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T é m o i n a g e<br />
alba<br />
M. Ziad Akl<br />
Vice-doyen de l’Alba et Directeur de<br />
l’Institut d’Urbanisme<br />
« C’était en 1970, après Jamhour, je venais m’inscrire<br />
en architecture. Georges était déjà là, avec son<br />
sourire et ses yeux bleus. Après mon diplôme<br />
d’architecture à l’Alba, j’ai été admis à l’École<br />
nationale des Ponts et Chaussées à Paris pour des<br />
études en urbanisme, et, mon diplôme en poche<br />
en 1979, j’ai commencé à enseigner l’histoire de<br />
l’architecture et l’urbanisme à l’Alba.<br />
Mme Nicole Malhamé Harfouche<br />
Directrice de l’École des Arts Plastiques<br />
À Georges le Doyen bien-aimé<br />
C’est avec un immense chagrin que je t’écris ce<br />
mot, aujourd’hui, à toi Georges, l’ami le plus cher<br />
au cœur de toute la famille de l’Alba, celui qui a<br />
su gagner l’affection infinie de tous les membres du<br />
corps professoral et du corps administratif, trente<br />
ans durant, grâce aux qualités exceptionnelles dont<br />
tu étais paré : humanisme, intelligence, probité,<br />
sensibilité, sincérité, générosité.<br />
Je t’écris ce mot à toi, le bien-aimé, dont nous<br />
attendions tous, de jour en jour, la guérison sans<br />
jamais oser envisager qu’un destin cruel pouvait te<br />
frapper et qu’un jour tu nous quitterais. Mais Dieu a<br />
décidé de t’appeler très tôt, trop tôt, auprès de lui.<br />
L’affreuse nouvelle de ta disparition nous a<br />
bouleversés, assommés. <strong>No</strong>us n’arrivions pas à<br />
croire que tu n’es plus là.<br />
Georges, en 1979, après le décès d’Alexis Boutros,<br />
fondateur de l’Académie libanaise, tu as été<br />
nommé Directeur administratif pédagogique et<br />
financier de l’Alba, par le ministère de l’Éducation<br />
et des Beaux- Arts. Tu as dû faire face à de très<br />
nombreuses difficultés, qui entravaient, à cette<br />
époque, l’action de l’<strong>ALBA</strong>, menaçant sa survie.<br />
Entre autres, et non des moindres :<br />
1-La guerre et les événements qui ont déchiré le<br />
pays, à partir de 1975, semant la destruction et le<br />
Assez rapidement, j’ai pris l’initiative de trois réformes<br />
au sein de l’École d’architecture : d’abord,<br />
au niveau de la structure même du diplôme<br />
d’architecture, ensuite au niveau du projet urbain,<br />
projet situé entre l’architecture et l’urbanisme.<br />
Cette troisième réforme est passée par trois<br />
étapes : la mise en place d’un projet d’intégration<br />
urbaine de 2ème classe, d’un projet d’urbanisme<br />
de première classe et enfin la création en 1994 de<br />
l’Institut d’urbanisme qui venait couronner cette<br />
vision essentiellement urbaine de l’architecture.<br />
Ces suggestions et propositions que je soumettais<br />
à l’Alba étaient toujours adoptées par Georges<br />
Haddad qui avait choisi de m’épauler. La<br />
tendance de l’architecture urbaine apparaissait un<br />
peu partout dans le monde et il avait su la lire à<br />
temps ….<br />
Il nous a prouvé d’ailleurs à maintes reprises son<br />
flair, mais aussi sa culture et sa vision… Avec<br />
ses interlocuteurs aussi, c’était un remarquable<br />
observateur. Il avait une lecture très précise des<br />
gens, tout en dégageant une belle chaleur, une<br />
présence : c’est une grande force !<br />
C’était surtout un homme d’une très grande<br />
spiritualité, avec une vraie dimension mystique.<br />
Malgré sa très grande foi, il n’a jamais voulu entrer<br />
désastre, et qui se sont répercutés négativement<br />
sur le secteur de l’enseignement, à tous les niveaux,<br />
du scolaire jusqu’à l’universitaire, à partir de cette<br />
époque et, même jusqu’aujourd’hui.<br />
2-Le procès, intenté par les héritiers d’Alexis Boutros,<br />
contre l’Alba, pour prendre la succession à la tête<br />
de l’institution, procès qui a duré plus de vingt ans.<br />
3-Les combats du camp palestinien de Tal Zaatar.<br />
L’Académie, située à Sin el Fil, rond-point Saloumé,<br />
s’est trouvée, alors, au cœur de la mêlée. <strong>No</strong>n<br />
seulement le bâtiment a été endommagé, la<br />
bibliothèque dévastée, mais aussi les meubles et<br />
équipements des bureaux, des ateliers et des salles<br />
