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No. 12 / Avril 2010 (PDF) - ALBA

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T é m o i n a g e<br />

alba<br />

Mme Aurore Abi Nader-Beaini<br />

Enseignante à l’Alba<br />

À la seconde où la mauvaise nouvelle s’abattait sur<br />

moi, l’image commençait à s’écrouler. L’image, la<br />

grande, celle de mon passé dans tous ses détails,<br />

de mon présent dans tout son drame, même celle<br />

des demains qui n’avaient pas encore vu le jour.<br />

Il est parti le pilier. La gorge est nouée au centre<br />

du cœur, le cœur bringuebale dans la cage<br />

thoracique, les côtes s’entrelacent, le reliquat de<br />

souffle s’étouffe sous le poids de la peine.<br />

J’avais compris que rien ne tuait l’amour.<br />

L’amour? Le vrai, pour une académie qu’il<br />

s’évertuait à arpéger au rythme de sa passion et<br />

de sa bonhomie. Il est parti, celui qui habitait dans<br />

tous les coins et les recoins de l’édifice monté au<br />

rythme de son idéal.<br />

Il est parti, celui qui s’investissait avec<br />

tellement de discrétion dans chacune<br />

des personnes de son univers, que celleci<br />

se sentait unique au monde.<br />

Il personnalisait même les objets inanimés qu’il<br />

avait revêtus d’une âme.<br />

Il a démissionné le pilier, il est maintenant aux côtés<br />

de Celui qui lui avait délégué sa mission, il n’est plus<br />

le pilier mais il veille sans doute sur tout ce qu’il a<br />

construit, sur tous ceux qu’il a aimés, il est ailleurs<br />

mais je l’entends aimer, je le vois maintenant du<br />

haut du bleu de ses yeux guetter chacune de<br />

nos pensées, construire nos intuitions, la volonté<br />

d’éterniser sa vocation résonne en moi, et je<br />

continue le voyage dans l’espoir de le revoir un<br />

jour, fier de tous ceux qu’il a chéris.<br />

Mme Anne Marie Zeenny<br />

Assistante à la communication à l’Alba<br />

Monsieur Haddad,<br />

Je vous écris cette lettre pour vous dire combien<br />

vous me manquez.<br />

Et pour vous dire aussi que depuis que vous n’êtes<br />

plus là, les rires, les cafés, les « Ooffs » tonitruants de<br />

Christine et d’Aline, qui soulageaient tout le monde<br />

du semblant de torpeur qui risquait de s’installer, les<br />

gâteaux, les bouffes et autres, qui nous donnaient<br />

de l’élan pour reprendre ou continuer dans la<br />

bonne humeur le travail que nous avions à faire,<br />

tout ca, Monsieur Haddad est parti avec vous.<br />

Mais il n’y a pas que ca… il y a cette présence, il y<br />

a ces jours où ca n’allait vraiment pas et que j’allais<br />

même jusqu’à renier l’existence de Dieu, vous me<br />

disiez alors : « Pourquoi, quand tu t’es levée ce<br />

matin, le soleil ne brillait pas ? »<br />

Et cela suffisait pour me remettre d’aplomb…<br />

J’ai éclairé les restes des cierges qu’ils ont allumés à<br />

l’annonce de votre voyage près de la Sainte Vierge<br />

qui est dans ma cuisine. Et quand l’électricité s’est<br />

coupée, ils m’ont aidée à ne pas trébucher. J’ai<br />

même failli allumer une cigarette lorsque je ne<br />

trouvais plus mes briquets, et puis je me souvenais<br />

que c’était votre âme qui y brillait et je m’astreignais<br />

à ne pas le faire…<br />

Vous voyez, plein de bêtises comme j’ai toujours eu<br />

l’habitude d’en faire, mais avec vous on en riait,<br />

tout en recevant un coup de fouet malgré le rire…<br />

Je n’ai plus grand-chose à vous dire,<br />

sauf que votre absence est difficile<br />

à supporter…Et, dites-moi, monsieur<br />

Haddad, le soleil va-t’il continuer à<br />

briller ?<br />

Si seulement vous pouviez me répondre encore une<br />

fois…<br />

Mme Christine Zachariou<br />

Secrétaire générale de l’Alba<br />

2 0<br />

Christine Zachariou a rencontré le doyen de<br />

l’Alba, en 1977, alors qu’elle s’inscrivait à l’École<br />

d’Architecture…<br />

«Mon grand-père m’avait accompagnée ce jourlà,<br />

parce qu’il connaissait Alexis Boutros. J’étais<br />

terriblement intimidée par ces deux hommes que<br />

j’admirais. M. Haddad essayait de me mettre à<br />

l’aise d’un regard qui semblait dire : Ne t’inquiète<br />

pas, tout ira bien, je suis là. Et il a toujours « été là »<br />

pour moi et pour beaucoup d’autres - pendant ces<br />

33 ans.<br />

Ce qui le différencie d’autres doyens ou directeurs,<br />

c’est son instinct pour saisir une occasion de<br />

développement d’un programme, d’initiation<br />

d’un atelier, etc. et son courage pour l’organiser.<br />

Maintenant, ce qu’il a fait peut paraître facile mais,<br />

en temps de guerre, il fallait pour cela une très<br />

grande audace, beaucoup d’optimisme et une foi<br />

certaine en notre pays!<br />

Il avait une forte intuition des gens, une très forte<br />

empathie qui menait parfois à trop d’indulgence,<br />

mais c’était son style et ça marchait. D’une très<br />

grande humilité, il savait ne pas abuser de son<br />

autorité. Et quand on adhérait à son gigantesque<br />

engagement dans l’Alba, on n’arrêtait pas nousmêmes<br />

de donner, parce que c’était le minimum<br />

qu’on pouvait faire!<br />

Il avait un don très particulier, qui<br />

était de toujours tourner une situation<br />

en sa faveur, surtout à l’époque des<br />

événements. Ses détracteurs, après<br />

avoir discuté avec lui, devenaient ses<br />

défenseurs. Ce pouvoir qu’il avait m’a<br />

toujours fascinée.<br />

Un nombre impressionnant de gens qu’il a aidés<br />

ont été marqués par le soutien moral ou l’empathie<br />

dont ils ont bénéficié. Son intarissable souci des<br />

autres s’est fait au détriment de son propre bienêtre.<br />

Son ouverture et son lien avec l’étudiant sont<br />

pourtant, à mes yeux, très importants et il faudra les<br />

préserver, les perpétuer.<br />

Et sa mémoire, Il se souvenait de chacun des<br />

diplômés de l’Alba, du projet de diplôme qu’il avait<br />

fait, s’il avait obtenu une mention ou pas, du nom<br />

des petit(e)s ami(e)s de l’époque. Un jour, il avait<br />

même demandé à la femme d’un professeur, venue<br />

suivre, 20 ans plus tôt, des cours à l’Alba, comment<br />

allait cette amie qui l’avait accompagnée au<br />

concours d’entrée!<br />

Comme nous ne pouvions pas laisser nos enfants<br />

seuls au Liban, j’ai offert à mon mari, pour nos vingt<br />

ans de mariage, une croisière en Égypte avec M.<br />

Haddad! Pas de meilleur guide que Georges dans<br />

ce pays qu’il a visité un nombre incalculable de fois<br />

et qu’il adorait, séduit tout autant par la richesse<br />

archéologique que par la cordialité, la bonhommie<br />

et la jovialité des Égyptiens!<br />

Il faisait de délicieuses seiches dans leur encre selon<br />

une recette propre à lui!».

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