No. 12 / Avril 2010 (PDF) - ALBA

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T é m o i n a g e famille M. Élie Geha Neveu de Georges Haddad Cher Khalo Georges, Il m’a été demandé d’écrire un article en ta mémoire. Un de plus, me diras-tu, tellement d’hommages t’ayant été rendus, à la mesure de l’œuvre que tu as accomplie. J’ai donc plutôt choisi, et ce n’est pas pour te déplaire, je sais, de m’adresser à tes étudiants. Chers étudiants de l’Alba, comme vous l’avez si bien compris, pour Georges Haddad, ses responsabilités à l’Alba n’étaient ni un métier ni une carrière, mais relevaient du sacerdoce. C’était la mission qu’il s’était fixée tout au long de sa vie : œuvrer pour la jeunesse de son pays, lui donner les moyens d’exceller, de construire son avenir et celui du Liban. La réussite de chacun d’entre vous était sa propre réussite et sa joie, comme sont la joie et la fierté que ressent un père devant la réussite de ses enfants, et ce jusqu’aux derniers instants de sa vie. Lorsqu’il nous a quittés, vous vous êtes mobilisés jour et nuit afin de l’accompagner lors de ses funérailles. Vos fleurs en papier ont certainement illuminé son âme. Votre douleur sincère était profondément émouvante, et réconfortante, car elle démontre à quel point l’amour et le respect entre Georges Haddad et vous était réciproque. Ce fut la plus belle preuve de la réussite et de l’accomplissement de sa mission. De là-haut, il était certainement, encore une fois, fier de vous. Cher Khalo Georges, que dire de plus ? Que toute ta vie durant tu as donné sans rien attendre en retour ? Que tu nous manques ? À un de ces jours, Mme May Geha-Badawi Nièce de Georges Haddad Mon oncle, mon héros. Khalo Georges. Deux mots qui n’en faisaient qu’un seul: pour l’oncle, le frère, l’ami, le confident. Celui qui vous guide, vous inspire, vous apprend. Celui qui fut un héros dans mon quotidien. De son père Kaissar, perdu à l’âge de douze ans, Georges avait hérité les yeux bleus. Si bleus qu’on voyait le ciel dedans. ... Aussi, sa bonté et sa bienveillance légendaires. Vous vous direz tous les deux : « Enfin ». Aurais-tu été un sage de la Grèce antique ? Un phénicien de port en port ? Un pèlerin suivant les pas du Christ en Galilée ? Lancelot ou le Roi Arthur ? L’ami de Michel- Ange, Léonard et les autres ? Un humaniste parmi les humanistes ? Tu avais choisi le Liban pour t’y incarner. Les héros partent toujours trop tôt. C’est le repos du guerrier. « Le bon et mesuré Georges Haddad », disait ton ami le peintre Pierre Ramel. L’absence. La douleur. Sois en paix Khalo. Décembre 2009 1 0
1 1 SEM. le Ministre et Madame Ghassan Tuéni Dr. Henri Awit Vice-recteur aux affaires académiques de l’Université Saint-Joseph et rapporteur de la Commission des équivalences L’Homme à l’esprit ouvert et au cœur généreux C’est en 1980, alors que la guerre battait encore son plein, que j’ai rencontré pour la première fois Georges Haddad. Je venais juste d’être nommé délégué de l’Université Saint-Joseph à la Commission des équivalences relevant de ce qui s’appelait à l’époque le Ministère de l’éducation nationale, où il m’avait précédé de quelques semaines. Ce fut l’occasion d’une collaboration fructueuse au service d’une mission d’ordre public ; ce fut aussi le point de départ d’une amitié à toute épreuve. Georges Haddad était au sein de cette Commission un collègue apprécié de tous ses pairs, et pour Sa délicatesse et sa modestie auraient tellement été offensées de ce qu’on écrit et dit! Il se serait esquivé sur la pointe des pieds et n’aurait rien voulu entendre! Il faisait ce qu’il faisait en y mettant tout son cœur, sans calcul, sans rien attendre en retour, comme si c’était aussi naturel que de respirer! Il était voué « de naissance » à l’Alba, il faisait corps avec sa faculté; est-ce là une vocation, une mission, un sacerdoce? Oui, peut-être tout à la fois. Dans ses yeux il y avait l’enfant pur qu’il était resté et le visionnaire rêveur qu’il est devenu. Sa constance ressemblait à de l’entêtement, son enthousiasme à de la légèreté, son ambition à de la folie! Quelle œuvre est faite sans démesure? En l’approchant, on croyait en lui et lui croyait en ses profs et en ses étudiants; jamais cavalier seul, toujours en équipe, toujours le partage! Ses étudiants, il les portait à bout de bras même quand ils avaient quitté. Leurs projets étaient les siens