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Numéro 60--- ÉTÉ 2007 - Vho

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GAZETTE DU GOLFE ET DES BANLIEUES / <strong>60</strong> / ÉTÉ <strong>2007</strong><br />

procureur qui avait requis contre Nelson Mandela, qu’il accusait de sabotage et conspiration, et<br />

qu’il fit condamner à la réclusion perpétuelle en 1964 ! Yutar poursuivit ensuite une belle<br />

carrière sous le régime de l’apartheid : procureur général de l’Etat « libre » d’Orange, puis de la<br />

province du Transvaal, et il fut également élu président de la plus grande synagogue orthodoxe<br />

de Johannesbourg. Dans l’establishment juif du pays, on louait volontiers « son apport à la<br />

communauté », et un symbole de la contribution des Juifs au développement de l’Afrique du<br />

Sud.<br />

« Pourtant, en termes d’image, quand on pensait aux Juifs, on pensait plutôt à Helen<br />

Suzman », estime Alon Liel, ancien ambassadeur d’Israël en Afrique du Sud. « A mon avis, la<br />

plupart des Juifs n’aimaient pas l’apartheid et ce que ce système imposait aux Noirs, mais ils<br />

retiraient les fruits, et se consolaient peut-être en se disant qu’après tout, c’était la seule manière<br />

de diriger un tel pays », ajoute-t-il.<br />

L’establishment juif évita toute confrontation avec le gouvernement. La doctrine officielle<br />

du Jewish Board of Deputies était la « neutralité », de manière à « ne pas mettre en danger » la<br />

communauté. Quant aux Juifs qui trouvaient que se taire, c’était approuver l’apartheid et<br />

l’oppression raciale, et qui s’engageaient dans la lutte contre la discrimination, ils étaient mis à<br />

l’écart.<br />

« On stigmatisait ceux-là fortement, en les accusant de mettre la communauté en danger.<br />

Le Board of Deputies disait que chaque juif pouvait bien sûr adhérer au parti politique de son<br />

choix, mais en pesant bien toutes les conséquences que cela pouvait avoir pour la communauté.<br />

Pour faire court, disons que les juifs appartenaient à la minorité blanche privilégiée, et l’attitude<br />

du plus grand nombre a été : ne pas faire de vagues », résume de son côté Helen Suzman.<br />

Des intérêts communs<br />

L’Etat d’Israël, de son côté, critiqua ouvertement l’apartheid dans les années 1950 et<br />

19<strong>60</strong>, à une époque où il construisait des alliances avec les gouvernements des pays africains<br />

nouvellement indépendants. Mais la plupart des Etats d’Afrique rompirent avec Israël après la<br />

guerre de Kippour de 1973, et Jérusalem commença à avoir des vues plus sympathiques pour le<br />

régime isolé de Prétoria. L’évolution fut importante et rapide si bien que dès 1976, Israël lança<br />

une invitation officielle au Premier ministre John Vorster (l’ancien Nazi dont on a parlé plus<br />

haut, ndr)<br />

Silencieux sur le comportement de Vorster pendant la deuxième guerre mondiale, Yitzhak<br />

Rabin veilla à ce qu’on n’en parle surtout pas pendant la visite obligée au mémorial de Yad<br />

Vashem, dédié aux 6 millions de juifs massacrés par les Nazis. Au dîner d’Etat offert à Vorster,<br />

Yitzahak Rabin porta un toast « aux idéaux communs à Israël et à l’Afrique du Sud : l’espoir en<br />

la justice, et en une coexistence pacifique ». Les deux pays, dit encore Rabin, « affrontent une<br />

brutalité et une instabilité inspirées par l’étranger ».<br />

Vorster, dont l’armée envahissait, à ce moment-là, l’Angola, répondit que les deux pays<br />

étaient l’un et l’autre les victimes des adversaires de la civilisation occidentale. Quelques mois<br />

plus tard, le gouvernement sud-africain, dans son bilan de l’année écoulée, écrivit que les deux<br />

pays avait un même problème : « Israël et l’Afrique du Sud ont une chose essentielle de<br />

commun : ils sont tous les deux situés dans un environnement hostile, habité par des peuples à la<br />

peau sombre ».<br />

La visite de Vorster jeta les bases d’une collaboration qui fit de l’axe Israël-Afrique du<br />

Sud un grand pôle de développement de matériels militaires, et un acteur majeur dans le<br />

domaine du commerce international des armes. Liel, qui dirigea le département Afrique du Sud<br />

au ministère israélien des Affaires étrangères dans les années 1980, estime que ce processus<br />

amena la haute direction israélienne en matière de sécurité, à la conviction intime que l’Etat juif<br />

n’aurait pas survécu sans sa relation avec les Afrikaners.<br />

« C’est nous qui avons créé l’industrie militaire sud-africaine », estime Liel. « Ils nous ont<br />

aidé à développer une vaste gamme de techniques militaires, parce qu’ils avaient beaucoup<br />

d’argent. Notre mode de travail habituel, c’était que nous apportions le know-how, et eux le<br />

capital. Après 1976, c’est une véritable histoire d’amour qui a commencé entre nos directions<br />

militaires et nos armées respectives ».<br />

« Nous avons été impliqués dans la guerre de l’Angola, comme conseillers de l’armée sudafricaine.<br />

Nous avions des officiers israéliens sur place. La relation était très étroite ».<br />

Et tandis que les manufactures d’Etat israéliennes produisaient du matériel de guerre pour<br />

l’Afrique du Sud, le kibboutz Beit Alfa se diversifia de manière rentable, en produisant des<br />

véhicules anti-émeutes, destinés à la répression des manifestants noirs dans les bidonvilles2.<br />

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