26 DANSEDame la manoISTRES | PAVILLON NOIR | BNMDeux silhouettes se découp<strong>en</strong>t, immobiles, le décor apparaît, plan incliné qui secontinue <strong>en</strong> un long aplat blanc, tandis que la musique de Franck II Louise martèleses premières notes. C’est autour et sur ce territoire vierge que se construit lachorégraphie d’Anthony Égéa, avec François Lamargot et Jérôme Luca, deuxdanseurs qui se jaug<strong>en</strong>t et s’affront<strong>en</strong>t. Les corps s’élanc<strong>en</strong>t, regards baissésprêts à l’attaque, se frôl<strong>en</strong>t puis s’empoign<strong>en</strong>t, valse hésitation jusqu’à ne plusfaire qu’un ; les corps se cass<strong>en</strong>t, se soumett<strong>en</strong>t, puis les mouvem<strong>en</strong>ts se fontamples, se répond<strong>en</strong>t dans une parfaite symétrie. Et s’élanc<strong>en</strong>t à nouveau, gliss<strong>en</strong>tsur le plan incliné, s’accroch<strong>en</strong>t, dans une lutte infinie pour un territoire qui finirapar être scindé <strong>en</strong> deux parties égales par un long jet de peinture rouge.Franchissem<strong>en</strong>t de la ligne jusqu’à l’apaisem<strong>en</strong>t, de part et d’autre. «Donne-moila main, nous sommes frères»…DOMINIQUE MARÇONClash, de la cie Rêvolution, a été dansé le 12 janvier au théâtre de l’Olivier à Istres `et le 13 janvier au théâtre du Cadran à Briançon. Leur précéd<strong>en</strong>te création,Urban Ballet, sera accueillie au Carré Sainte-Maxime le 20 marset au théâtre Durance, à Château-Arnoux, le 30 avril.Ses Préfér<strong>en</strong>cesTout est fait pour que l’on se conc<strong>en</strong>tresur les corps. Les costumes sont gris,unis, noirs, fluides, aux lignes simples ;les lumières blanches, très découpéeselles aussi, port<strong>en</strong>t votre regard là où ildoit aller, sans effet. Les visages sont impassibles,vous ne pouvez que voir lescorps, qui reti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toute votre att<strong>en</strong>tion,avec la musique.Là <strong>en</strong>core les choix d’Emanuel Gatsont remarquables : le Voyage d’hiver estchanté comme de l’intérieur, à la virgulede s<strong>en</strong>s près, par Fischer Dieskau,My Favorite Things, reprise virtuosissimedu thème de la Mélodie du Bonheur parColtrane, est une bombe ludique de forcevitale. Quant à sa version salsa duSacre exécutée sur un tapis ori<strong>en</strong>tal,elle surpr<strong>en</strong>d par son inadéquation avecla musique : abandonnant l’argum<strong>en</strong>trusse et paysan, jouant sur un rapportasymétrique <strong>en</strong>tre les sexes, deux hommespour trois femmes instaur<strong>en</strong>t unmouvem<strong>en</strong>t perpétuel totalem<strong>en</strong>t inappropriéaux déchaînem<strong>en</strong>ts etapaisem<strong>en</strong>ts de la partition, et parfaitem<strong>en</strong>tpertin<strong>en</strong>t pourtant. Comme si toutl’attirail émotionnel et tellurique deStravinsky laissait <strong>en</strong>trevoir le cœurqui, dans la poitrine, continue imperturbable.Une petite passe de rock, unarrêt, une variation, et le métronome à5 repr<strong>en</strong>d sa salsa asymétrique.CompositionJuste avant, le solo de Gat sur My FavoriteThings est une profession de foidans laquelle il confie quelques-uns deses mouvem<strong>en</strong>ts favoris, s’emparantdes soli instrum<strong>en</strong>taux pour développerdes positions particulières, etrev<strong>en</strong>ant au chorus retrouver sa phraseinitiale. Les Variations d’Hiver qui précèd<strong>en</strong>tpermett<strong>en</strong>t avec Schubert deconfier autre chose, plus romantiqueforcém<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre deux hommes -RoyAssaf