Consulter l'étude (PDF - 338Ko) - Parc de la Villette

3. LES CONDITIONS DE L'EFFICACITE DU DISPOSITIF 34
côté théâtral de l'opération alors que le but, c'est de comprendre les mécanismes, d'expliquer ; et encore,
nous, on avait plus de distance que nos enfants puisqu'on expliquait… En même temps, ce côté
dramatique les aidera sûrement à se rappeler plus que dans une exposition classique ; mais il n'en faut pas
trop… (femme, une quarantaine d'année, responsable d'une association de solidarité)
Il arrive aussi que, pour se protéger d'une violence difficile à supporter, le visiteur quitte
mentalement le jeu en abandonnant provisoirement son identification au personnage et se
repositionne dans la réalité : c'est une exposition, ce sont des comédiens, c'est du théâtre…
- Il a fait une boule avec mon passeport, l'a mis dans sa bouche et puis l'a recraché en disant : ramasse.
Quand ça va trop loin, comme ça, on reprend la réalité pour se rassurer et ça casse le processus…
(étudiante)
- Une autre chose qui m'a marquée dans la première partie, c'est un homme qui m'a agressée, emmené dans
un coin pour simuler le viol… C'était très bien fait, mais il faut faire attention avec des gens qui ne sont
peut-être pas prêts à ça ou qui ont vécu un abus sexuel, choses qui peuvent remonter. Moi, ça m'a fait
bizarre, mais je me suis protégée en me mettant dans une bulle. Après, j'ai discuté avec ma copine et on
s'est dit qu'il fallait faire attention… (femme, 34 ans, animatrice pour adolescents)
Enfin, il arrive que des visiteurs "craquent" et ne supportent plus l'agression : ils sortent
physiquement de l'exposition.
Il est clair que dans ces différentes situations, le niveau atteint a porté préjudice au bon
déroulement de la visite et, sans entrer pour le moment dans une discussion sur le seuil
approprié de violence, on peut s'interroger sur le bien-fondé d'aller jusqu'à fourrer un
passeport roulé en boule dans la bouche d'une jeune fille en lui disant "ouvre la bouche,
salope, on voit que tu as l'habitude"… On doit également se poser la question de l'origine de
cette dérive.
Bien évidemment, la violence à laquelle est soumise le visiteur est provoquée principalement
par les comédiens. Or il apparaît que certains d'entre eux ne sont pas neutres par rapport à la
question de la violence, notamment ceux qui, réfugiés, l'ont subie en tant que personne. On en
prendra pour preuve l'existence de deux attitudes opposées : d'un côté des comédiens évitent
certains postes impliquant l'exercice de la violence, de l'autre, d'autres s'en accommodent et,
même, d'une certain façon y trouvent leur compte .
- Moi, j'aime le poste d'entrée dans le pays d'origine (quand on donne la pastille) et le deuxième poste
(quand on explique l'exposition) parce que c'est des rapports de confiance, dialogue, s'assurer que les gens
ont compris. Le pays d'origine, je ne pourrais pas : je n'ai pas envie de faire vivre ce que j'ai vécu à des
visiteurs. (une comédienne)
- Le pays d'origine, je ne suis pas restée très longtemps ; j'ai des difficultés à dire des gros mots, à faire
violence… (une comédienne)
- Moi, je suis violent, et ça me soulage ; de toute façon, c'est des choses violentes et on est encore très loin
de la réalité…" (un comédien)
Dans ces deux attitudes, on retrouve le phénomène évoqué au premier chapitre de l'interaction
entre le comédien dans son rôle et la personne du comédien. Même des visiteurs y sont
sensibles.
- A un moment donné, il y avait homme qui refusait de me laisser passer. Il me disait : donnez-moi votre
passeport, et il le jetait. Il l'a fait cinq fois de suite, c'était quasiment du sadisme. Mais c'est une forme de
violence qui existe, donc, c'est bien que ce soit représenté. Moi, j'étais à la fois gêné parce qu'on n'a pas
l'habitude de se faire agresser comme ça, mais aussi dans l'admiration parce que c'était un très bon acteur.