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Consulter l'étude (PDF - 338Ko) - Parc de la Villette

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3. LES CONDITIONS DE L'EFFICACITE DU DISPOSITIF 37<br />

- Pour moi, le plus marquant, c'est l'aspect administratif. Pour <strong>la</strong> chinoise, cet énorme problème <strong>de</strong><br />

coupure à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue : quand on ne peut pas parler parce qu'on a été enfermée dans un pays, c'est<br />

un énorme problème. Et on attend <strong>de</strong> quelqu'un comme ça, une jeune paysanne, qu'elle s'explique. On<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> les motivations <strong>de</strong>s personnes à quitter leur pays, mais les critères sont autres ; c'est en fait<br />

comment vous allez travailler si vous ne connaissez pas <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue ? C'est pour ça qu'elle est renvoyée<br />

finalement. Elle n'est pas prête à s'insérer. Moi j'ai joué le jeu : j'ai pas parlé français mais j'ai dit que je<br />

pouvais apprendre vite. Mais c'est <strong>de</strong>s critères bureaucratiques qui déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s gens (étudiant<br />

d'orgine immigrée)<br />

- Ce qui m'a le plus frappée, c'est au départ, quand on a affaire à <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> milices et que je ne savais<br />

pas jusqu'où ils iraient… On ne sait pas d'où ils viennent, on ne s'y attend pas, il m'a dit : à genoux, les<br />

mains sur <strong>la</strong> tête. J'étais très insécurisée, j'en tremb<strong>la</strong>is : pas tant <strong>la</strong> peur d'être frappée mais l'humiliation…<br />

<strong>Parc</strong>e qu'on accepte <strong>de</strong> jouer le jeu, donc ça veut dire qu'on s'expose à l'humiliation.… Ça reflète ma<br />

personnalité : j'ai horreur <strong>de</strong>s conflits et donc j'ai tendance à éviter l'affrontement, à m'écraser même si je<br />

suis traitée <strong>de</strong> pédale. Donc j'ai été dans l'exposition comme j'aurais été dans <strong>la</strong> vie, même si c'est pas très<br />

glorieux. En fait, je ne me suis jamais <strong>la</strong>issée insulter dans <strong>la</strong> vie sans réagir, mais j'ai une phobie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

violence physique, et là, il m'a touchée avec son fusil, qu'il a appuyé sur mon épaule pour me faire<br />

agenouiller. C'est une phobie. (...) Le <strong>de</strong>uxième point marquant, ça a été <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière étape, quand on va<br />

sortir <strong>de</strong> l'exposition : là, je me suis rendue compte en regardant <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l'histoire que sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> [Luis]<br />

a été rejetée et qu'il a fait tout ça pour rien, qu'il a eu l'angoisse six mois pour rien. Retour à <strong>la</strong> case départ<br />

et plus rien à faire à <strong>la</strong> différence <strong>de</strong> nous, quand on attend un passeport. Là, ça a été une c<strong>la</strong>que<br />

monstrueuse… (jeune femme, 25 ans, chargée d'insertion dans une association <strong>de</strong> travailleurs handicapés)<br />

Si les réactions <strong>de</strong>s visiteurs, multiples et diverses, sont imprévisibles, on peut néanmoins<br />

s'interroger sur leur fon<strong>de</strong>ment et observer qu'elles apparaissent principalement déterminées<br />

par <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s "variables" : d'une part, le rapport au jeu et, d'autre part, <strong>la</strong> sensibilité.<br />

Le rapport au jeu est différent suivant les publics et les visiteurs : les enfants ont<br />

spontanément une forte capacité au jeu tandis que les adultes peuvent être plus ou moins à<br />

l'aise dans le jeu <strong>de</strong> rôle et s'y impliquer plus ou moins difficilement. C'est ce qui explique le<br />

risque, chez le public jeune, d'utiliser le personnage uniquement pour jouer ou encore le fait<br />

qu'il préfère systématiquement <strong>la</strong> première partie <strong>de</strong> l'exposition, parce que <strong>la</strong> participation du<br />

visiteur y est plus physique et plus concrète, alors qu'une partie <strong>de</strong>s adultes préfèrent <strong>la</strong><br />

<strong>de</strong>uxième parce que c'est là qu'ils peuvent véritablement agir pour défendre leur personnage.<br />

Au p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> "sensibilité", le niveau d'émotivité, mais aussi <strong>la</strong> façon dont elle s'exprime, est<br />

variable suivant les personnes. Par ailleurs, chacun réagit suivant ses phobies, ses pu<strong>de</strong>urs, sa<br />

fragilité : certains visiteurs sont plus sensibles au toucher physique, d'autres aux injures,<br />

d'autres à l'enfermement, d'autres encore à <strong>la</strong> violence abstraite <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième partie… De<br />

façon plus précise, les réactions apparaissent très fortement liées à l'histoire personnelle et au<br />

vécu : il est manifeste que les effets les plus violents chez le visiteur se produisent quand <strong>la</strong><br />

situation <strong>de</strong> visite réactive une expérience douloureuse ou un choc émotionnel, comme <strong>de</strong><br />

cette femme réfugiée qu'il a fallu sortir en <strong>la</strong>rmes <strong>de</strong> l'exposition, ou encore <strong>de</strong> cette personne<br />

chez qui <strong>la</strong> vue <strong>de</strong> l'arme du comédien - soldat a déclenché une angoisse parce que ça lui a<br />

rappelé un contrôle par <strong>de</strong>s militaires en Afrique.<br />

De ce fait, les seuils <strong>de</strong> tolérance à <strong>la</strong> violence et à l'agression sont très individuels et re<strong>la</strong>tifs :<br />

l'allusion au viol <strong>de</strong> Vesna n'a pas <strong>la</strong> même portée suivant qu'elle s'adresse à une jeune fille ou<br />

une femme qui a subi <strong>de</strong>s violences sexuelles ou pas, une agression "majeure", toutes<br />

proportions gardées, sur une personne non traumatisée n'a qu'un impact faible en comparaison<br />

d'une agression très mineure sur quelqu'un qui a un vécu lourd. Là rési<strong>de</strong> tout l'art - mais aussi<br />

les risques - du jeu du comédien qui, sans rien connaître du visiteur, doit s'ajuster en temps<br />

réel à sa nature et son niveau <strong>de</strong> sensibilité.

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