Numéro 60--- ÃTà 2007 - Vho
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GAZETTE DU GOLFE ET DES BANLIEUES / <strong>60</strong> / ÉTÉ <strong>2007</strong><br />
Quand nous insistons, et lui demandons s’il a jamais des doutes sur le fait de soutenir un<br />
régime représentant l’antithèse de ce pour quoi Israël a été créé, Peres nous répond qu’à<br />
l’époque, Israël menait une lutte existentielle. « On n’a jamais le choix entre deux situations<br />
parfaitement définies. Chaque choix que l’on fait est entre deux options imparfaites. A cette<br />
époque, le mouvement noir d’Afrique du Sud était du côté d’Arafat, contre nous. En fait, nous<br />
n’avions pas vraiment le choix. Mais nous n’avons jamais cessé de dénoncer l’apartheid. On n’a<br />
jamais été d’accord avec cela », finit par lâcher Peres.<br />
Et Vorster ? « Certes, je ne le mettrais pas sur une liste des plus grands hommes de notre<br />
époque », dit-il.<br />
Le directeur général adjoint du ministère israélien des Affaires étrangères, Gideon Meir,<br />
après nous avoir dit qu’il n’avait pas de connaissance détaillée de la relation Israël-Afrique du<br />
Sud de l’apartheid, préfère parler de « sécurité ». « Notre principal problème, c’est la sécurité. Il<br />
n’y a aucun autre pays dans le monde dont l’existence même soit menacée. Cela vaut du<br />
premier jour de l’existence de notre État à aujourd’hui. Tout cela vient de la géopolitique<br />
d’Israël ».<br />
Lorsque l’apartheid s’est effondré, l’establishment juif sud-africain, celui-là même qui<br />
naguère encensait Percy Yutar opéra un brusque virage, et tendit ostensiblement les bras à ceux<br />
des juifs qui avaient engagé le combat contre l’apartheid, comme Joe Slovo, Ronnie Kastrils ou<br />
Ruth First.<br />
« J’ai reçu des félicitations de la part des organisations sionistes internationales. Ils disaient<br />
que c’était mes racines juives qui avaient donné son sens à mon combat. Mais quand je leur ai<br />
rétorqué que je n’avais pas reçu d’éducation juive, et que ma fréquentation d’une école<br />
religieuse chrétienne ne m’avait guère influencée non plus, ils ont dit que c’était l’instinct juif<br />
qui avait opéré en moi ! »<br />
Aujourd’hui, le discours anti-apartheid, dans l’establishment juif sud-africain, est devenu<br />
un moyen pour défendre Israël. Le grand rabbin d’Afrique du Sud, Warren Goldstein, décrit le<br />
sionisme comme « mouvement de libération nationale du peuple juif », et il récupère la<br />
terminologie officielle du gouvernement actuel de l’Afrique du Sud, qui veut améliorer le sort<br />
des Noirs « auparavant désavantagés ». « Israël est un Etat résolu, créé pour protéger les Juifs<br />
d’un génocide. Nous aussi sommes des gens auparavant désavantagés, et on ne peut pas compter<br />
sur la bienveillance du monde », déclare Goldstein, qui a décliné nos demandes d’interview.<br />
En 2004, Ronnie Kasrils s’est rendu dans les territoires palestiniens, pour faire le bilan de<br />
l’offensive israélienne de 2002 en Cisjordanie, après une vague d’attentats-suicide qui avait fait<br />
des centaines de morts. « C’est bien pire que l’apartheid », nous dit-il. « Les mesures<br />
israéliennes, leur brutalité, font ressembler l’apartheid à une aimable partie de campagne. Il<br />
n’y a pas eu chez nous des jets attaquant les bidonvilles. Nous n’avons pas eu ces bouclages<br />
répétés de mois en mois. Non plus que de tanks détruisant les maisons. L’Afrique du Sud avait<br />
bien des véhicules blindés, et la police utilisait ses armes légères pour tirer sur les gens, mais pas à<br />
pareille échelle », analyse-t-il.<br />
Pétition de conscience<br />
Plus de 200 Africains du Sud juifs ont signé une pétition dont Ronnie Kasrils et un autre<br />
vétéran du combat anti-apartheid, Max Ozinsky, sont les initiateurs. Ils dénoncent le traitement<br />
réservé par Israël aux Palestiniens, et font un parallèle avec l’apartheid. Le document, intitulé<br />
Une Déclaration de Conscience, a fait du bruit dans la communauté juive sud-africaine. Parmi<br />
les signataires, Arthur Goldreich, un des premiers compagnons d’armes de Nelson Mandela, qui<br />
était parti, tout jeune en 1948, se battre pour la création d’Israël. Il a tenu à accompagner sa<br />
signature d’un amendement, dénonçant les attentats-suicide et leur impact sur la perception des<br />
Palestiniens par le public israélien.<br />
Kasrils est d’accord sur le fond avec Goldreich, mais il observe que la « stratégie<br />
d’apartheid » d’Israël était en cours bien avant que ne commence la vague d’attentats-suicide. Il<br />
relève aussi la ressemblance entre les territoires occupés et le patchwork de bantoustans prévu par<br />
le régime sud-africain, destiné à enfermer l’essentiel de la population noire du pays dans ces<br />
enclaves, la population blanche s’appropriant le gros des terres.<br />
Aujourd’hui, près de 6 millions d’Israéliens vivent sur 85% de l’ancienne Palestine<br />
mandataire, alors que près de 3,5 millions de Palestiniens sont confinés sur les 15% restants, leurs<br />
villes et villages coincés entre des blocs de colonies israéliennes en expansion constante, et<br />
derrière un réseau de routes ségréguées, de barrières de sécurité et d’installations militaires.<br />
On peut considérer, bien sûr, qu’Israël tout comme l’Afrique du Sud sont des produits des<br />
événements historiques. Le monde de 1948, année de la création d’Israël et de l’accession au<br />
pouvoir des Afrikaners, était un monde qui ne se souciait guère de ces « peuples à peau sombre »<br />
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