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Revue internationale d'écologie méditerranéenne Mediterranean ...

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SYLVAIN FADDA, JÉRÔME ORGEAS, PHILIPPE PONEL, FRÉDÉRIC HENRY, ELISE BUISSON, THIERRY DUTOIT<br />

54<br />

Introduction<br />

Les écosystèmes herbacés représentent plus<br />

de 25 % en surface des formations végétales<br />

au monde (Henwood 1998). Même si leurs<br />

origines en Europe sont toujours controversées<br />

(Tansley 1939 ; Bush & Flenley 1987 ;<br />

Ellenberg 1988), leur persistance est due à<br />

leur utilisation pour le pâturage des troupeaux<br />

dès le Néolithique (Bradshaw & Mitchell<br />

1999 ; Vera 1996). Le pâturage par les grands<br />

mammifères a une action directe sur la végétation,<br />

en modifiant la structure et la composition<br />

des communautés végétales (Dyksterhuis<br />

1958 ; Van Wieren 1991), et en<br />

empêchant ou limitant l’installation des<br />

espèces ligneuses (Tansley 1922). Il assure en<br />

outre, sous une pression modérée, le maintien<br />

d’une grande diversité végétale ; l’abandon de<br />

ce régime de perturbations intermédiaire provoque<br />

généralement à court ou long terme,<br />

une diminution de la richesse spécifique des<br />

plantes à fleurs (Huntly 1991 ; Bonet 2004 ;<br />

Peco et al. 2006). Les effets du pâturage sur<br />

les communautés animales associées aux écosystèmes<br />

herbacés sont plus difficiles à appréhender,<br />

notamment pour les insectes. En effet,<br />

les impacts du pâturage sur les communautés<br />

d’insectes sont principalement indirects, via<br />

les modifications de la composition et de la<br />

structure de la végétation (Morris 1967 ;<br />

Tscharntke & Greiler 1995). Des travaux<br />

effectués dans le nord de l’Europe font ainsi<br />

apparaître que la richesse spécifique des<br />

insectes est maximisée sous des pressions de<br />

pâturage modérées (Tscharntke & Greiler<br />

1995 ; Dennis et al. 1997) avec des réponses<br />

variables selon les groupes trophiques considérés<br />

(Woodcock et al. 2005). Des effets<br />

directs du pâturage ont par ailleurs pu être<br />

observés, notamment par le piétinement de<br />

larves d’orthoptères (Guéguen 1991).<br />

Dans le bassin méditerranéen, l’action du<br />

pâturage sur la végétation est accentuée par<br />

des conditions climatiques et édaphiques qui<br />

y sont spécifiques (aridité, sécheresse, sols oligotrophes)<br />

freinant considérablement la dynamique<br />

de succession des communautés végétales<br />

(Blondel & Aronson 1999). Il en résulte<br />

l’existence de formations herbacées de type<br />

steppique, qualifiées de semi-naturelles et<br />

souvent riches en espèces végétales (Quézel<br />

& Médail 2003). Du fait de leur évolution<br />

étroitement liée à ce régime de pâturage récurrent<br />

sur le très long terme (plusieurs siècles),<br />

les écosystèmes steppiques constituent donc<br />

un modèle privilégié pour l’étude du rôle de<br />

ces régimes dans la dynamique de ces écosystèmes<br />

et de leur importante biodiversité.<br />

La plaine de Crau (Bouches-du-Rhône) abrite<br />

un écosystème de type steppique unique en<br />

France (Devaux et al. 1983). Sa végétation a<br />

été initialement décrite par Molinier et Tallon<br />

(1950) comme constituée de pelouses sèches<br />

à asphodèles (association phytosociologique<br />

de l’Asphodeletum fistulosi). L’utilisation de<br />

cet espace par l’homme pour le pâturage ovin<br />

transhumant est ancienne, avec la présence de<br />

traces archéologiques attestées dès le Néolithique,<br />

l’Antiquité puis le Moyen Âge (Badan<br />

et al. 1995). Le pâturage a ainsi permis le<br />

maintien d’une végétation rase dominée par<br />

deux espèces, le brachypode rameux (Brachypodium<br />

retusum (Pers.) P. de Bauv.) et le<br />

thym (Thymus vulgaris L.). Cette végétation<br />

est également riche et originale de par l’association<br />

d’espèces calcicoles et silicicoles, abritant<br />

localement des espèces rares comme Taeniatherum<br />

caput-medusae (L.) Nevski,<br />

Hyssopus officinalis L., Plantago holosteum<br />

Scop. ou Bufonia tenuifolia L. (Devaux et al.<br />

1983). La plaine de Crau abrite des communautés<br />

d’arthropodes terrestres assez riches et<br />

caractéristiques des biotopes arides et ouverts<br />

de la région <strong>méditerranéenne</strong> (Bigot et al.<br />

1983 ; Fadda et al. 2004, 2007), dont deux<br />

espèces endémique, le criquet hérisson, Prionotropis<br />

rhodanica Uvarov (Foucart & Lecoq<br />

1996, 1998 ; Foucart 1997) et l’Acmaeoderella<br />

cyanipennis perroti (Schaefer) (Coleoptera<br />

Buprestidae) (Schaefer 1949). La plaine<br />

sert également de zone refuge pour plusieurs<br />

espèces animales protégées ou menacées.<br />

Bien que cet écosystème soit unique en<br />

France, la Crau est représentative, en termes<br />

de structure et de processus écologiques, des<br />

autres formations végétales dominées par la<br />

strate herbacée, comme la Dehesa en Espagne<br />

(3 millions d’ha), le Montado au Portugal<br />

(700 000 ha), et les steppes d’Afrique du Nord<br />

et de la Méditerranée orientale (Buisson &<br />

Dutoit 2006). En Crau, les 60 000 ha de steppe<br />

ont été fortement dégradés et fragmentés par<br />

les activités humaines au cours du XX e siècle<br />

(cultures, carrières, industries, etc.). Un peu<br />

moins de 11 000 ha de steppe subsistent à<br />

l’heure actuelle.<br />

Si de nombreuses études ont quantifié l’impact<br />

de ces perturbations d’origines anthropiques<br />

sur les communautés végétales (Buisson<br />

& Dutoit 2004 ; Römermann et al. 2005),<br />

les oiseaux (Wolff et al. 2001, 2002), le Prionotropis<br />

(Foucart & Lecoq 1996, 1998 ; Fou-<br />

ecologia mediterranea – Vol. 33 – 2007

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