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L'auteur comme personnage

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D’autre part, l’idée que la dénomination révèle l’identité et même la personnalitéd’un être provient d’une croyance fortement ancrée dans notre société. Le propos deGeorges Gusdorf appuie cette idée : « […] les noms propres demeurent secrets, parce qu’ilsdonnent accès à l’identité fondamentale, et ne doivent pas être exposés aux suites possiblesd’une révélation et profanation » 14 . Suivant cette conception, un nom appartient à celui qu’ildésigne et reflète son individualité. Dans Operation Shylock, par exemple, l’usurpation dunom de Philip Roth suffit à abuser tout le monde y compris les proches de l’écrivain. Leseul moyen pour le narrateur de recouvrer son identité est d’appeler autrement l’imposteur.Il lui choisit un sobriquet issu du registre populaire de l’imaginaire Yiddish, p.115 :« Name him ! Who is this preposterous proxy ? Nothing like namelessness to makea mystery of nothing. Name him! If I alone am Philip Roth, he is who? MoishePipik. »« Un nom ! Qui est ce grotesque prétendant ? C’est l’absence de nom et rien d’autrequi transforme ce rien en mystère. Un nom ! Si je suis le seul à être Philip Roth quiest-il lui ? Moishe Pipik. »Pourtant, chez Colette et Philip Roth, l’homonymie des romanciers avec le<strong>personnage</strong> principal de l’intrigue apparaît <strong>comme</strong> un leurre puisque cette appellation nereconduit jamais à l’individu existant. Les écrivains n’imposent leur patronyme que pour enexposer le caractère arbitraire.Chez Philip Roth, la fonction désignative du nom propre est détournée au service dela fiction. Dans The Facts, le <strong>personnage</strong> de Zuckerman, s’adresse à son créateur dans unelongue lettre p.161 dans laquelle il emprunte la fonction de critique pour juger sonmanuscrit. Il reproche à Roth d’employer les noms <strong>comme</strong> trompe-l’œil. Loin de référer àdes personnes du monde actuel, ces derniers ne servent qu’à donner au texte une impressionde véracité pour cultiver ce que Roland Barthes appelle l’« effet de réel » 15 . Ainsi, l’identitéde l’ex-femme de Roth dont l’écrivain parle longuement est préservée, tandis que tous les<strong>personnage</strong>s qui apparaissent sous leur véritable patronyme sont à peine évoqués ou sontdépeints fallacieusement, p.178/179 :14 Gusdorf, Georges, « Auto-bio-graphie », Lignes de vie 2., Odile Jacob, 1991, p.254.15 Barthes, Roland, « L’effet de réel », in Littérature et réalité, Seuil, coll. « Points essais », 1982, p. 81-89.

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