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Numéro 60--- ÉTÉ 2007 - Vho

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GAZETTE DU GOLFE ET DES BANLIEUES / <strong>60</strong> / ÉTÉ <strong>2007</strong><br />

par la capitale de la Sierra Leone, Freetown, fondée en 1792 par l'ancien esclave africain-américain<br />

Thomas Peters et Haïti dans l'hémisphère Ouest.<br />

L'Eglise d'Angleterre elle-même avait des esclaves dans ses plantations de la Barbade, baptisée<br />

"Petite Angleterre" où l'économie nationale est encore sous la domination et le contrôle de la<br />

minorité européenne, estimée à 4% de la population de 280.000 habitants.<br />

Si la traite des esclaves a eu un impact si important sur le développement économique et<br />

historique de l'Afrique et sur la croissance de la Grande-Bretagne ainsi que sur son empire et l'avenir<br />

de l'Europe et des Amériques, alors pourquoi cette attitude schizophrénique vis-à-vis de la question<br />

des réparations?<br />

Par ailleurs, si les marchands d'esclaves ont été dédommagés par l'Etat, une mesure conçue<br />

comme une incitation pour les amener à renoncer à ce qui était généralement reconnu comme une<br />

pratique criminelle et cruelle, alors pourquoi ce monde qui prêche la justice et les droits humains<br />

reste-t-il si indifférent à l'appel en faveur de la réparation des préjudices causés par l'esclavage?<br />

Le Premier ministre Tony Blair a regretté les atrocités commises au nom du commerce des<br />

esclaves, sans pour autant aller jusqu'à présenter des excuses. L'hypothèse est que la présentation<br />

d'excuses conforterait le sentiment de culpabilité et de responsabilité, ce qui pourrait donner de la<br />

consistance aux arguments de ceux qui revendiquent des réparations.<br />

Nul doute que l'incapacité des dirigeants africains à défendre la thèse de la réparation, du fait,<br />

en particulier, du "faible pouvoir économique et de marchandage" du continent, dans un monde<br />

globalisé, n'a pas rendu les choses plus faciles.<br />

Il faut regretter que l'effort le plus hardi en faveur de la réparation des préjudices dus à<br />

l'esclavage ait été coupé dans son élan par le décès brutal, en 1998, du millionnaire, philanthrope et<br />

homme politique nigérian, Moshood Abiola, qui avait juré de donner un caractère international à la<br />

campagne.<br />

Son compatriote, le président Olusegun Obasanjo du Nigeria, aurait, pour sa part, estimé<br />

qu'"une excuse fermerait le chapitre (de l'esclavage) sans ouvrir la possibilité à des représailles ou des<br />

procès, ce qui ne devrait d'ailleurs pas être le cas", tandis que le président Ghana, John Kufuor,<br />

président en exercice de l'Union africaine (UA), pense que la réparation serait "problématique".<br />

En conséquence, les diverses réclamations qui suivent leur cours, notamment une plainte pour<br />

des réparations d'un montant de 777 billions (=milliards] de dollars US, introduite par la "World<br />

Reparations and Repatriation Truth Commission", basée au Ghana, ont été rejetées par les<br />

politiciens africains, qui estiment qu'elles ont peu de chances d'aboutir.<br />

Il est vrai que le commerce des esclaves fait naître de fortes émotions, mais c'est exactement<br />

pour cette raison que son héritage hideux ne doit pas être enterré.<br />

Le bicentenaire de l'abolition de la traite des esclaves, célébré cette année, à Londres, a en fait<br />

rouvert la plaie, que les organisateurs de l'événement pensaient pourtant aider à cicatriser.<br />

Les communautés noires d'Europe, des Amériques et des Caraïbes se sont exprimées par la<br />

voix du militant Toyin Agbetu, qui a perturbé le service religieux organisé dans le cadre de la<br />

commémoration de l'abolition de cette odieuse pratique. En effet, il a qualifié cette commémoration<br />

d'"insulte" pour le peuple noir, tandis que la présidente de la Chambre des Lords, la Baronne Amos,<br />

qui faisait partie des invités de marque présents à la cérémonie religieuse, déclarait que "la<br />

protestation de Toyin est révélatrice de la colère et de la douleur qui continuent d'exister".<br />

Pour sa part, Michael Eboda, rédacteur en chef du quotidien noir New Nation, a jugé exagérée<br />

l'importance accordée au rôle d'Européens comme William Wilberforce, le parlementaire<br />

britannique, porte-parole du mouvement abolitionniste, tandis que les efforts des "grands<br />

combattants noirs de la liberté", comme Nanny Maroon, Yaa Asantewa, Bukman Dutty, Sam<br />

Sharpe et Toussaint Louverture, contre l'esclavage sont passés sous silence.<br />

Les malheurs de l'Afrique ne peuvent être mis totalement sur le compte du commerce des<br />

esclaves ou du colonialisme. Les dirigeants africains de l'ère post-indépendance ont contribué, dans<br />

une très large mesure, au retard du continent et doivent rendre compte, individuellement et<br />

collectivement, de l'échec de leur action, caractérisée par une corruption phénoménale, la mauvaise<br />

gestion des ressources, le copinage et les violations des droits humains.<br />

Les militants opposés à l'idée des réparations citent même le rôle des chefs africains qui ont<br />

vendu leurs compatriotes noirs comme esclaves. Même si ce rôle est également condamnable, la plus<br />

grande responsabilité revient aux "inventeurs" de la traite négrière. Ils ont été les concepteurs et les<br />

animateurs de cette entreprise macabre. En tout état de cause, peut-on comparer les avantages tirés<br />

par les complices africains de cette ignoble activité avec ceux des Européens?<br />

Des communautés africaines autrefois pacifiques et stables ont été désorganisées par les<br />

esclavagistes européens et leurs collaborateurs africains, qui ont suscité des conflits communautaires<br />

pour ainsi profiter du chaos afin de capturer de nombreux esclaves.<br />

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