est remarquable- <strong>en</strong> tuniquesqui, sur une ligne oblique, jou<strong>en</strong>t deleurs parallèles et de leurs courses.L’<strong>en</strong>chaînem<strong>en</strong>t des trois pièces estremarquablem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>sé, et les interprètessont tous épatants.AGNES FRESCHELEmanuel Gat Dance Companya dansé au Pavillon Noirdu 14 au 17 janvVoyage d'hiver © Gadi DagonLe feu et l’eau© JJ MahéLe Ballet National deMarseille a ouvert grandesses portes à deuxcréateurs très personnels.Chacun a prés<strong>en</strong>té un solosobre et s<strong>en</strong>sible quimet <strong>en</strong> lumière sa parfaitemaîtrise du corps. MiguelNosibor avait créé Tempsd’arrêt au Pavillon Noir <strong>en</strong>novembre (voir Zib’24). Sadanse, v<strong>en</strong>ue du hip-hop,ne se cont<strong>en</strong>te pas de laCie En Phase © Christian Varletvirtuosité et sait nousémouvoir. Sur la scène, occupée par une boule de lumière autour de laquelle iltourne, attiré comme une luciole, le danseur s’<strong>en</strong>gage et se livre.C’est aussi autour d’un objet que se conc<strong>en</strong>tre toute la danse expressive deCaroline Bo : une simple bouteille d’eau minérale, <strong>en</strong> plastique, capte son regardet peu à peu le nôtre. Et c’est toute une histoire de désir et de nécessité quidéroule, son rapport à la soif et au plaisir de l’eau. Caroline Bo raconte safrustration quand étant <strong>en</strong>fant on refusait de lui donner à boire, son étonnem<strong>en</strong>tquand dev<strong>en</strong>ue adulte on l’a mise <strong>en</strong> garde contre l’absorption inconsidérée d’eau.Aussi a-t-elle longuem<strong>en</strong>t interrogé son corps et la médecine et cela donne unechorégraphie étonnante. Son corps bouge parfaitem<strong>en</strong>t, ondule, <strong>en</strong>fle et rétrécit,avec un mouvem<strong>en</strong>t focalisé sur l’abdom<strong>en</strong> qui s’anime de façon inatt<strong>en</strong>due etsemble dev<strong>en</strong>ir totalem<strong>en</strong>t autonome, surtout après l’absorption d’une bouteille<strong>en</strong>tière de 1 litre et demi d’eau. Alors une bande-son doctorale explique lesfonctionnem<strong>en</strong>ts des cellules et de la digestion, les mécanismes de ladéshydratation et de son contraire, l’hyponatrémie ! On le compr<strong>en</strong>d, il y abeaucoup d’humour dans ce travail, très bi<strong>en</strong> accompagné par la musique deJean-Philippe Barrios.CHRIS BOURGUETemps d’arrêt de Miguel Nosiboret Water in my solo de Caroline Bo ont été donnésdans le cadre des Ouvertures du BNM les 17 et 18 déc
BALLET D’EUROPE | NÎMES | MARTIGUESEuroméditerranée… du ballet !Il est désormais de tradition dans les ballets de laisserlibre cœur à l’expression chorégraphique des corps.Le Ballet d’Europe propose cet exercice depuis sacréation, et les workshops 2010 prés<strong>en</strong>tés les 17 et 18décembre au Petit Théâtre de la Friche <strong>en</strong>trai<strong>en</strong>t danscette intéressante pratique.Six chorégraphies flottai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eaux doubles ettroubles de s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts méditerrané<strong>en</strong>s id<strong>en</strong>titaireset contradictoires : ces ateliers chorégraphiques sontle reflet tal<strong>en</strong>tueux de l’expression des malaises etturbul<strong>en</strong>ces que traverse le corps social.Infranchissable, chorégraphie solo dansée par sonauteur Ludovick Le Floc’h sur une musique deCatherine Lara est caractéristique de cettepréoccupation narcissique, <strong>en</strong>tre individu social etsujet désirant. L’id<strong>en</strong>tité est questionnée