Cahiers du Cinema - Vasulka,org
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Franeois Pain a realise Metro Couronnes en 1977 et<br />
Cahier Vert en 1980, egalement avec la camera "Paluche"<br />
. Bien qu'utilisant A fond toutes les possibilites <strong>du</strong><br />
synthetiseur-video et de la regie, le mode de realisation de<br />
Cahier Vert s'apparente plus a un tournage classique de<br />
cinema. Les dialogues et surtout le monologue etaient<br />
ecrits an prealable par Felix Guattari .<br />
La precision <strong>du</strong> decoupage des diverses scenes ne laissait<br />
que pen de place A 1'improvisation (sauf dans certains<br />
plans oft le personnage principal etablit un contact avec<br />
des gens rencontres par hasard, la "Paluche" devenant<br />
camera invisible . . . ) . Apres avoir quitte son domicile, un<br />
homme exprime, en voix off un tres long monologue interieur,<br />
tout en deambulant, A la derive, dans les rues de<br />
Paris . La trame generee an synthetiseur se superpose A<br />
maintes reprises aux images initiales pour rappeler le quadrillage<br />
<strong>du</strong> fameux Cahier vert qu'il regrette d'avoir oublie .<br />
Cahier Vert represente un des rares exemples de pro<strong>du</strong>it<br />
hybride entre fiction et art video .<br />
Dans un montage tres dense, Yann N'Guyen reconstitue<br />
ses Trois Minutes douze avant la fin . Les images evoquent<br />
un melange etonnant de symbolisme, de science<br />
fiction, de film policier . LA aussi, une semi-fiction tres<br />
habilement controlee et s'exprimant A travers des trucages<br />
et des incrustations .<br />
Tons les exemples decrits precedemment representaient<br />
autant de tentatives de fiction sur le mode subjectif<br />
on poetique, oft 1'enregistrement de base revetait une<br />
importance capitale . Jean-Paul Fargier prefere utiliser<br />
comme materiaux de base de simples enregistrements<br />
d'emissions televisees . Ses Notes d'un magnetoscopeur<br />
restituent apres divers traitements plus on moins humoristiques<br />
mais toujours irrespectueux sa propre version de ce<br />
qu'il pent voir sur Fantenne nationale . Dans Christophe<br />
Colomb decouvre la Russie, 1'Armee rouge defile tete en<br />
has, sur le commentaire - tete haute - de Leon Zitrone<br />
qui n'apereoit pas que des images de Finvasion de la Tchecoslovaquie<br />
se sont infiltrees dans 1'emission . Toutes ces<br />
modifications entre les images et les sons, en particulier<br />
dans les emissions d'informations officielles, montrent A<br />
quel point il est facile de "faire parler" les images de mille<br />
faeons differentes, de les faire mentir aussi .<br />
Dans La Mauvaise memoire de Patrick Prado, la<br />
mire de barre et les parasites, habituellement relegues<br />
dans les programmes an degre zero de la signification,<br />
reviennent en force et s'imposent comme lieu essentiel de<br />
Faction . Un mysterieux personnage dont la tete est composee<br />
d'un televiseur essaie vainement de se frayer un chemin<br />
A travers les perturbations multiples des programmes<br />
nationaux (lit aussi enregistres an prealable) .<br />
Quant A Herve Nisic dans Zibeline, il en arrive A une<br />
veritable celebration des parasites en attaquant le signal<br />
video dans ses derniers retranchements . Les recopies suc<br />
cessives qu'il effectue de la meme sequence provoquent<br />
des "pertes de generation" . C'est la degenerescence de<br />
Fimage electronique ; les parasites triomphent enfin . Les<br />
fenetres eclatees qui temoignaient de 1'abandon <strong>du</strong> lieu<br />
(une usine desaffectee an nord de Paris) deviennent des<br />
VIDEO ART EXPLORATIONS<br />
vitraux se deplagant dans un espace A la texture indefinissable<br />
. L'air devient dense, se colore violemment de rouge,<br />
de vert, de bleu . La surface est agitee de pulsations, de<br />
zebrures qui 1'electrisent . Un jeu de permutations tres<br />
rapides de quelques elements d'une serie de prises de vue<br />
dans 1'usine et de plans exterieurs donne a cc montage une<br />
coloration vibrante et souple se jonant des degradations<br />
multiples intentionnelles de Fimage . Dans une autre<br />
bande intitulee Go (1979), on retrouve le rythme et<br />
1'atmosphere des numeros de prestidigitation A travers le<br />
rapport entre 1'element humain et 1'electronique . Selon H .<br />
Nisic, "il y a daps Go une manipulation supplementaire,<br />
c'est celle de l'image elle-me"me qui vient brouiller les cartes<br />
. Un grain vibrant proche <strong>du</strong> pointillisme, propice a<br />
susciter les mysteres, des couleurs irreelles qui truquent le<br />
jeu des attributions, une main a peine visible se joue des<br />
apparitions, disparitions, mouvements, recoupements de<br />
trois pierres <strong>du</strong> jeu de go en creant pour notre regard des<br />
espaes, perspectives, alignements sans cesse remis en<br />
question . . . ". Et A propos d'un autre videogramme intitule<br />
Feeling (1979) : "Feeling est un baiser applique sur une<br />
vitre ou sa marque sur le papier - trace de tendresse et de<br />
caresses pour refuser la cassure definitive . Une main<br />
s'approche doucement de la surface <strong>du</strong> moniteur et par<br />
son action le rechauffe, le fait s'eclairer, lui transmet de sa<br />
propre vie et ce moniteur par transitivit6 devient le moniteur<br />
sur lequel la bande est visionnee . La boucle est ainsi<br />
bouclee, le message est passe d'un objet a l'autre . La<br />
caresse pent s'echapper et se lover dans l'esprit <strong>du</strong><br />
recepteur ".<br />
Quant a Metro, qu'il a egalement realise en 1979, il<br />
s'agit d'un documentaire par allusion . Les images renvoient<br />
an bleu <strong>du</strong> metro de Paris, A 1'agitation des foules<br />
souterraines, A "la reverie qui comme les boucliers magiques<br />
de la science-fiction nous protege des agressions sonores<br />
et visuelles de la ville . . . " La serie Buffalo Hand Made<br />
Tapes comporte six programmes tres courts effectues sur<br />
le synthetiseur Rutt-Etra . Ces montages sont constructs<br />
selon un meme princppe : la construction d'un espace mental<br />
virtuel jetant un pont entre l'univers electronique et la<br />
sensibilite humaine . L'homme est represente par une main<br />
(comme dans Feeling), la machine par un element souvent<br />
tres simple qui obeit A une logique interne. La main par<br />
son action vient apparemment perturber et modifier le<br />
phenomene electronique, creant ainsi une possibilite de vie<br />
A trois dimensions pour les objets de syntheses obtenus par<br />
la machine . Dans Lion, par exemple, nous assistons A la<br />
naissance d'une agitation sauvage chez une forme synthetique<br />
aux contours arrondis . Une main apparalit et commence<br />
A caresser la forme, lui faisant retrouver son calme<br />
initial.<br />
Phenomene analogue dans Derniere Nymphea, une<br />
impression de reflet dans 1'eau se degage d'une forme<br />
generee an synthetiseur . Un carnet de croquis vient la<br />
masquer, un graffiti distrait vient la faire reapparaitre . On<br />
retrouve des effets tres similaires dans les autres montages<br />
de cette serie americaine (Le Fanto5me d'Hamlet, Le Point<br />
elastique, Midi sur l'autoroute, et dans La Tentation) .