60 SCIENCES LE CICRPAu cœur de Marseille, à la Friche de laBelle de Mai, le bâtim<strong>en</strong>t del’anci<strong>en</strong>ne manufacture des tabacs <strong>en</strong>briques rouges superbem<strong>en</strong>t rénové.Le C<strong>en</strong>tre Interrégional de Conservationet Restauration du Patrimoiney niche, et le Directeur, Roland May,et le Directeur Délégué, BernardConques nous ont ouvert leurs porteshautem<strong>en</strong>t sécurisées, et faitvisiter un univers passionnant, laboratoirede pointe fourmillant desci<strong>en</strong>tifiques au travail, et recelant,au détour d’une salle, un Soulages àrestaurer, un grand format de César,les «cartes» d’architecte de Chartreuses…<strong>Zibeline</strong> : Quelle est la spécificité duCICRP par rapport aux autresstructures françaises destinées à laconservation et restauration dupatrimoine ?Roland May, Bernard Conques : LeCICRP a un statut et une vocationuniques <strong>en</strong> France, très distincts deceux des 21 c<strong>en</strong>tres de restaurationdes œuvres d’art. Contrairem<strong>en</strong>t ànous, ils se destin<strong>en</strong>t exclusivem<strong>en</strong>tà la prestation de service, pour descommanditaires publics et privés.Nous ne sommes pas non plus unestructure exclusivem<strong>en</strong>t d’État commele C<strong>en</strong>tre de Recherche et de Restaurationdes Musées de France ou leLaboratoire de Recherche des Monum<strong>en</strong>tsHistoriques. Le CICRP est unGroupem<strong>en</strong>t d’Intérêt Public (GIP)rassemblant quatre part<strong>en</strong>aires :l’État par le Ministère de la Culture, laVille de Marseille, le Conseil RégionalPACA et le Conseil Général 13.Notre vocation est l’assistance et leconseil auprès des maîtres d’ouvrages.Nous accueillons des restaurateurspour des travaux sur des œuvres dupatrimoine public. Nous ne sommesjamais, pour notre part, opérateursdirects de la restauration mais avonsla spécificité d’être un c<strong>en</strong>tre derecherche sci<strong>en</strong>tifique qui développede nombreux programmes aussi bi<strong>en</strong>sur les processus de dégradation desœuvres que sur leur analyse morphologique.Nous étudions par exempleles processus de dégradation destoiles ou bois par les microorganismes,mycoses ou insectes parasiteset t<strong>en</strong>tons d’<strong>en</strong> définir les différ<strong>en</strong>tsremèdes ainsi que leur innocuité surles substrats.Peut-on dire que vous fonctionnez <strong>en</strong> bureau d’étude ?Pas vraim<strong>en</strong>t non plus, car nous ne sommes ni dansle domaine marchand, ni concurr<strong>en</strong>tiel, mais réellem<strong>en</strong>tdans des missions d’intérêt général que nousconfi<strong>en</strong>t nos tutelles dont le Ministère de laExpertiser,analyser,préconiserEntreti<strong>en</strong> sur l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> sci<strong>en</strong>tifiquedu patrimoine artistique publicCulture. Les moy<strong>en</strong>s qui nous sont alloués sont dédiésà offrir aux collectivités territoriales, expertiseet conseil autour des problématiques de conservationet restauration, <strong>en</strong> tant que prescripteur,non de prestataire. Notre originalité, unique dansle domaine, consiste à mettre à disposition desopérateurs une plate-forme technologique de pointe,© Emilie Hubert, photographe au CICRPainsi que la haute expertise d’un personnel pluridisciplinaire,au fait de l’innovation sci<strong>en</strong>tifiquedans la discipline.Sur quel type d’œuvres travaill<strong>en</strong>t les sci<strong>en</strong>tifiques ?Nous recevons ici des œuvres dont la restaurationpose des problèmes technologiques ou sci<strong>en</strong>tifiquescomplexes. Celles qui demand<strong>en</strong>t des moy<strong>en</strong>s
