20 THÉÂTRE MASSALIA | GYPTIS | ATP(AIX)Tragédie explosiveLa compagnie picarde Du Zieu dans les bleus prés<strong>en</strong>teau Théâtre Massalia la dernière partie de satrilogie Les Suppliantes, cycle de recherches sur lesformes tragiques, comm<strong>en</strong>cé <strong>en</strong> 2005 avec Ismène,d’après Eschyle et Sophocle, suivi <strong>en</strong> 2008 d’Ursuled’ Howard Barker. Pour ce 3 e volet, Nathalie Garraudet Olivier Saccomano, metteurs <strong>en</strong> scène, ont donnécarte blanche à un jeune auteur, Félix Jousserand,slameur et écrivain.Le thème ? Suite à la mort de son père, sultan d’uneprovince orpheline de l’URSS démantelée, une gaminede 19 ans surnommée Little Boy se retrouve au pouvoir.Comme conseillère, une prostituée et anci<strong>en</strong>nemaîtresse du père, Victoria : deux femmes au pouvoirdans un monde désarticulé qui doiv<strong>en</strong>t décider dev<strong>en</strong>dre, ou pas, une tête nucléaire à des marchandsaux d<strong>en</strong>ts longues.<strong>Zibeline</strong> : Pourquoi vouloir faire écrire et jouer une tragédiecontemporaine ?Nathalie Garraud et Olivier Saccomano : Pour étudiernos rapports à l’Histoire, voir comm<strong>en</strong>t évolu<strong>en</strong>tles mythes dans une société où ce sont les relationscommerciales qui sont dev<strong>en</strong>ues les plus importanteset où l’incommunicabilité est de mise.Trinité grecqueCela <strong>en</strong>traîne-t-il des contraintes d’écriture ?Oui. Nous avons eu un impératif : garder la formeclassique de la tragédie avec chœurs, 5 actes etl’affrontem<strong>en</strong>t de paroles contradictoires.À la lecture on est étonné par les parties des chœurs,l’écriture <strong>en</strong> est fragm<strong>en</strong>tée. Est-ce difficile à mettre<strong>en</strong> jeu ?Félix est un slameur. Pour les chœurs il a écrit des monologuesqui se crois<strong>en</strong>t. Or les personnages du chœurne se cont<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pas d’être des témoins, ils agiss<strong>en</strong>tsur la construction de l’action. Nous nous sommestrouvés dans la contrainte de restituer une dialectique.Nous avons demandé aux comédi<strong>en</strong>s d’improviserdes situations qui r<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t possible le dialogue. Audébut c’était un travail grossier qui peu à peu s’estaffiné.Quant aux personnages de l’action ils n’ont pas deprofondeur psychologique…Ce sont plutôt des types qui se construis<strong>en</strong>t par les rapportsd’influ<strong>en</strong>ce, l’un contre l’autre : le marchand, lesci<strong>en</strong>tifique, la présid<strong>en</strong>te... Les interactions <strong>en</strong>tre euxsont sans conséqu<strong>en</strong>ce. Les rôles sembl<strong>en</strong>t figés.Comm<strong>en</strong>t avez-vous élaboré le spectacle ?Avec des impros, des élém<strong>en</strong>ts de costumes de récup,Si l’écrivain Pan Bouyoukas convoque l’antique Hypatie(370-410), femme savante disparue dans l’inc<strong>en</strong>diede la bibliothèque d’Alexandrie, c’est pour fustiger lefanatisme religieux.Si Andonis Vouyoukas met <strong>en</strong> scène les idéaux paradoxauxascétique et hédoniste dans un espace épuré,c’est pour arrimer le texte contemporain à des rives pythagorici<strong>en</strong>nes,tragiques à la Sophocle.Si Raoul Lay <strong>en</strong> appelle au compositeur AlexandrosMarkeas, c’est pour fonder une Trinité hellénistique quicontribue à fédérer les polarités (<strong>en</strong> un temps où -c’estplaisant de le p<strong>en</strong>ser- après Nicée <strong>en</strong> 325, la controversetrinitaire met <strong>en</strong> débat le dogme monothéiste).La musique du spectacle souligne le parti pris d’un rituelfunèbre. Ses sonorités «rugueuses» et le chant«sauvage» de la soprano Murielle Oger Tomao semêl<strong>en</strong>t aux percussions, guitare et hautbois del’Ensemble Télémaque.Les interprètes de la Compagnie Gr<strong>en</strong>ade de JosetteBaïz donn<strong>en</strong>t corps à cette danse macabre pardeux <strong>en</strong>sembles qui ouvr<strong>en</strong>t et ferm<strong>en</strong>t le bal, et unsolo féminin s<strong>en</strong>suel, appel à l’amour qu’Hypatie n’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drapas.Un spectacle total, donc, qui convoque