Numéro 60--- ÃTà 2007 - Vho
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GAZETTE DU GOLFE ET DES BANLIEUES / <strong>60</strong> / ÉTÉ <strong>2007</strong><br />
L'abolition officielle de l'esclavage n'a pas marqué la fin du trafic, l'entreprise criminelle s'étant<br />
poursuivie, la richesse et la main-d'œuvre à bon marché qu'elle fournissait étant devenues<br />
indispensables aux puissances occidentales qui, inspirées par leur "sagesse coloniale", avaient<br />
également décidé du partage de l'Afrique à l'occasion de la Conférence de Berlin (en Allemagne), en<br />
1884.<br />
Dans leur ouvrage conjoint "Les pêcheurs d'hommes: Profits du commerce des esclaves", paru<br />
dans la Revue de l'Histoire économique, Vol. 34, N° 34 de décembre 1974, les essayistes Robert Paul<br />
Thomas et Richard Nelson Bean expliquent que: "… les esclaves destinés à être exportés d'Afrique<br />
provenaient essentiellement de marchés organisés comme la pêche contemporaine de haute mer".<br />
Il n'a pas manqué de regrets et, dans certains cas, d'excuses faites à contrecœur, alors que le<br />
monde marque, cette année, le 200ème anniversaire de ce commerce honteux dans lequel l'Etat,<br />
l'Eglise, le secteur privé et la monarchie se sont tous sali les mains.<br />
Cependant, les Européens ne furent pas les seuls dans ce commerce. Les trafiquants d'esclaves<br />
arabes sévissaient déjà entre le 9ème et le 19ème siècles, donc avant l'arrivée des marchands<br />
d'esclaves européens.<br />
La traite arabe, qui aurait touché 14 millions de Noirs, était surtout présente en Afrique du<br />
Nord et de l'Est, avec l'ouverture de comptoirs le long des itinéraires empruntés par les trafiquants,<br />
comme à Zanzibar.<br />
Si le commerce arabe ou "oriental" des esclaves s'est fait sur une grande échelle et a été cruel,<br />
les esclaves mâles étant castrés et transformés en eunuques pour leur ôter toute possibilité de se<br />
reproduire, la version britannique du "commerce des esclaves" fut, en comparaison, mieux organisée,<br />
institutionnalisée et documentée.<br />
Il n'est pas surprenant qu'un service religieux soigneusement organisé ait été récemment<br />
célébré à Westminster Abbey, à Londres, pour commémorer l'abolition, par les Britanniques, de la<br />
traite négrière. Il a été marqué par la présence de la reine Elisabeth II, du Premier ministre Tony<br />
Blair et de l'Archevêque de Canterbury, Rowan Williams, qui a qualifié l'esclavage d'atteinte à la<br />
dignité et à la liberté humaines et de "plus grand motif de peine pour l'esprit de Dieu".<br />
Mgr Williams, chef de l'Eglise anglicane, a déclaré, devant les fidèles: "Nous les héritiers des<br />
pays qui ont possédé et vendu des esclaves dans le passé, devons accepter le fait que notre prospérité<br />
historique s'est construite, en grande partie, sur cette atrocité".<br />
De son point de vue, "les héritiers de ces communautés ravagées par la traite des esclaves sont<br />
pleinement conscients du fait que leurs souffrances et luttes actuelles sont le résultat de plusieurs<br />
siècles d'exploitation".<br />
Devant cette ferme condamnation, bon nombre d'individus se seraient attendus à ce que ce<br />
monde, qui a fait bloc derrière Israël en garantissant la mobilisation d'une compensation financière<br />
pour l'Holocauste, survenu bien plus tard (pendant la Seconde guerre mondiale, 1939-1945), fasse<br />
définitivement la paix avec son passé colonial au lieu de se lancer dans des dénégations<br />
condamnables ou de feindre l'amnésie dès lors qu'il est question d'indemniser les victimes du<br />
commerce des esclaves.<br />
La lutte contre l'antisémitisme a pris une dimension universelle, neuf pays européens, parmi<br />
lesquels l'Autriche, la Belgique, la France et l'Allemagne, ayant fait de la négation de l'Holocauste une<br />
infraction pénale. En février dernier, un négationniste, l'auteur allemand Ernst Zündel, a été<br />
condamné à une peine de prison ferme pour avoir chanté les louanges d'Adolf Hitler dans son<br />
ouvrage. [Ce qu'il n'a pas fait. aaargh]<br />
En revanche, tout ce que les bénéficiaires de la traite des esclaves et leurs descendants peuvent<br />
offrir c'est un chagrin et des regrets superficiels, un intérêt de pure forme et plutôt condamnable, à la<br />
limite de l'hypocrisie.<br />
Il ne fait aucun doute que les profits tirés de la traite des esclaves ont financé la Révolution<br />
industrielle en Grande- Bretagne et la première industrialisation des Etats-Unis et, encore de nos<br />
jours, les villes modernes de Bristol, de Leeds, de Liverpool, de Londres et de Glasgow doivent<br />
l'essentiel de leur richesse au commerce des esclaves.<br />
Même la célèbre bibliothèque Codrington, de l'Université d'Oxford, l'épicentre de la vie<br />
intellectuelle britannique, a bénéficié d'une dotation du colonel Christopher Codrington, un<br />
gouverneur de l'époque coloniale qui possédait des plantations en Barbade.<br />
Si d'importantes compagnies britanniques, telles que Tate and Lyle, Lloyds of London et<br />
Imperial Tobacco, continuent de fuir leur responsabilité pour leur passé esclavagiste peu glorieux, les<br />
compagnies américaines quant à elles, comme JP Morgan Chase, n'ont que des excuses à offrir.<br />
Les douloureux vestiges de l'esclavage sont éparpillés dans le monde, du fort d'Elmina Castle,<br />
au Ghana (ancienne Gold Coast), à la Maison des Esclaves de l'Ile de Gorée, au Sénégal, en passant<br />
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