Numéro 60--- ÃTà 2007 - Vho
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GAZETTE DU GOLFE ET DES BANLIEUES / <strong>60</strong> / ÉTÉ <strong>2007</strong><br />
le pétrole est mélangé à du sable, à de l’eau ou à de la glaise. On y trouve<br />
approximativement de quoi produire 2,5 trillions de barils de pétrole. La plus importante<br />
réserve d’hydrocarbure du monde...<br />
Il est possible de transformer la matière brute albertaine en pétrole brut, mais c’est<br />
difficile. La première méthode consiste à l’extraire à partir de vastes mines à ciel ouvert.<br />
D’abord, on rase la forêt, puis on enlève la couche d’humus qui recouvre le sol. Ensuite,<br />
d’énormes machines vont extraire la matière goudronneuse du sol pour la charger sur les plus<br />
grands camions du monde (deux étages de hauteur, une seule roue vaut 100 000 dollars). Le<br />
goudron est dilué dans de l’eau et des solvants à l’intérieur de vastes cuves qui tournent<br />
jusqu’à ce que le pétrole remonte à la surface. Les résidus sont ensuite rejetés dans des<br />
bassins plus grands que la plupart des lacs naturels de la région.Une autre méthode<br />
d’extraction consiste à séparer le pétrole des autres résidus sur les lieux même de l’extraction.<br />
D’énormes foreuses injectent de la vapeur, profondément dans le sol, pour que cette dernière<br />
se mélange au goudron. Un pipe-line siphonne le mélange et poursuit le raffinage durant le<br />
transport, grâce à un système alimenté au gaz naturel.<br />
Le principal fournisseur des USA<br />
Les deux méthodes se révèlent coûteuses : entre 18 et 23 dollars le baril, juste pour<br />
couvrir les dépenses. Jusqu’à tout récemment, cela rendait l’extraction totalement irréaliste.<br />
Au milieu des années 1980, le pétrole se vendait 20 dollars le baril ; en 1998-1999 : il est<br />
même descendu à 12 dollars. Les grands joueurs internationaux n’avaient aucune intention de<br />
payer davantage pour extraire le pétrole que ce qu’il pouvait espérer en retirer. C’est pourquoi,<br />
lorsqu’on évaluait les réserves mondiales de pétrole, les sables bitumineux n’étaient même pas<br />
inclus. Tout le monde, à l’exception de quelques compagnies canadiennes grassement<br />
subventionnées, savait que les sables bitumineux restaient hors d’atteinte.<br />
C’est alors qu’est survenue l’invasion américaine de l’Irak. Dès mars 2003, le prix du<br />
pétrole a atteint 35 dollars le baril, instaurant la possibilité de réaliser des profits avec les<br />
sables bitumineux. Cette année-là, la United States Energy Information Administration a «<br />
découvert » l’existence des sables bitumineux. Elle a annoncé que l’Alberta - dont les réserves<br />
de pétrole étaient jusque là évaluées à cinq milliards de barils - se retrouvaient assise sur au<br />
moins 174 milliards de barils « économiquement possible à extraire ». L’année suivante, le<br />
Canada remplaçait l’Arabie saoudite comme principal fournisseur de pétrole des États-Unis.<br />
Tout cela signifiait que le boom pétrolier irakien n’avait pas seulement été reporté ; il<br />
avait été relocalisé. Toutes les grandes multinationales du pétrole, à l’exception de BP, se<br />
sont ruées vers le nord de l’Alberta : Exxon Mobil, Chevron et Total, qui prévoyait dépenser à<br />
lui seul entre neuf et 14 milliards. En avril 2003, Shell a payé huit milliards de dollars pour<br />
prendre le contrôle de sa filiale canadienne. La ville de Fort McMurray, le point de départ du<br />
boom, n’avait même plus d’espace pour accueillir les dizaines de milliers de travailleurs qui<br />
arrivaient. Une compagnie a même dû construire sa propre piste d’atterrissage pour pouvoir<br />
acheminer le personnel dont elle avait besoin.<br />
Environ 75 % du pétrole extrait des sables bitumineux s’en va directement aux États-<br />
Unis. Les plus enthousiastes décrivaient même les sables bitumineux comme « la couverture<br />
de sécurité de l’Amérique ». J’espère que vous appréciez l’ironie de la situation. Les États-Unis<br />
ont envahi l’Irak au moins en partie pour sécuriser leur approvisionnement en pétrole.<br />
Maintenant, grâce aux répercussions désastreuses de cette décision calamiteuse, ils ont trouvé<br />
la « sécurité » qu’ils recherchaient désespérément juste à côté de chez eux.<br />
141 millions de barils additionnels<br />
Il est devenu de bon ton de prédire que les cours élevés du pétrole vont accélérer la<br />
réponse du marché aux changements climatiques, suscitant une « explosion » d’innovations<br />
et de nouvelles solutions, comme l’a écrit le chroniqueur Thomas Friedman, du New York<br />
Times. La situation en Alberta dément toutes ces belles prédictions. Les prix élevés du pétrole<br />
conduisent effectivement à une orgie de nouveaux investissements dans la recherche et dans<br />
le développement. Mais les efforts n’ont pas comme objectifs de prévenir les changements<br />
climatiques. Le plus souvent, ils visent à découvrir comment on peut extraire le pétrole le plus<br />
salissant qui soit, dans les régions les plus difficilement accessible.s. Shell, par exemple,<br />
travaille sur un « nouveau processus d’extraction thermique », qui impliquerait l’enfouissement<br />
d’énormes éléments chauffants électriques. On ferait littéralement cuire le sol...<br />
Voilà ce que les sables bitumineux de l’Alberta signifie pour vous : l’industrie qui<br />
contribue plus que n’importe quelle autre aux changements climatiques essaie<br />
frénétiquement d’augmenter encore la température. Le raffinage des sables bitumineux<br />
produit trois ou quatre fois plus de gaz à effet de serre (GES) que celui du pétrole provenant<br />
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