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Mgr Georges Khodr<br />
«Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et<br />
si nous mourons nous mourons pour le Seigneur»<br />
(Romains, 14.8)<br />
J’ai lu I’épître aux Romains un nombre incalculable<br />
de fois, mais c’est la première fois que I’affirmation<br />
de Paul : «Si nous mourons, nous mourons pour le<br />
Seigneur», m’interpelle autant. Elle est d’ailleurs<br />
d’une absolue nouveauté pour nous tous.<br />
Georges Haddad a essayé, sa vie durant, depuis son<br />
plus jeune âge, d’appartenir à son Seigneur. Élève<br />
de Sa Béatitude le Patriarche Ignace, à Beyrouth,<br />
au collège de l’Annonciation, il s’est habitué à la<br />
lecture de la Parole de Dieu avec les jeunes de<br />
sa génération, et il a osé affirmer sa volonté de se<br />
donner à cette Parole, pour qu’elle demeure en lui.<br />
<strong>No</strong>us ne faisions pas de différence en lui entre son<br />
existence matérielle, faite de poussière que nous<br />
voyions, et I’être divin auquel il aspirait. En lui, la<br />
divinité s’est mêlée à la poussière, le poussant à se<br />
consacrer aux sciences de la beauté, aux Arts, à une<br />
institution de beaux-arts. Je ne sais s’il était conscient,<br />
dans son approche de la beauté sous toutes ses<br />
formes, qu’elle n’était qu’un tâtonnement vers la<br />
beauté de Dieu, un balbutiement de la sublime<br />
splendeur du Jour Dernier, qu’il n’imaginait pas, et<br />
nous de même, rejoindre si tôt. Mais, il essayait d’y<br />
tendre par la pratique d’une beauté qui dépasse<br />
toute autre, celle de son amour exemplaire des<br />
autres. J’ai été toujours émerveillé par son amour<br />
envers les professeurs et les élèves, qui à ses yeux,<br />
dépassaient en beauté toute beauté.<br />
Celui qui a connu I’Académie peut témoigner,<br />
avec pudeur et humilité, que ceux qui y travaillent,<br />
Dr. Elie Salem<br />
Président de l’Université de Balamand<br />
à ses divers niveaux, sont tendus vers un horizon<br />
rempli d’une splendeur que la pierre et les couleurs<br />
sont incapables d’exprimer.<br />
Ayant été proche de cette institution, je peux<br />
confirmer que notre cheminement n’était pas une<br />
aventure simplement horizontale, au ras des choses,<br />
mais un voyage vers le soleil, vers les hauteurs. Cela<br />
était surtout dû à Georges Haddad. II avait le don<br />
d’exiger beaucoup des professeurs et des élèves,<br />
d’ailleurs à la mesure de son infatigable effort de<br />
travail personnel.<br />
Quand on vit dans un tel milieu, comment ne pas se<br />
prendre au sérieux, rester critique envers soi-même<br />
et humble devant Jésus et les frères, Jésus et les<br />
frères unis dans une même ivresse du divin?<br />
Vous devez probablement savoir que nos Pères ont<br />
affirmé que les fidèles dans notre Eglise doivent vivre<br />
une ivresse lucide. Car si nous ne nous enivrons de<br />
la Coupe de Jésus, nous ne pouvons guère devenir<br />
vraiment lucides.<br />
<strong>No</strong>us avons aimé Georges parce qu’il incarnait tout<br />
cela. S’il m’était donné de le cerner davantage, je<br />
dirais qu’il m’émerveillait aussi, au sein même de son<br />
humilité, par sa rigueur quand il n’y avait pas lieu de<br />
plier. J’étais heureux quand il me faisait face, qu’il<br />
s’opposait à une de mes rares demandes, car je<br />
me refuse d’habitude à confronter les tenants de<br />
la vérité que sont censés être les académiciens.<br />
Je suis intervenu, une fois, en faveur d’un étudiant<br />
auquel manquait un demi-point sur vingt. L’ajouter<br />
ne me semblait pas une grande dérogation à la<br />