dans tousses aspects. Place de l’individu dans le collectif,ambiguïté de l’id<strong>en</strong>tité sexuelle, rôle de l’image dansle regard de l’Autre. La gestuelle, parfaitem<strong>en</strong>tmaîtrisée, traduit le trouble de l’attirance et du rejet,l’aspiration et la répulsion. Les poursuites auxconflu<strong>en</strong>ces du désir illustr<strong>en</strong>t les quêtes de la vie.Il pourrait être reproché l’aspect expressionniste decertaines compositions, frisant parfois la trivialitéillustrative. Mais la perfection de la techniquecorporelle fait oublier les traits parfois appuyés d’unescénographie un peu adolesc<strong>en</strong>te. Il est heureux quele Ballet d’Europe permette cette jeune écritureLe beau resteOn se disait un peu, pourquoi vont-ilsdanser <strong>en</strong>semble, eux qui fur<strong>en</strong>t sibeaux. On avait tort : ils le sont <strong>en</strong>core.Autrem<strong>en</strong>t, mieux sans doute…Jean-Charles Gil et Monique Loudières ont toutdansé, ils fur<strong>en</strong>t les égéries des plus grands chorégraphes.L’un décollait du sol avec un ballon rare,l’autre pouvait tout exprimer avec son corps <strong>en</strong>chewing-gum tonique… Puis ils ont tous les deux<strong>en</strong>seigné, longtemps, ont monté leur compagnie, sesont forgés un autre style, une autre histoire, et seretrouv<strong>en</strong>t après 30 ans pour <strong>en</strong> retrouver lesempreintes. Cela s’appelle Trace avec moi, et on y© Agnès Melloncorporelle de s’exprimer, radiographie d’une fraîcheur<strong>en</strong> friche… une belle de mai <strong>en</strong> décembre !YVES BERCHADSKYperçoit l’amitié, le temps qui vieillit les corps mais leurdonne une patine, une émotion que les petits jeunes,juste avant, lorsqu’ils exécutai<strong>en</strong>t admirablem<strong>en</strong>ttours et batteries, n’atteignai<strong>en</strong>t pas. Quelquefois lesmains se loup<strong>en</strong>t, quelquefois on s<strong>en</strong>t l’effort pourexécuter les portés, le r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t à l’ampleur ;mais les arrondis, les impulsions, les regards ont tantde charme !Sweet Gerschwin, dansé juste avant par un Balletd’Europe <strong>en</strong> grande forme, était autrem<strong>en</strong>t<strong>en</strong>thousiasmant. La pièce tonique, joyeuse, reposesur le plaisir de danser, les clins d’œil, ladémonstration du tal<strong>en</strong>t technique, l’épate. L’émotionaussi, dans les duos et le solo, et un beau langage<strong>en</strong>tre le modern jazz, la technique classique etses écarts, et un brin de comédie musicale.Une des pièces les plus réussie de Jean-Charles Gil.AGNES FRESCHELTrace avec moi a été créésur la scène des Salinsle 16 janvSuite et finDANSE27Le Festival de Flam<strong>en</strong>co poursuit, jusqu’au 23 janvier,sa fiesta dans la Ville de Nîmes. En danse, PastoraGalván, cadette de la famille, prés<strong>en</strong>te, avec Pastora,une danse à la fois classique et avant-gardiste (le 21janv), tandis que Rocío Molina, autre grandedanseuse, propose son Oro Viejo (le 23 janv). Lesderniers spectacles seront chantés, avec DiegoCarrasco, «l’ogre flam<strong>en</strong>co» maître du compás (le 22janv), Inés Bacán accompagnée d’Antonio Moya àla guitare (le 22 janv), Antonio Campos <strong>en</strong> concertacoustique <strong>en</strong> duo avec Dani Méndez et son délicattoque (le 23 janv), sans oublier l’apothéose du festival,à savoir A Cinco voces : cinq voix gitanes, unedanseuse et deux guitaristes pour une soirée façoncafé cantante (le 23 janv).D.M.20 ans de flam<strong>en</strong>cojusqu’au 23 janvierThéâtre de Nîmes04 66 36 65 10www.theatred<strong>en</strong>imes.com© Jean-Charles Verchère