61spécifiques lourds, d’accueil, d’expertise d’altérationsou une méthodologie de restauration particulièreet originale, <strong>en</strong> tous les cas un savoir-faire innovant.Nous sommes garants auprès de l’État de l’orthodoxiede la restauration. Nos sci<strong>en</strong>tifiques sontd’ailleurs tous ag<strong>en</strong>ts de l’État.Nos métiers se déclin<strong>en</strong>t sur trois plans. Premièrem<strong>en</strong>tnous accueillons des œuvres <strong>en</strong> restauration,<strong>en</strong> particulier les tableaux de très grand format quidemand<strong>en</strong>t un équipem<strong>en</strong>t lourd très adapté. Lelaboratoire, doté de l’ars<strong>en</strong>al des techniques avancéesd’analyses physiques et physico-chimiques, doitpermettre de dresser le dossier sci<strong>en</strong>tifique le pluscomplet de l’œuvre.Ensuite nous faisons de la recherche appliquée desprocessus d’altération : sur des matériaux patrimoniauxcomme les peintures sur tous supports, lapierre, qui sont nos spécialités, mais aussi sur lesnouveaux matériaux de l’art contemporain commele plastique, et peintures de synthèse.Ces expertises débouch<strong>en</strong>t sur notre ultime missionqui est la préconisation, le conseil et l’harmonisation<strong>en</strong>tre prestataires et commanditaires. Ces expertisesfont de notre c<strong>en</strong>tre un lieu de formation puisquetrois thèses ont déjà été sout<strong>en</strong>ues dans ledomaine de la chimie des matériaux anci<strong>en</strong>s.Pourriez-vous donner à nos lecteurs quelqueschiffres pour dim<strong>en</strong>sionner le CICRP ?Notre c<strong>en</strong>tre est né <strong>en</strong> 1992 de la volonté de l’Étatde créer un C<strong>en</strong>tre National du Patrimoine disposantd’une importante ant<strong>en</strong>ne à Marseille. Le projetnational a été abandonné, mais les différ<strong>en</strong>tes tutellesont maint<strong>en</strong>u la mise <strong>en</strong> œuvre du projetmarseillais sous la forme autonome qu’a pris leCICRP.Nous comptons vingt-huit employés perman<strong>en</strong>ts.Vingt-trois sont ag<strong>en</strong>ts du Ministère de la Culture etcinq de la Ville de Marseille. La diversité des métierss’illustre avec cinq ingénieurs de recherche, dont troischimistes et deux géologues, deux spécialistes del’imagerie sci<strong>en</strong>tifique dont une de radiographie, troisconservateurs spécialisés dans différ<strong>en</strong>ts secteursdes sci<strong>en</strong>ces humaines, un chef de travaux d’art, deuxtechnici<strong>en</strong>s de recherche, deux docum<strong>en</strong>talistes spécialisésainsi que tout le personnel administratif etd’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>.© Emilie Hubert, photographe au CICRPAu-delà de ce personnel perman<strong>en</strong>t,jusqu’à 70 personnes travaill<strong>en</strong>t dansle c<strong>en</strong>tre, dont une quarantaine de restaurateursindép<strong>en</strong>dants, sans compterles personnels des différ<strong>en</strong>tes logistiques.Nous disposons de 6500m² delocaux, propriété de la Ville de Marseilleet de l’État (pour 1700m 2 ). Ler<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t et le développem<strong>en</strong>tdu matériel sci<strong>en</strong>tifique -il est ess<strong>en</strong>tielpour assurer nos missions qu’ilreste à la pointe de la performancereprés<strong>en</strong>teun investissem<strong>en</strong>t del’ordre de 120 000 euros par an, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>tassurés par l’État. Notrebudget global annuel de 3 millionsd’Euros est assuré par les tutelles publiques: 60% pour l’État, 30% la Ville,8% le Conseil Régional et 2% le CG13.Pouvez-vous préciser le périmètre descollaborations du C<strong>en</strong>tre, son rayonnem<strong>en</strong>t?Un effort important a été fait pour r<strong>en</strong>forcerles li<strong>en</strong>s avec les structuresnationales qui travaill<strong>en</strong>t dans larecherche méthodologique <strong>en</strong> restaurationdu patrimoine. Par exempleavec l’Institut National du Patrimoinequi forme des restaurateurs. Nos collaborationsnationales et internationalessont très nombreuses et diversifiées.Elles vont de structures comme l’ant<strong>en</strong>nerégionale de l’Institut Nationalde la Police Sci<strong>en</strong>tifique, avec