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L'auteur comme personnage

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eprésentationnel sur le monde où le « moi » symbolise l’expérience universelle, elle traduitégalement un désir plus personnel de mythification.1. La réinvention identitaire : renoncer à soi pour incarner un <strong>personnage</strong>La fictionnalisation de soi est un phénomène intrinsèque à l’écriture romanesque ; ilsuffit de penser à la célèbre affirmation de Flaubert pour s’en persuader : « MadameBovary, c'est moi ». Ce procédé est couramment utilisé par nos romanciers. Régine Robin 36affirme que Philip Roth « est un écrivain autofictionnel, et ce même avant qu’il inscrivedirectement son nom, son <strong>personnage</strong> (lui-même) réinventé dans la fiction. La plupart deses <strong>personnage</strong>s principaux sont des écrivains et des professeurs de littérature (PeterTarnapol, Nathan Zuckerman ou Alexandre Kepesh) qui sont autant d’avatars, de variantesde lui-même ou de son narrateur, des fantasmes de lui-même réinventés dans la fiction ».De même, dans La naissance du jour, autofiction qui « n’est pas un hasard, ou une erreur,dans la production colettienne » 37 , l’auteur évoque la fragmentation de son « moi » répartientre les <strong>personnage</strong>s provenant de son imagination. L’autofiction serait donc le pointculminant d’un projet de mise en scène de soi plus vaste, qui caractérise l’ensemble de laproduction de Colette et Philip Roth. L’utilisation de ce genre offre la possibilité auxécrivains d’incarner pour une fois un de leurs protagonistes de manière intégrale, sans luiattribuer un pseudonyme, et d’assumer pleinement le rapport de proximité qui lie un auteuraux créatures issues de son imagination.L’investissement personnel de l’auteur dans le processus de création n’a pas pourautant une valeur biographique. Nul n’oserait prendre au sérieux le discours de Flaubert quiaffirme ne faire qu’un avec son héroïne. Cependant, son propos met en lumière lesinteractions entre la fiction et le réel. En ayant recours à leur existence pour façonner des<strong>personnage</strong>s imaginaires, Colette et Philip Roth vont à l’encontre dudiscours desthéoriciens séparatistes pour qui le cloisonnement entre le monde réel et l’imaginaire estindiscutable. Ainsi, en publiant son roman Fils 38 , Doubrovsky avait pour ambition deremplir la « case aveugle » de Philippe Lejeune, qui réfutait la possibilité d’une double36 Robin, Régine, Le Golem de l’écriture. De l’autofiction au cybersoi, XYZ éditeur, coll. « Théorie etlittérature », 1997, p.154.37 Deltel, Danielle, « Colette : l’autobiographie prospective », in Autofictions & Cie, Actes du colloque deNanterre, Université Paris X, Revue RTIM, n° 6, 1993, p.123.38 Doubrovsky, Serge, Fils, Galilée, 1977.

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