P<strong>la</strong>ce aux questionsComment traiter et prévenirl’ostéonécrose de <strong>la</strong> mâchoireassociée aux biphosphonates ?<strong>Les</strong> biphosphonates sont indiqués dans le traitement et <strong>la</strong> prévention de l’ostéoporose, dans le traitement de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die de Paget et del’hypercalcémie associée à certains cancers tels que les myélomes multiples, ainsi que pour sou<strong>la</strong>ger les douleurs liées aux métastasesosseuses. Depuis quelques années, nous avons vu plusieurs rapports de cas d’ostéonécrose de <strong>la</strong> mâchoire (mort osseuse décou<strong>la</strong>ntd’une innervation sanguine insuffisante) qui découlent de leur activité inhibitrice sur les ostéoc<strong>la</strong>stes 1,2 . Même si son incidence demeurefaible et qu’elle est plus souvent associée aux formu<strong>la</strong>tions intraveineuses utilisées en oncologie, il y a lieu de se questionner sur notrerôle comme pharmaciens dans <strong>la</strong> prévention et le traitement de cette complication 1 .Texte rédigé par Joanie Vivier-Trépanier,étudiante en pharmacie, 4 e année.Révision : Elyse Desmeules, B. Pharm.,et Geneviève Duperron, B. Pharm.Texte original soumis le 21 janvier 2009.Texte final remis le 2 février 2009.IncidenceL’incidence de ce problème dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiongénérale est difficile à déterminer. Toutefois,celle-ci semble être re<strong>la</strong>tivement faible,bien qu’elle s’accentue d’année enannée 1 . <strong>Les</strong> médicaments les plus souventassociés à l’ostéonécrose sont, par ordred’importance, le zolédronate, le pamidronate,l’alendronate et le risédronate 1 . Unerevue de <strong>la</strong> documentation médicale publiéepar Shane en mai 2006 affirmait que moinsde 5 % <strong>des</strong> cas d’ostéonécrose de <strong>la</strong> mâchoireTableau ITraitements de l’ostéonécrose de <strong>la</strong> mâchoire associéeaux biphosphonatesTraitementsCommentairesA) Chirurgie et débridement réservé aux cas réfractaires, si encoresymptomatique même après un traitementà long terme aux antibiotiques. risque d’exposition de l’os, peut aggraverles symptômes.B) Antibiotiques :1. Pénicilline V 500 mg* po qid 1 er choix 4-62. Doxycycline 100 mg die 2 e ligne. Alternative si allergie aux pénicillines 43. Azithromycine 250 mg die 2 e ligne. Alternative si allergie aux pénicillines 44. Pénicilline V 500 mg* po qid ou amoxi- Cas réfractaires ou plus symptomatiques 4-6cilline/acide c<strong>la</strong>vu<strong>la</strong>nique 1 g po q 12 h+ Métronidazole 500 mg po tid5. Ciprofloxacine 500 mg po bid Alternative si allergie aux pénicillinesou érythromycine 400 mg* po tid et/ou cas réfractaires 4-6+ métronidazole 500 mg po tid6. Clindamycine non recommandé en raison de <strong>la</strong> faibleet même quasi -absence d’activité contreles microorganismes impliqués 4C) Rince-bouche à base de Adjuvant au traitement antibiotiquechlorhexidine 0,12 % tid-qidD) Oxygénothérapie hyperbare efficacité très limitée 3* Doses proposées dans <strong>la</strong> documentation médicale américaine, formu<strong>la</strong>tions non disponibles au Québecétaient liés aux biphosphonates par voieorale 1 .Symptômes<strong>Les</strong> symptômes vont du simple inconfort àune douleur intense à <strong>la</strong> mâchoire. La douleurserait davantage liée à l’infection quipourrait apparaître au site plutôt qu’à l’expositionosseuse elle-même 4 . En effet, <strong>la</strong>mort <strong>des</strong> tissus environnants implique <strong>la</strong>disparition de l’innervation à cet endroit,d’où l’absence de sensation de douleur. Unedifficulté à avaler et à se brosser les dentspourrait également survenir. Dans de rarescas, une paresthésie pourrait se manifesterau niveau de <strong>la</strong> mâchoire al<strong>la</strong>nt