'écran de son ordinateur.
- A la trappe, l'affreux jojo de Trappes ! Décida le saint.
Un éclair rouge zébra le ciel et le voyou chuta dans un long conduit menant aux fours du
seigneur des enfers. L'ouverture se referma aussitôt. Une série de dong et de ding avertit saint
Innocent qu'il venait de recevoir un e(nfer)-mail. Il réduisit l'application principale connectée
sur le fichier des entrants et activa l'apparition de la messagerie.
- Un message de Belzébuth, le roi de l'enfer !
Aucune pièce n'était jointe ; le détecteur anti-virus n'avait rien à se mettre sous la dent. Une
chance ! Satan adorait se livrer à d'immondes farces destructrices.