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Colette Stévanovitch
gefræge, fait appel à sa source orale, c'est pour apporter une
corroboration à son récit sur un point qui pourrait susciter
l'incrédulité : les dégâts que cause le combat de Beowulf et de
Grendel ; le nombre de guerriers venus regarder le bras de Grendel ;
l'excellence du mari de Thryth, seul capable de dompter cette furie ; la
force de Beowulf, lequel brise toutes les épées dont il tente de se
servir ; la férocité du dragon, à qui nul ne peut échapper. Les premiers
et derniers de ces points mettent en lumière la force surhumaine aussi
bien de Beowulf que des adversaires qui lui sont opposés et qu'il
vainc ; en position médiane se trouvent les vers qui évoquent la
puissance, morale plus que physique, d'Offa capable de maîtriser
Thryth.
La formule < mine gefræge > et celles utilisant un comparatif ou
un superlatif ont en commun l'aspect extraordinaire de ce à quoi elles
sont associées, mais une spécialisation se remarque quant aux
contextes dans lesquels elles sont employées. La splendeur du collier
offert par Wealhtheow, les richesses du navire de Scyld, le nombre
des vassaux de Hrothgar, la magnificence des présents donnés à
Beowulf, et, dans les discours des personnages eux-mêmes, la noble
prestance de Beowulf et de ses compagnons, la sagesse de ses paroles,
la somptuosité du festin de Hrothgar, sont autant d'éléments qui sont
signe ou cause de gloire ; c'est à ce type de réalité que sont réservées
les formules contenant un comparatif ou un superlatif. La formule
< mine gefræge > introduit plutôt des détails surprenants, certains hors
du commun voire monstrueux, comme la force de Beowulf, de
Grendel ou du dragon, d'autres plus ordinaires, tel le nombre de
Danois contemplant le bras arraché de Grendel.
Mine gefræge se retrouve dans bien d'autres poèmes. Deux
catégories doivent être distinguées à l'intérieur de ce corpus. La
plupart des auteurs respectent l'usage que nous avons mis en évidence
pour Beowulf et réservent cette formule à la justification de faits
extraordinaires, fabuleux (le palmier sur lequel vit le Phénix), divins
(l'arche du déluge, la création du monde), glorieux (les qualités
d'Ælfwine), horribles (la déchristianisation massive de la Mercie) ou