propres, leurs succès annoncés avec fierté. moi, en ma qualité de rapporteur, un partenaire privilégié. Nous éprouvions un réel plaisir à travailler avec lui, tant il réussissait avec le naturel et la bonhomie qui le caractérisaient, à associer la rigueur professionnelle à la convivialité des rapports. Il nous faisait bénéficier de sa longue expérience et de sa compétence avérée dans les différentes disciplines enseignées à l’ALBA, dans l’examen des milliers de dossiers soumis à la Commission. Son assiduité, son sens aigu de l’équité et la pertinence de ses jugements forçaient le respect et recueillaient l’unanimité. Georges pratiquait par ailleurs le culte de la qualité et de l’excellence. Il critiquait sévèrement la prolifération sauvage et chaotique des établissements d’enseignement supérieur qu’il qualifiait de « boutiques » et de « moulins à diplômes ». Lui qui était très exigeant envers luimême et envers ses étudiants, se révoltait contre tout laxisme et toute forme de médiocrité dans la formation. Et lui qui considérait l’éducation non comme un métier, mais comme une vocation, déplorait sa commercialisation à outrance et sa course effrénée au gain. Il avait ainsi largement contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre de critères et de normes pour la reconnaissance des diplômes, susceptibles d’en relever le niveau. Durant plusieurs années, Georges passait me prendre à mon bureau au moins une fois par semaine, pour nous rendre au palais de l’Unesco. Le trajet à l’aller et au retour nous offrait l’opportunité d’aborder en toute liberté les sujets les plus divers. Il évoquait non amis (Que de fois ne s’était-il pas inquiété de les lire dans le Nahar?!) Il nous donnait l’impression d’être constamment en éveil, « en alerte », même les dimanches et les jours de fêtes. Cher Georges, pardonne-nous de disséquer comme cela une personnalité multiple comme la tienne, pardonne-nous de nous extasier devant ce qui pour toi était normal et spontané, pardonne-nous surtout d’avoir parfois manqué à tes appels sans que tu nous en aies voulu, en comprenant toujours, en aimant sans cesse. Peut-on te promettre que l’Alba, où trois longues décennies durant tu as œuvré avec un dévouement sans fin, continuera pour nous à être une priorité, et que le regard que nous aurons pour elle sera toujours celui de l’Amour que tu lui as porté? On s’y engage au nom de l’amitié qui nous unit et que rien, même ton départ sans crier gare, ne pourra altérer, cher Georges aux yeux de lumière. sans émotion la figure emblématique du fondateur de l’ALBA, Alexis Boutros. Il m’entretenait bien évidemment des projets qu’il pilotait au sein de cette prestigieuse institution, et me faisait part, sur le ton de la confidence, des problèmes d’ordre juridique et académique auxquels il était confronté. Lui qui était d’ordinaire discret et pudique, ne cachait pas sa fierté en énumérant les nombreux prix internationaux décrochés par ses étudiants. Mais les thèmes qui étaient le plus souvent au cœur de nos échanges concernaient tout autant la crise de l’enseignement supérieur, les aléas de la politique, la vocation historique du Liban, ainsi que l’avenir incertain de la présence chrétienne en Orient. Au fil des années, une confiance mutuelle s’est établie entre nous et une amitié profonde s’est tissée, nourrie de notre adhésion commune à un certain nombre de valeurs et d’idéaux. J’ai pu ainsi découvrir en lui, au-delà de l’administrateur efficace et du brillant responsable académique, l’humaniste à la culture si vaste et au goût si raffiné, épris de peinture, de musique et de beaux-arts, et surtout l’homme à l’esprit ouvert et au cœur immensément généreux. Avec son départ précipité et foudroyant, c’est toute une page lumineuse de l’ALBA plus particulièrement, et plus généralement de l’enseignement supérieur et de la vie culturelle au Liban, page écrite avec beaucoup de talent et de passion, qui se tourne. Il appartient à ses collègues et amis de retranscrire son parcours et de confier ce riche patrimoine et ce legs si précieux aux générations futures. Et le plus bel hommage que nous puissions rendre à sa mémoire c’est de demeurer fidèles aux principes qui ont inspiré son action et aux valeurs qu’il a prônées ; c’est de poursuivre inlassablement son œuvre et sa mission. T é m o i n a g e
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