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Je frissonnai à cette idée, caressai ma nuque légèrement<br />
irritée et lui fis signe que j’ignorais tout des raisons qui l’avaient<br />
poussé à me laisser la vie sauve.<br />
« Si je t’avais tué, ton père, ta mère et tout le fief Nakamura<br />
m’auraient condamné à mort. Pour me libérer d’une telle<br />
menace, il m’aurait fallu tôt ou tard assassiner la noble dame<br />
Suki ; ce que je refuse de faire... quoi qu’il arrive. Ta mère t’a<br />
donné la vie il y a dix-sept ans et elle t’a sauvé la vie cette nuit,<br />
tâche de ne pas l’oublier. J’aurais aimé trouver la force de te<br />
tuer, mais je n’ai pas su, sans doute parce que je suis le premier<br />
coupable de ce que tu es devenu. Restons-en là pour le moment,<br />
jeune Mikédi, nous reparlerons de ça après le départ de<br />
l’émissaire de l’Empereur. »<br />
Absorbé par la venue de l’émissaire impérial, Musashi fit<br />
servir le thé et préparer de la nourriture en grandes quantités<br />
avant d’ordonner aux geishas de rester dans leurs quartiers<br />
pour s’occuper de celles que j’avais violentées.<br />
L’émissaire de l’Empereur, accompagné par six samouraïs<br />
d’allure farouche, agiles comme des tigres birmans, se présenta<br />
avec toute la cérémonie qu’impliquaient son rang et le nôtre :<br />
« Je suis Hideata Bunraku, conseiller personnel de l’Empereur.<br />
Il m’envoie vous remettre ce rouleau et vous exposer la nature<br />
exacte de l’offre qui y est consignée. »<br />
Il ne me fallut qu’un instant pour détester cet homme<br />
joufflu, au ton condescendant. Il était visqueux comme le sont<br />
ces poulpes qu’on retire d’une flaque d’eau salée, juste après la<br />
tempête. Musashi prit le rouleau et salua l’émissaire qui<br />
continua sur sa lancée :<br />
« L’Empereur-Dragon m’a envoyé en ces lieux parce qu’en<br />
empêchant une action impériale décisive contre la plus<br />
dangereuse des sectes genji, vous avez suscité sa fureur. Mais au<br />
vu <strong>du</strong> courage hors <strong>du</strong> commun, de l’audace et de l’art <strong>du</strong> sabre<br />
inégalable qui vous ont été nécessaires pour vous emparer des<br />
quatrième et cinquième armées, l’Empereur vous propose cent<br />
ôban chacun et une charge de samouraï contre la restitution<br />
pleine et entière, sans condition de votre part, des quatrième et<br />
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