mêmejusqu’à défigurer le patient 1 . Dans ces casgraves, on a également rapporté une pertepondérale et un état de dénutrition.Hypothèses de développementLe mécanisme de développement de l’ostéonécrosen’est pas très bien élucidé. L’hypothèse<strong>la</strong> plus fréquemment émise est <strong>la</strong>suivante : <strong>la</strong> diminution du remaniementosseux causée par les biphosphonates amèneraitun ralentissement <strong>des</strong> mécanismes deréparation de l’os occasionnant <strong>la</strong> formationde microlésions et, éventuellement, delésions plus importantes pouvant aller jusqu’à<strong>la</strong> nécrose de l’os. De plus, l’action antiangiogénique<strong>des</strong> biphosphonates contribueraità l’effet ischémique déjà présent auxendroits endommagés. Enfin, le fait de manger,de mastiquer et/ou de grincer <strong>des</strong> dentsamènerait un remode<strong>la</strong>ge osseux plus rapideau niveau de <strong>la</strong> mâchoire par rapport àd’autres os du corps 1,2 .Facteurs de risqueL’analyse <strong>des</strong> différents cas a permis de décelerplusieurs facteurs de risque associés à cetype d’ostéonécrose : l’inf<strong>la</strong>mmation et l’ir-12 Québec Pharmacie vol. 56 n° 5 septembre 2009
Comment traiter et prévenir l’ostéonécrose de <strong>la</strong> mâchoire associée aux biphosphonates ?<strong>Les</strong> médicaments les plus souvent associés à l’ostéonécrose sont, par ordred’importance, le zolédronate, le pamidronate, l’alendronate et lerisédronate 1 .ritation de <strong>la</strong> muqueuse (p. ex., prothèsesdentaires mal ajustées), certaines ma<strong>la</strong>dies(cancer, diabète, anémie, problèmes de coagu<strong>la</strong>tionet ma<strong>la</strong>dies vascu<strong>la</strong>ires périphériques),certains médicaments (chimiothérapie,corticostéroï<strong>des</strong>), les interventionsdentaires effractives (chirurgie, extraction),les problèmes dentaires préexistants, le typede biphosphonates (dose, durée de traitement,voie d’administration), l’alcool et <strong>la</strong>cigarette. Selon les différentes référencesconsultées, dans près de 50 % <strong>des</strong> cas, l’ostéonécrosesurvenait à <strong>la</strong> suite <strong>des</strong> interventionsdentaires effractives, raison pour<strong>la</strong>quelle l’Academy of Oral medicine recommandede cesser <strong>la</strong> prise de biphosphonatesun mois avant une telle intervention. D’unautre côté, cette pratique reste encorecontroversée puisque <strong>la</strong> portée de cetteintervention n’est pas réellement connue etque <strong>la</strong> demi-vie osseuse de cette c<strong>la</strong>sse demédicaments est au-delà de 10 ans 3 .TraitementsPrésentement, il n’existe pas de lignes directricesdans <strong>la</strong> documentation médicale surRéférences1. Gomez-Front R, Martinez-Garcia ML, Olmos-MartinezJM. Osteochemonecrosis of the Jaws due toBisphophonate Treatments. Update. Medecina Oral,Patologìa Oral y Cirugìa Bucal 2008; Mai 1; 13 (5) :E318-24.2. Bernal M, Blumentals WA, Kothawa<strong>la</strong> P et coll.A Review of the Litterature on osteonecrosis of thejaw in Patients with Osteoporosis Treated with OralBiphosphonates : Prevalence, Risk Factors, and ClinicalCharacteristics. Clinical Therapeutics 2007; 29(8) : 1548-58.les traitements de cette complication. C’estpourquoi les traitements suggérés (tableau I)découlent d’étu<strong>des</strong> de cas. La thérapie vise àdiminuer <strong>la</strong> douleur et à prévenir <strong>la</strong> progressionde <strong>la</strong> nécrose. La durée du traitementantibiotique varie selon les référencesconsultées. Certains auteurs recommandentun traitement de 14 jours ou jusqu’à <strong>la</strong> maîtrisede <strong>la</strong> douleur 3,4 . D’autres préconisentun traitement à long terme, et même permanentdans certains cas réfractaires 3 . Toutefois,il faut se rappeler qu’un traitementantibiotique à vie peut entraîner <strong>des</strong> problèmesde résistance. De plus, Marx et coll.recommandent de cesser le biphosphonatependant six à neuf mois afin de permettreune meilleure guérison <strong>des</strong> tissus, puisque,de cette façon, l’effet antiangiogénique <strong>des</strong>biphosphonates est abolie 4 .PréventionLa prévention demeure <strong>la</strong> meilleure option.C’est ainsi que notre rôle en tant que pharmacienentre en jeu. Nous devons encouragerune bonne hygiène dentaire auprès denos patients prenant <strong>des</strong> biphosphonates et3. Krueger CD, Lodolce AE, Pickard AS et coll. Bisphosphonate-InducedOsteonecrosis of the Jaw.The Annals of Pharmacotherapy. Fév 2007; 41 :276-84.4. Cillo Jr JE, Marx RE, Ulloa JJ. Oral Bisphosphonate-Induced Osteonecrosis: Risk Factors, Prediction ofRisk Using Serum CTX Testing, Prevention, andTreatment. Journal of Oral Maxillofacial Surgery2007; 65 : 2397-2410.5. Bartolomeo-Gissi D, Felicetti L, Marchetti C etcoll. Biphosphonate-associated osteonecrosis canbe controlled by nonsurgical management. Oralles inciter à consulter leur dentiste tous lessix mois afin de déceler toute anomalie. <strong>Les</strong>interventions dentaires effractives devraientêtre évitées si le traitement par les biphosphonatesa débuté depuis plus de troismois 1 . Idéalement, une évaluation de <strong>la</strong>santé buccale du patient devrait être faite aumoins un mois avant de commencer untraitement afin d’enrayer toute possibilitéd’infection et de procéder à <strong>des</strong> extractionsdentaires s’il y a lieu 6 .ConclusionL’ostéonécrose de <strong>la</strong> mâchoire est surtoutassociée aux biphosphonates intraveineux.Pour l’instant, son incidence demeure faible,mais sachant que les interventions dentaireseffractives telles que les extractions dentairessemblent être un facteur précipitant, <strong>la</strong> vigi<strong>la</strong>nces’impose. De plus, il ne faut pas oublierde prendre en considération l’ensemble <strong>des</strong>facteurs de risque d’un patient. En attendant<strong>des</strong> traitements plus prometteurs, il fautmiser sur <strong>la</strong> prévention et l’information. Lerôle du pharmacien devient donc primordialdans cette optique. nSurgery, Oral Medecine, Oral Pathology, Oral Radiologyand Endodontics 2007; 104 : 473-7.6. Broumand V, Fortin M, Marx RE, Sawatari Y.Biphosphonate-Induced Exposed Bone (osteonecrosis/Osteopetrosis)of the Jaws : Risk Factors,Recognition, Prevention and Treatment. Journal ofOral Maxillofacial Surgery 2005; 63 : 1567-75.7. Cardoso ES, Cardoso AS, Correa MEP et coll. Ora<strong>la</strong>vascu<strong>la</strong>r bone necrosis associated with chemotherapyand biphosphonate therapy. Oral Diseases2005; 11; 365-69.Question de formation continue2) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ?A. La douleur liée à <strong>la</strong> nécrose osseuse de <strong>la</strong> mâchoire estun symptôme important de cette complication et seraitassociée fréquemment à une infection.B. <strong>Les</strong> médicaments souvent impliqués dans l’ostéonécrosesont, par ordre d’importance, le zolédronate, le pamidronate,l’alendronate et l’étidronate.C. Le mécanisme hypothétique du développement de ceproblème comporte principalement deux volets :le ralentissement du processus de réparation de l’os etl’action antiangiogénique <strong>des</strong> biphosphonates.D. La ciprofloxacine 500 mg po bid associée au métronidazole500 mg po tid constitue un <strong>des</strong> traitements de l’ostéonécrosechez les patients réfractaires à <strong>la</strong> pénicilline.E. Toutes ces réponses sont fausses.Veuillez reporter votre réponse dans le formu<strong>la</strong>ire de <strong>la</strong> page 90 www.monportailpharmacie.caseptembre 2009 vol. 56 n° 5 Québec Pharmacie 13