POINT DE VUE <strong>AFJE</strong>60s’appuyant sur l’avis de la commissiondes AEE, sont donc logiques et doiventavoir pour unique objet de réglerles éventuelles questions déontologiquesattachées à la profession d’AEE.Le contrat de travail de l’AEE ne sedifférencierait donc pas de ceux desautres salariés de l’entreprise.Dans le cadre d’une grande professionunifiée du droit, l’intervention duchef d’entreprise préalablement àl’introduction de ce nouveau statutdans l’entreprise n’aurait logiquementpas lieu d’être sollicitée, puisque parprincipe tous les <strong>juristes</strong> internes ouexternes auraient la même qualité et lemême titre au sein de cette professionunifiée pour autant qu’ils répondentà des critères objectifs d’accès (cf.paragraphe 1.3 ci-dessus). L’<strong>AFJE</strong>propose que cette question soit examinéeet discutée entre les partiesprenantes une fois que les contoursde la nouvelle profession auront étédavantage précisés, notamment pource qui concerne les obligations d’ordredéontologique et les cotisationsà l’Ordre, et qu’auront été mises enlumière les implications réelles pourl’employeur.1.6 Frais et Cotisations desAEE à l’ordre des avocatsL’<strong>AFJE</strong> considère que ce point estcrucial pour garantir le succès de l’introductiondes AEE dans l’entreprise.La distinction de régime de cotisationdoit refléter la différence entre les avocatslibéraux amenés à plaider danstoutes situations et les AEE salariésde leurs entreprises. Aucune cotisationliée à la plaidoirie ou à l’assuranceresponsabilité professionnelle notammentne devrait être supportée par lesAEE. Il appartiendra aux entreprisesd’envisager avec les AEE la questiondu règlement de ces cotisations quidevront très logiquement être minimespour ne correspondre qu’aux fraisd’inscription et omission des AEE ainsique des frais d’intervention en cas dedifférends sur l’application des règlesde déontologie.1.7 Représentation en justiceL’<strong>AFJE</strong> comprend mal pourquoi lesAEE verraient leur capacité de plaiderdevant les tribunaux réduite par rapportà celles ouvertes à tout citoyen.Elle considère que les AEE devraientpouvoir <strong>continue</strong>r à représenter commeaujourd’hui leurs entreprises devant lestribunaux devant lesquels, conformémentau droit commun, le ministèred’avocat n’est pas obligatoire. A cetégard, le Rapport propose (en page35) la possibilité d’une extension dumonopole de représentation obligatoirepar un avocat « libéral » pour lescontentieux excédant 10.000 €, à l’exclusiondes procédures collectives.Aux yeux de l’<strong>AFJE</strong>, cette modificationn’apparait opportune ni pour les AEE,ni pour les autres bénéficiaires actuelsde cette faculté.II. AUTRES QUESTIONSSOULEVÉES PAR LE RAPPORTLa création d’un statut d’AEE nécessiterade définir précisément les notionssuivantes :– La notion d’entreprise, qui peutrecouvrir un certain nombre de situations« floues ». Comment, par exemple,considérer les <strong>juristes</strong> d’associationprofessionnelle, de fondations,de syndicats ? Quid des <strong>juristes</strong>opérant pour le compte d’un groupeétranger ?– Le barreau de rattachement : serat-ilcelui de l’entreprise ou celui d’origine,notamment si l’AEE a exercé enlibéral avant de rejoindre le monde del’entreprise ? Quid de l’AEE exerçantson activité dans la filiale d’un groupeétranger ?Le poids relatif des représentantsdes AEE dans les instances ordinalesdevra être discuté et précisé. L’<strong>AFJE</strong>sera particulièrement vigilante à cetégard. Il conviendrait que les questionsconcernant les sujets spécifiquesà l’AEE (déontologie, discipline,cotisations à l’ordre…) ainsi que lesconditions d’exercice et l’évolution dumétier d’AEE soient traitées par uneinstance spécifique composée exclusivementdes membres du tableau B.La question des régimes sociaux obligatoiresdes AEE (convention collectivede rattachement, santé – maladie,incapacité-invalidité, décès, retraite, demême que le bénéfice des régimes departicipation et d’intéressement) resteégalement à clarifier. Pour l’<strong>AFJE</strong>, lerégime social des AEE devra être celuide l’entreprise qui les emploie, les AEEne pouvant être tenus de contribuerau régime de retraite ou autre desAvocats inscrit sur le tableau A.L’exclusivité des prestationsaux employeursLa notion d’employeur devrait s’entendrede façon large, de manière àcouvrir les sociétés appartenant à unmême groupe de sociétés. Elle doitaussi permettre de régler la situationde pluralités d’employeurs, tant qu’iln’existe pas de conflit d’intérêt entreces derniers.Mandats sociauxLe statut d’AEE doit également permettre,selon l’<strong>AFJE</strong>, l’exercice demandats sociaux au sein de l’entreprisequi l’emploie. Il doit aussi accorderla faculté pour ces AEE d’intégrerdes instances représentatives du personnelou des syndicats, comme c’estle cas aujourd’hui pour les Juristesd’entreprise.■ <strong>AFJE</strong> – 24 mai 2011Contact :Anne Laure Pauletannelaure.paulet@afje.orgRetrouvez le rapport Prada surnotre site www.afje.org rubriqueRéglementation : métier de juristeJuriste d’Entreprise Magazine N°10 – Juillet 2011