laquell<strong>en</strong>ous échangeons des méthodologiesd’investigation, jusqu’à des établissem<strong>en</strong>tsinternationaux aussi prestigieuxque le «Art Institute of Chicago». Nousdéveloppons avec ce dernier unecollaboration autour de l’usage despeintures industrielles dans l’œuvrede Picasso qui devrait déboucher surun colloque <strong>en</strong> 2011 à Marseille.Nous réalisons actuellem<strong>en</strong>t un travaild’investigation sur les tableaux des80 représ<strong>en</strong>tations de chartreusesdét<strong>en</strong>us par la Grande Chartreuse d’Isère.Ce travail va déboucher sur leurrestauration, dont celle de la carte dela Chartreuse de Marseille, et devraitfaire l’objet d’une exposition à Marseillecourant Octobre 2010.Le CICRP mène aussi une activité deformation importante <strong>en</strong> milieu scolaireautour de la diffusion de laculture picturale et de ses approchesméthodologiques.ENTRETIEN RÉALISÉ PAR YVES BERCHADSKYC<strong>en</strong>tre Interrégionalde Conservationet de Restauration du Patrimoine04 91 08 23 39www.cicrp.frAu programmeSi la restauration <strong>en</strong> France d’un «Ministère de l’Immigration,de l’Intégration, de l’Id<strong>en</strong>tité nationaleet du Développem<strong>en</strong>t solidaire» donne à nos Zibelecteursquelque amertume, ils peuv<strong>en</strong>t s’intéresser auprogramme des animations de 2010, année de labiodiversité.Biodiversité dans la citéDans ce cadre, l’IRD [Institut de Recherche sur leDéveloppem<strong>en</strong>t] organise un cycle de confér<strong>en</strong>cesm<strong>en</strong>suelles sur le sujet à l’Alcazar. La confér<strong>en</strong>cedu 16 janvier s’intitulait «biodiversité, je t’aime moinon plus !» et portait sur la complexité des processusde son alarmante diminution <strong>en</strong> t<strong>en</strong>tant de faireun point sur les mythes qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t. La prochainesera donnée le 13 mars, 17h-19h, sur le thème Conserverla biodiversité : pour qui ? pourquoi ? parMarie-Christine Cormier-Salem, géographe àl’IRD, directrice de l’Unité mixte de rechercheIRD/Muséum National d’Histoire naturelle Patrimoineslocaux.www.ird.frTerre humaine ? Curieux... !Le Conseil Régional, la Mairie des 13 e et 14 e arr. deMarseille et l’Association Sci<strong>en</strong>ce TechnologieSociété PACA organis<strong>en</strong>t la 8 e édition du festivaldes sci<strong>en</strong>ces et des techniques pour la jeunesse,Curieux 2 Sci<strong>en</strong>ces. Ce festival ouvert à tous, jusqu’au23 janvier sur la thématique Comm<strong>en</strong>t laTerre devint humaine... et soudain l’homme.Curieux 2 Sci<strong>en</strong>ces se propose, cette année, d’explorertrois actes de la «comédie humaine», troisconquêtes : celle du territoire, celle de l’humanité,celle de l’imaginaire et vous donne r<strong>en</strong>dez-vous <strong>en</strong>Mairie des 13 et 14 e arrondissem<strong>en</strong>ts.www.asts.asso.frIntellig<strong>en</strong>ce collectivedes insectes sociauxLe 26 janvier à 18h30 à l’Espace Écureuil à Marseille,dans la cadre du cycle de confér<strong>en</strong>ces Les Horizonsdu savoir organisé par l’ASTS-PACA, Guy Theraulaz,prés<strong>en</strong>tera une confér<strong>en</strong>ce sur Biologie et civilisation,les chemins de l’intellig<strong>en</strong>ce. Le confér<strong>en</strong>cierest directeur de recherches au CNRS, docteur <strong>en</strong>neurosci<strong>en</strong>ces et <strong>en</strong> éthologie, directeur de l’équipe«Comportem<strong>en</strong>ts collectifs : éthologie et modélisation»au C<strong>en</strong>tre de Recherches sur la CognitionAnimale à l’Université Paul Sabatier à Toulouse. Sonexposé portera sur les processus d’auto-organisationqui permett<strong>en</strong>t aux insectes sociaux de développerune forme d’intellig<strong>en</strong>ce collective à partir de lamultitude des interactions <strong>en</strong>tre les individus dontles comportem<strong>en</strong>ts demeur<strong>en</strong>t très simples.www.fondation-ecureuil.fr