sur scène troiscréations, et les forces vives, théâtrales, chorégraphiques,musicales de la région. Agnès Audiffr<strong>en</strong> etPhilippe Séjourné, comédi<strong>en</strong>s de tal<strong>en</strong>t, incarn<strong>en</strong>tles personnages principaux de cette tragédie «dialectique»,selon Andonis Vouyoucas : un texte qui met <strong>en</strong>scène des personnages dont les raisons, politiquesou morales, s’affront<strong>en</strong>t, opposées dans leur ess<strong>en</strong>cemême. Des personnages complexes, absolus, qui nepeuv<strong>en</strong>t résoudre leur conflit que dans la viol<strong>en</strong>ce etl’éradication.Un texte qui de plus résonne puissamm<strong>en</strong>t avec notreaujourd’hui : Pan Bouyoucas l’a écrit lors de la guerrecivile algéri<strong>en</strong>ne, parce qu’on jetait au visage des intellectuellesdu vitriol. Cela n’est pas fini, l’obscurantisme© Agnès Mellon s’exerce toujours, et <strong>en</strong>corevis-à-vis des visagesdes femmes. Hypatie, figureexceptionnelle de l’Antiquité-les autres femmesn’y sont célèbres quecomme objet- reste unemblème ess<strong>en</strong>tiel à laprogression des esprits.JACQUES ET AGNÈS FRESCHELHypatieDu 19 janv au 6 févThéâtre du Gyptis04 91 11 00 91www.theatregyptis.comle parti pris que les sept comédi<strong>en</strong>s chang<strong>en</strong>t de rôled’une scène à l’autre sauf pour le personnage deLittle Boy.CHRIS BOURGUEVictoriadu 19 au 30 janvThéâtre Massalia04 95 04 95 70www.theatremassalia.comCôtéspectaCteur© du zieu dans les bleusLes Amis du Théâtre Populaire d’Aix fêt<strong>en</strong>t leur cinquanteans de théâtre, toujours emm<strong>en</strong>és par cetteidée, née à Avignon <strong>en</strong> 1953, d’un théâtre qui seraitpopulaire ou, comme le précisait Antoine Vitez, d’un«théâtre élitaire pour tous». Avec des expositions, desr<strong>en</strong>contres, débats, projections et spectacles ils mett<strong>en</strong>t<strong>en</strong> réseau tous les lieux d’Aix, de la Cité du Livreau théâtre des Ateliers, <strong>en</strong> passant par le Jeu de Paume,le GTP, le Pavillon Noir et une grande tournée <strong>en</strong> Paysd’Aix.Les premières réjouissances, de 28 janvier au 1 erfévrier, permettront dans l’après-midi et <strong>en</strong> soiréed’assister à des lectures de Roland Barthes ouVinaver par la Cie d’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t des Ateliers, der<strong>en</strong>contrer Laur<strong>en</strong>t Terzieff qui parlera du théâtrepopulaire, ou Maïssa Bey (auteur de Bleu Blanc Vertmis <strong>en</strong> scène le 1 er février au jeu de Paume). D’assisteraussi à un concert du comptoir organisé parSeconde Nature, de flâner devant des portraits despectateurs photographiés par Ito Josué <strong>en</strong>tre 1948et 1963… ou à une représ<strong>en</strong>tation de Service de nettoyageou le corps social à la cité du livre… Suivront <strong>en</strong>mars les Suppliantes d’Eschyle mises <strong>en</strong> scène parOlivier Py…Un programme riche, inhabituel, qui allie comme sav<strong>en</strong>tsi bi<strong>en</strong> le faire les ATP d’Aix des questionnem<strong>en</strong>tspertin<strong>en</strong>ts, des œuvres fortes, et un véritable soucide lisibilité des formes.A.F.Cinquant<strong>en</strong>aire des ATP d’AixAix04 42 26 83 98www.atpaix.com
AU PROGRAMMETHÉÂTRE21MulticoloreEva Doumbia, metteure <strong>en</strong> scène franco ivoiri<strong>en</strong>ne,a l’habitude de travailler avec des comédi<strong>en</strong>s de Côted’Ivoire, mais ne se cont<strong>en</strong>te pas d’interroger cettedouble culture-là (double id<strong>en</strong>tité nationale, dirai<strong>en</strong>tcertains qui ferai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> de v<strong>en</strong>ir un peu voir sesspectacles). Il y a quelques années, <strong>en</strong> montantChester Himes, elle était allée r<strong>en</strong>contrer lesmétissages américains. Là elle est partie au Brésil, et<strong>en</strong> revi<strong>en</strong>t avec une troupe totalem<strong>en</strong>t multicolore,pour créer le texte d’un auteur Burkinabé, AristideTarnagda…France do BrasilDu 26 au 29 janvScène Nationale du Merlan04 91 11 19 20www.merlan.orgProsopopéeL’idée d’Howard Zinn (éditée chez Agone) estfarfelue, même si faire parler les