POINT DE VUE <strong>AFJE</strong>La chambre internationaledu Tribunal de Commerce de ParisBernard Auberger, Président de Chambre auprès du Tribunal de Commercede ParisBernard AubergerDes chambres spécialisées ont étécréées au tribunal de commerce depuisde nombreuses années à mesure del’évolution de la législation, des activitéset du contentieux. Depuis plusieursdécennies, il existe une chambreinternationale. Longtemps celle-ci atraité essentiellement des contentieuxde transport et d’assurances pour lecommerce maritime. Mais ceux-ci ontdisparu dans les cinq dernières annéeset avec eux, l’angoisse de distribuer lesresponsabilités dans les pertes dites degrain mouillé entre les pays exportateursde riz et l’Afrique subsaharienne.Aujourd’hui, le contentieux internationalmet en jeu les problèmes délicatsdu droit international privé : juridictioncompétente et loi applicable, en particulieravec les Etats Unis et leurs législationsmultiples.Il arrive que la France, en tant qu’Etatd’enregistrement des filiales européennesde groupes internationaux américains,soit concernée même par desconflits entre firmes d’outre-Atlantique.L’optimisation fiscale, le recours à unEtat tampon entre les Etats Unis et leMoyen Orient après le 11 septembre2001 ou simplement des querellesfranco-françaises entre filiales étrangèrespeuvent conduire à la saisine dutribunal de commerce de Paris désignécomme juridiction exclusivementcompétente, même si la loi de tel Etat,hors Union Européenne, est applicable.D’où des problèmes de litispendanceardus lorsqu’A assigne B aux EtatsUnis, tandis que B recourt à nos juridictionscontre A. Lorsque de plus le bénéficiairede l’opération commerciale estressortissant du Moyen Orient, pourvuque le crédit documentaire ne soit pasconsenti par une banque suisse ! Maisil y déjà quelque expérience accumuléeau tribunal de commerce de Paris : onsait que sa jurisprudence est bien assiseaujourd’hui en matière de garantie àpremière demande, par exemple.Bien souvent les contrats sont rédigésen langue anglaise et les multiples pièces– dont les opinions légales – expriméesdans le même langage.C’est pourquoi le Président du tribunal,sachant que des tribunaux allemandss’apprêtaient à tenir officiellement desaudiences dans cette langue, a estiméqu’il fallait, en s’appuyant sur l’article23 du code de procédure civile, libéraliserla pratique plutôt que tenter defaire reconnaître par les populationscommerciales étrangères les méritesréunis de l’Edit de Villers Cotterets etde la loi Toubon.Dès lors que des juges consulairesissus des directions juridiques de groupesinternationaux ont pris l’habitudedans leurs fonctions professionnelles designer des contrats en anglais et d’utiliserles procédures de la Common Law,il est apparu conforme à l’intérêt d’unejustice efficace et rapide, soucieused’épargner les dépenses superfétatoires,d’économiser les traductions dispendieusesde documents multiples :3000 pièces dans une procédure dediscovery sud africaine, par exemple.Le simple fait que le juge puisse assureraux parties qu’il n’a pas besoin dela traduction de nombreux documentscalme certaines velléités dilatoires.Récemment, sous la pression dudemandeur et avec l’accord du juge,le défendeur a renoncé ainsi à exigerla traduction d’une décision d’appelconfirmant celle d’un juge du Delawarequi avait fort justement reconnu la compétenced’attribution du tribunal deParis pour un litige entre filiales américainesde sociétés françaises surun contrat sans lien avec le territoireaméricain quoique rédigé en langueanglaise.Naturellement, le tribunal doit s’assurerde l’accord des parties pour cette plusgrande simplicité de la procédure et<strong>continue</strong>r à rédiger la totalité du jugementen français ; la possibilité de l’Appeldoit sécuriser les deux côtés dela barre.La chambre internationale du tribunalde commerce de Paris va mettreen œuvre avec prudence et déterminationcette évolution : application àl’anglais essentiellement, puis avec ladiversification des carrières des jugesdes dernières promotions, à quelquesautres langues. Il ne s’agit pas d’unerévolution mais d’une adaptation à laréalité d’aujourd’hui.S’il existe des juridictions consulaires,n’est-ce-pas pour qu’elles connaissentet appliquent les usages évolutifs desaffaires dans le règlement des litigesinternationaux ?■61Juriste d’Entreprise Magazine N°10 – Juillet 2011