de classes ont été volés.<br />
4- Les rumeurs, persistantes, de doute de la survie<br />
de l’Académie, après le décès d’Alexis Boutros,<br />
son fondateur, rumeurs que faisaient circuler des<br />
détracteurs, qui souhaitaient, pour diverses raisons,<br />
essentiellement la rivalité, voir l’Alba fermer ses<br />
portes.<br />
5-La perturbation des cours et leurs suspensions, par<br />
intermittence, tout le long des années de guerre.<br />
Déterminé, coûte que coûte, à relever le défi,<br />
Georges, tu étais animé d’une foi inébranlable en la<br />
mission de l’Alba, une foi que rien ne pouvait altérer.<br />
Tu as décidé, malgré une situation financière des<br />
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dans un circuit formel. Son dépouillement vis-à-vis<br />
des choses matérielles était très grand. Sur ce plan,<br />
c’est un homme qui « pèse » très peu.<br />
Il était d’une humanité extrême, savait<br />
être très ferme, mais dans la douceur.<br />
C’est un modèle de meneur à prendre en<br />
considération, dans un pays où l’autorité est<br />
synonyme de décibels et de violence primaire…<br />
L’autorité de Georges Haddad, elle, était douce,<br />
efficace et continue.<br />
Georges Haddad, qui avait une âme d’adolescent<br />
et un peu de rancœur parfois, avait surtout<br />
beaucoup d’amour pour autrui. Il a brillamment<br />
navigué à l’Alba durant les périodes de grandes<br />
épreuves : la relève d’Alexis Boutros, les guerres<br />
libanaises, le rattachement à Balamand. Pendant<br />
les bombardements, il atomisait l’école en repérant<br />
élèves et professeurs et en organisant la poursuite<br />
des cours dans des hôtels, dans des domiciles<br />
d’enseignants… Il n’aimait pas s’arrêter, et c’était<br />
pour tous une grande leçon d’espoir et de courage.<br />
Chez lui cohabitaient harmonieusement la pragma<br />
et la quantité de rêves, nécessaires pour faire vivre<br />
la chose…qualités essentielles que doit avoir un<br />
architecte.<br />
Georges Haddad, c’est comme un enfant qui s’en<br />
va, sans avoir laissé 66 ans d’objets hétéroclites et<br />
inutiles derrière lui. Il part avec l’essentiel… ».<br />
plus dramatiques, de mener le bon combat, à tout<br />
prix, pour la survie de l’Académie.<br />
Tu t’es identifié à l’Académie. Sous ton impulsion,<br />
les membres du corps enseignant et du corps<br />
administratif se sont mobilisés pour œuvrer à assurer<br />
la continuité et la pérennité de l’institution, et ce,<br />
malgré la précarité et les aléas de la situation qui<br />
prévalaient dans le pays.<br />
Ils ont eu foi en toi, parce que, tout au long des<br />
années où tu avais été l’assistant d’Alexis Boutros, tu<br />
avais fait preuve d’un réel talent d’administrateur, et<br />
de beaucoup d’éthique dans ton comportement.<br />
Mener l’Alba à cette « reconnaissance<br />
internationale » qu’elle a acquise, après le décès<br />
d’Alexis Boutros, malgré la guerre et les multiples<br />
difficultés de tout ordre qu’il a fallu affronter<br />
et surmonter, a exigé de toi et de tous tes<br />
collaborateurs une ligne de conduite déterminée,<br />
avec une obstination lucide, qu’aucun obstacle ne<br />
pouvait arrêter.<br />
Tu es un grand, parmi les grands, dans<br />
le monde de l’enseignement supérieur.<br />
Ceci a amené le ministère français de la Culture<br />
à te décerner, successivement, deux distinctions<br />
honorifiques: Officier, puis Commandeur de l’Ordre<br />
des Palmes académiques. Et la présidence libanaise<br />
de la République à te décerner l’Ordre du Cèdre.<br />
Georges Haddad le bien-aimé, l’importance de<br />
l’acquis humain et culturel dont tu as été imbibé,<br />
tout au long de son enfance, de ta jeunesse et de<br />
tes études universitaires, le potentiel de tes aptitudes<br />
intellectuelles, la profondeur de ton humanisme, tes<br />
qualités exceptionnelles en tant qu’administratif,<br />
et ta volonté de fer, t’ont permis d’accomplir ta<br />
mission avec succès.<br />
Par ta présence, tu illuminais toutes les rencontres,<br />
réunions de travail, repas, fêtes qu’on partageait<br />
tous ensemble.<br />
Georges, tu es toujours là, oui tu es là ! Ton ombre<br />
hante l’Alba. Ton image habite nos mémoires, tu vis<br />
à jamais dans nos esprits et dans nos cœurs.