morts est un procédérhétorique anci<strong>en</strong>. Mais il fallait oser imaginerMarx r<strong>en</strong>voyé sur terre (par Dieu ?) et qui, découvrantce qu’il est adv<strong>en</strong>u de ses théories économiques,raconte sa vie tout <strong>en</strong> faisant l’illustration, parl’anecdote, de la validité actuelle de ses critiques anticapitalistes…La démonstration économico-politiqueest convaincante, grâce au pouvoir de la Fable et dela diatribe. Ivan Romeuf, <strong>en</strong> réincarnation bougonnecoincée dans un grand carton à tiroirs, s’amusebeaucoup…Karl Marx, le retourDu 5 au 27 fevThéâtre de L<strong>en</strong>che04 91 91 52 22www.theatredel<strong>en</strong>che.infoFrance do Brasil © Philippe AriagnoSous l’écranLes Cartouns install<strong>en</strong>t leur fantaisie sous l’écrannoir et blanc du chef d’œuvre de Medvedkine. Allezvoir <strong>en</strong> pages cinéma, puis à la Minoterie.Le BonheurDu 24 au 27 fevThéâtre de la Minoterie04 91 90 07 94www.minoterie.orgCabaretLes Bernardines poursuiv<strong>en</strong>t leur Hiver de Fidélités :après Marie Vayssière (voir p 14) et Eva Doumbia,qu’ils coprogramm<strong>en</strong>t au Merlan, ils accueill<strong>en</strong>t lesvieux amis de la Cie Art de vivre : Yves Favrega, etses vieux complices le musici<strong>en</strong> Pascal Gobin,Hélène Force pour jouer/chanter… une foiregastronomique et musicale, loufoque, excessive etfière de l’être !La Grande ComestibleDu 25 fev au 6 marsThéâtre des Bernardines04 91 24 30 40www.theatre-bernardines.orgTrilogieOn a <strong>en</strong> vu les épisodes par pan, mais la trilogie deSonia Chiambretto n’a pas été créée dans sonintégralité à Marseille. La petite salle de la Criéeaccueille les trois pièces de cette écriture forte,viol<strong>en</strong>te, qui semble traverser les cerveaux et nousmettre <strong>en</strong> phase avec des flots de parole au mom<strong>en</strong>toù ils arriv<strong>en</strong>t à formulation. Hubert Colas, qui met<strong>en</strong> scène, acc<strong>en</strong>tue par son parti pris frontal l’expéri<strong>en</strong>cede cette plongée directe dans la p<strong>en</strong>sée d’uneréfugiée Tchéchène, d’un légionnaire abruti, de lavieille religieuse incarnée par la folie absolue de DominiqueFrot. Manuel Valade et Claire Delaporteaussi, dans leurs monologues, sont stupéfiants.Mon Képi Blanc, Chto, 12 sœurs slovaquesDu 23 au 28 fevPetit Théâtre de la Criée04 91 54 70 54www.theatre-lacriee.comChto © Nicolas MarieInternationalAvant d’<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre son festival russe, qui comm<strong>en</strong>cerapar du cinéma et des cabarets dès le 23 fév, leToursky accueille le succès de Gérard Gélas, qu’il acréé lors du festival 2007 <strong>en</strong> son Chêne Noir, puisrepris, filmé, joué à Paris avec un franc succès. Lapièce repose sur la belle fraicheur (aguerrie !) d’AliceBelaïdi, et le texte par mom<strong>en</strong>ts magnifique de SaphiaAzzedine. Même si la conversion finale laisse un drôlede goût, la performance et la viol<strong>en</strong>ce du propos sontimpressionnants.Après cela place à la comédie française dans un Marivauxmis <strong>en</strong> scène par Muriel Mayette : La Disputeest un chef-d’œuvre de subtilité langagière, un sommetdu théâtre français… fort inspiré à l’époque parla comédie itali<strong>en</strong>ne.Confid<strong>en</strong>ces à AllahLes 22 et 23 janvLa DisputeLes 29 et 30 janvierThéâtre Toursky0 820 300 033www.toursky.orgLocaliersLa couleur locale serait-elle garante du succès sur lesplanches ? Surtout quand la gloire des <strong>en</strong>fants dupays nous revi<strong>en</strong>t d’ailleurs ? Le duo Galabru Caubèreincarnant Raimu et Pagnol, <strong>en</strong> tous les cas, fait sallescombles et nombreuses. Espérons que leur Correspondanceici mise <strong>en</strong> scène dépasse l’anecdote : cesdeux monstres sacrés le mérit<strong>en</strong>t, comme les personnagesqu’ils incarn<strong>en</strong>t.Jules et Marcelles 21 et 22 janvThéâtre de Grasse (06)04 93 40 53 00www.theatredegrasse.comle 28 fevThéâtre Comœdia, Aubagne04 42 18 19 88www.aubagne.frles 4 et 5 fevThéâtre Toursky0 820 300 033www.toursky.orgles 6 et 7 marsThéâtre de Nîmes (30)04 66 36 65 10www.theatred<strong>en</strong>imes.comLa Dispute © Brigitte Enguerand