vérité académique. Georges me dit: «Jamais, cela<br />
ne peut se faire». L’humilité peut respecter la vérité.<br />
A nos chers élèves de l’Alba,<br />
Il m’est tout aussi difficile d’écrire ces lignes sur<br />
Georges Haddad, que ça l’est pour vous de me<br />
lire. Car écrire ces lignes, en parlant de Georges<br />
au passé, est un exercice extrêmement pénible.<br />
Comment le faire en effet sans se rappeler son<br />
sourire, son humour, son attention et son amour pour<br />
chacun d’entre vous ! Les élèves étaient sa Vie.<br />
Je n’ai jamais rencontré, durant ma longue<br />
carrière académique menée sur deux continents,<br />
une personne aussi passionnée pour l’institution<br />
qu’il présidait, et pour tout ce qui s’y rattachait.<br />
Le leadership répond en général à des critères<br />
spécifiques : dans le cas de Georges, ces critères<br />
étaient totalement inopérants. Ainsi, alors qu’un jour<br />
je lui racontais que j’avais rencontré un étudiant<br />
qui avait été diplômé de l’Alba dans les années<br />
50, il me répondit tout de suite que celui-ci n’avait<br />
même pas suivi de cours à l’Académie. « Comment<br />
te rappelles-tu? » lui avais-je demandé. Et lui<br />
de répondre : « Oh, je connais tous les élèves<br />
0 2<br />
Toutes deux sont le produit d’un même esprit de<br />
probité.<br />
Maintenant, je veux m’adresser à vous, les parents<br />
du défunt ici présents. Le dire de Paul que «celui qui<br />
meurt meure pour le Seigneur», me pousse à vous<br />
dire: Si Georges est mort pour rejoindre le Seigneur<br />
Jésus, là-bas, dans I’ivresse de la beauté céleste,<br />
comment vouloir le garder sur terre? Allons-nous I’<br />
emprisonner dans nos regards et nos cœurs? Ou<br />
alors, allons-nous, dans la prière, le laisser aller pour<br />
qu’il s’élève encore plus et que son front frôle le<br />
trône, divin? Vous avez voulu, avec la bénédiction<br />
de Mgr Elias, célébrer un office complet ou presque<br />
complet pour affirmer que nous voulons que notre<br />
Georges habite les cieux.<br />
II y sera mieux qu’ici, car celui qui a<br />
vécu dans la charité sur cette terre, sera<br />
rempli d’un plus grand amour encore,<br />
quand il sera parmi les anges.<br />
Laissez-le partir. II a quitté votre terre. II a quitté vos<br />
parents. Sa passion de la beauté du beau, son<br />
amour de la beauté qu’il voulait inculquer à ses<br />
élèves, se fixe maintenant sur cette beauté non<br />
faite de main d’homme, que seul le Seigneur peut<br />
donner à qui iI veut. Votre Seigneur a rempli Georges<br />
de cette beauté. Laissez-le voler là-haut avec les<br />
anges et réaliser que ce dont il parlait avec ses<br />
collègues et ses élèves, n’était qu’un balbutiement<br />
sur cette beauté dont on ne peut parler.<br />
Amen.<br />
qui ont été diplômés de l’Alba. De plus, non<br />
seulement je sais tout de nos élèves actuels, mais<br />
j’ai même mémorisé les numéros de leurs plaques<br />
minéralogiques! ».<br />
Ce genre de personnes, rarissime, n’existe plus. Ainsi,<br />
il n’y aura plus jamais un autre Georges Haddad !<br />
Il occupera dans notre histoire une place singulière.<br />
<strong>No</strong>us l’honorerons toujours comme le<br />
seul et l’unique qui était l’Alba, tout<br />
comme l’Alba, c’était lui.<br />
Le fait de toujours nous souvenir de lui, et de le<br />
placer sur un piédestal comme un modèle à suivre,<br />
le rendra immortel, comme ceux qui, dans la Grèce<br />
antique, appartenaient à l’Olympe. Que son esprit<br />
repose en paix, et que ses élèves se souviennent<br />
toujours de lui, comme lui se souvenait des moindres<br />
détails concernant chacun d’entre eux.