PLAN 2007-6 - Ordre des ingénieurs du Québec

DOSSIER INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
Garder la forme
Rencontre avec les fondateurs
d'un laboratoire spécialisé
dans la conception de
composantes en alliages à
mémoire de forme, des
matériaux ayant de formidables
propriétés élastiques qui peuvent
reprendre leur forme initiale.
Jean-Marc Papineau
Au cours de la prochaine décennie, il devrait être possible d'implanter dans
le corps humain une endoprothèse vasculaire, familièrement appelée
stent, qui se déploiera lentement durant une période d'une trentaine de
jours. Cette prothèse renfermera deux matériaux superposés, un anneau
ajouré fait en alliage titane-nickel à l'intérieur, et un polymère à l'extérieur.
L'alliage métallique exercera une pression vers l'extérieur pour ouvrir la prothèse,
tandis que le polymère résistera à cette pression. Grâce au fluage, le polymère
perdra ses propriétés au fil du temps, selon une période préprogrammée, en fonction
des besoins médicaux. « La phase d'essais cliniques de ce produit débute
prochainement à l'Institut de cardiologie de Montréal», affirme l'ingénieur Vladimir
Brailovski, cofondateur du Laboratoire sur les alliages à mémoire et les systèmes
intelligents (LAMSI) de l'École de technologie supérieure.
métaux pour pouvoir travailler avec ces
matériaux. »
Comme démarche préalable à toute
recherche dans ce domaine de pointe, les
chercheurs du LAMSI ont mis au point
leurs propres outils. Ils ont ainsi élaboré
une loi des matériaux à partir de laquelle
on peut prédire la réponse d'un alliage à
mémoire de forme à des changements
thermomécaniques, puis conçu des logiciels
d'analyse par éléments finis pouvant calculer
le comportement des structures en
alliages à mémoire de forme. Au fil des ans,
les fondateurs du LAMSI ont aussi établi
des collaborations avec d'autres pays -
notamment avec des chercheurs du
Moscow State Institute of Steel and Alloys,
810 Material Twt Sy*
FAMILLE D'ALLIACES MÉTALLIQUES SPÉCIAUX
Les matériaux à mémoire de forme consistent en une famille d'alliages métalliques
spéciaux qui possèdent de remarquables propriétés. Par un mécanisme de transformation
de phase à l'état solide, ils peuvent «se souvenir» de leur état initial et
donc, reprendre leur forme de départ à la suite d'un simple chauffage. Ils peuvent
aussi se comporter de façon superélastique, en se déformant de façon réversible jusqu'à
50 fois davantage que les matériaux classiques. Les matériaux à mémoire de forme
ont été découverts au début des années 1930. Il existe aujourd'hui deux grandes familles
d'alliages commercialement utilisés : ceux qui sont à base de cuivre et ceux qui sont
faits de titane-nickel. Les chercheurs du LAMSI se servent surtout des derniers, en
raison de leur plus grande stabilité temporelle et d'une meilleure biocompatibilité,
des critères fondamentaux pour tout produit visant le secteur médical.
Il n'est pas facile d'étudier et de manipuler pareils matériaux. « Tout ce que l'on
a appris ne s'applique plus avec ce type de matériaux, dit carrément l'ingénieur
Patrick Terriault, l'autre cofondateur du LAMSI. Durant nos études, nous utilisions
les cas les plus simples. Par exemple, on dit que les matériaux métalliques
résistent à la compression de la même façon qu'à la tension. Ce n'est pas du tout
le cas avec les alliages à mémoire de forme. Les modèles d'analyse de ces matériaux
sont les plus complexes qui soient. Il faut avoir une compréhension à la
limite des connaissances dans le domaine de la modélisation du comportement des
16 PLAN : AOÛT-SEPTEMBRE 2007