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L'auteur comme personnage

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Le débat sur l’autofiction doit être reconsidéré à la lumière d’une controverse plusancienne. On peut se demander si finalement la frontière entre la fiction et le discoursréférentiel n’est pas aussi infranchissable que celle qui a longtemps divisé la poésie de laprose. Dans sa préface aux Odes et Ballades 91 , Victor Hugo s’indigne contre lecloisonnement qui existe entre les genres et qui nuit à la liberté de création du poèteL’autofiction permet justement de bouleverser tant les convictions d’un lectorat parfoisconservateur, que des cloisonnements génériques fortement ancrés dans la tradition critique.Son innovation consiste à montrer que la zone de flottement qui perdure entre les textesréférentiels et littéraires n’est pas une fatalité et que cette incertitude générique engendreune écriture plus dynamique.L’institution de l’autofiction <strong>comme</strong> genre est finalement un problème aporétique.En effet, les difficultés de réception de l’autofiction ne peuvent se résoudre que par sareconnaissance en tant que catégorie littéraire. Mais il faut pour cela que le lecteur puissedifférencier le procédé de « mise en fiction de soi », de celui qui consiste à mélanger la viede l’auteur et l’univers de son livre, qui correspond davantage au roman autobiographique.Seule une conception non autobiographique de l’autofiction permet de comprendre quecelle-ci, en se servant de l’image auctoriale, offre une perspective de renouvellement pourla forme romanesque.91 Hugo, Victor, « Préface de 1826 », in Odes et Ballades, édition établie par Pierre Albouy, Gallimard,coll. « nrf », 1980, p.9 : « On entend tous les jours, à propos de productions littéraires, parler de la dignité detel genre, des convenances de tel autre, des limiter de celui-ci, des latitudes de celui-là ; la tragédie interdit ceque le roman permet; la chanson tolère ce que l'ode défend, etc. <strong>L'auteur</strong> de ce livre a le malheur de ne riencomprendre à tout cela; il y cherche des choses et n'y voit que des mots; il lui semble que ce qui est réellementbeau et vrai est beau et vrai partout; que ce qui est dramatique dans un roman sera dramatique sur la scène;que ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe; qu'enfin et toujours la seule distinctionvéritable dans les œuvres de l'esprit est celle du bon et du mauvais. La pensée est une terre vierge et fécondedont les productions veulent croître librement, et, pour ainsi dire, au hasard, sans se classer, sans s'aligner enplates-bandes <strong>comme</strong> les bouquets dans un jardin classique de Le Nôtre, ou <strong>comme</strong> les fleurs du langage dansun traité de rhétorique. »

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