PLAn 2006-6 - Ordre des ingénieurs du Québec

DOSSIER
INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
Une PME de Shawinigan cherche
à devenir un chef de file mondial
dans la fabrication d'une vitamine
indispensable dans l'alimentation
animale.
Étude de K
Les vitamines sont essentielles à la santé des individus.
Certaines le sont aussi pour la santé financière d'entreprises.
Comme la vitamine K-3 pour SAM Électron Technologies.
La vitamine K-3? «C'est une vitamine indispensable
dans l'alimentation animale, qui agit comme agent de
coagulation », explique l'ingénieur Guy Saint-Amant, cofondateur
et vice-président de la production et de l'ingénierie
chez SAM Électron Technologies, une firme de Shawinigan
qui a élaboré un procédé innovateur pour synthétiser la
vitamine K-3.
Depuis plus d'un demi-siècle, cette vitamine est produite
par un procédé très polluant et comportant des risques pour
la santé. Ce procédé exige en effet le recours au chrome hexavalent,
un composé considéré comme cancérigène pour l'être
humain par Santé Canada ! Qui plus est, ce procédé crée un
sous-produit toxique, le sulfate de chrome, en quantité 15 fois
plus importante que la vitamine K-3 produite.
C'est ici qu'entre en scène SAM Électron Technologies.
Cette entreprise fabrique, depuis sa fondation en octobre
2000, la vitamine K-3 à partir d'un procédé d'électrosynthèse
qui offre le triple avantage d'être plus écologique
et plus économique que le procédé traditionnel, tout en
produisant une vitamine d'une pureté accrue. Baptisé
CeTECH, ce procédé a été initialement mis au point par le
Laboratoire des technologies électrochimiques et des électrotechnologies
(LTEE) d'Hydro-Québec à Shawinigan. SAM
Electron Technologies l'a adapté avec succès à la production
de la vitamine K-3. Le chrome est remplacé par le
cérium, un élément qui permet d'obtenir des réactions chimiques
plus performantes. Le cérium agit comme un médiateur
électrochimique favorisant une réaction d'oxydation
de la matière première. Ce procédé unique, commercialisé
depuis septembre 2005, fonctionne en circuit fermé, et le
cérium est constamment réutilisé.
L'usine de production de quelque 1 670 m 2 située à
Shawinigan contient essentiellement de l'équipement
usagé, afin de limiter les coûts. «À ma connaissance, nous
sommes les seuls fabricants nord-américains de vitamine
K-3, précise Guy Saint-Amant. Nos concurrents, qui proviennent
de l'Italie, de l'Uruguay, de la Turquie et de la Chine,
utilisent toujours le vieux procédé. Nous disposons d'une
avance technologique de cinq ans par rapport aux concurrents
potentiels. » Le procédé CeTECH est breveté et bénéficie
d'ores et déjà d'une bonne réputation à l'échelle
mondiale : des revues spécialisées comme Asian Chemical
News et Chemical Market Reporter ont fait paraître des articles
élogieux à son sujet, et l'ICIS Publications Innovation
Awards 2005 lui a accordé un prix dans la catégorie Best
Process Innovation.
Le plus étonnant dans l'histoire, c'est que la technologie
initiale mise au point par le LTEE a longtemps dormi sur
les tablettes. Guy Saint-Amant, diplômé en génie métallurgique
de la promotion 1986 de l'Université Laval, a été
chercheur au LTEE durant dix ans. Il raconte : « La technologie
a été conçue au début des années 1990 pour la fabrication
d'antigel pour automobiles, mais elle a été mise au
rancart à la suite de l'apparition d'un procédé concurrent
moins coûteux. J'envisageais alors, avec deux collaborateurs,
de lancer une entreprise, et nous avons décidé de
réactiver cette technologie. J'ai abandonné de bonnes conditions
de travail pour satisfaire mes ambitions entrepreneuriales;
c'est mon côté "sport extrême" ! »
Comptant aujourd'hui une vingtaine d'employés, SAM
Électron Technologies a investi 15 millions de dollars et
consacré 4 ans à la recherche-développement pour adapter
le procédé du LTEE à la production de la vitamine K-3. « Ce
fut long, parce qu'il s'agit d'un procédé comportant trois
réactions chimiques en continu fort complexes avant d'en
16 • PLAN Août-septembre 2006