L’Ecole institutionnaliste – dont Schumpeter se rapprochera lors de son exil àHarvard- comprend notamment les auteurs suivants : Veblen, John- Maurice Clark(fils de John- Bates Clark), Commons, Mitchell, Galbraith .Au cours de ces dernières décennies , se sont développés plusieurs courantsse présentant comme héritiers de l’institutionnalisme. L’auteur le plus connu estOliver Williamson (« The economic Institutions of Capitalism » traduit –mal – enfrançais, mais avec une préface habile de Ghertman), qui fonde son analyse sur lescoûts de transaction. On y reviendra. L’autre courant s’intitule la NEI (NouvelleEconomie Institutionnelle). En caricaturant, on pourrait dire que ces courants« modernes » tentent de réintégrer les institutions dans une analyse néo-classique ,fortement positiviste, du fonctionnement des échanges , sans que les coûts detransaction aient pu supplanter le système walrasien de prix relatifs.3°) Le courant empiriste anglaisEn ce qui concerne plus précisément l’analyse économique néo-classique, onn’aurait garde d’oublier que ce qu’il est convenu d’appeler l’ « orthodoxiemarshallienne » - soit la théorie microéconomique de l’équilibre marginaliste- s’inscritdans la tradition empiriste anglaise. Alfred Marshall a d’abord écrit, avec sonépouse, un ouvrage d’ « économie industrielle » -en fait, de géographie industrielle. Ils’efforce d’introduire , dans ce qu’il appelle le « squelette » de la théoriemicroéconomique positiviste , la « chair » des phénomènes et des problèmessociaux .Par exemple, il introduit le territoire dans l’analyse , en décrivant lesexternalités propres au district industriel(de la laine, du coton, de la coutellerie, etc.).De même, il introduit l’entrepreneur pour expliquer le cycle de vie de l’entreprise.Dans la huitième édition des Principles en 1923 , il modifie son raisonnement sur lataille optimale, pour tenir compte de l’observation de la croissance des groupesindustriels. 49Ainsi , l’on retrouve les divergences de représentation du Monde, évoquéesplus haut, entre une vision « théosophique » , fondée sur la conception d’un Mondeharmonieux (l’équilibre optimal) , et la vision « philosophique » d’un Mondechaotique, en mouvement perpétuel, en déséquilibre permanent .L’Ecole deCambridge adhèrera au principe holiste « marxien » (selon l’expression de Mrs JoanRobinson) de tendance à la concentration (« la concurrence tue la concurrence) et,avec Keynes , de possibilité d’un équilibre stable de sous-emploi ( nécessitant lerecours à un Etat qu’on pourrait qualifier d’ « hégélien ». 50Oxford n’a pas seulement exprimé sa différence avec Cambridge que dans lescourses d’aviron .La tradition oxfordienne est fondée délibérément sur un empirismeempreint de pragmatisme.49 Cf. notre contribution dans la Revue Française de Gestion (« Les PME existent-elles ? ») n° 116, 199750 Dans une lettre souvent citée , Marshall exprime à John- Bates Clark son opposition à la théorie « pure » ,hypothético-déductive , positiviste , statique, « irréaliste », qui fonde encore l’Ecole de Chicago (et lui assuretant de prix Nobel…) .C’est comme si, dit-il , on enseignait la navigation à voile « sur une mer tranquille avec unvent nul ».26
Ainsi, lors d’une célèbre enquête menée auprès de chefs d’entreprise à la findes années 30 , l’équipe d’Andrews, Brunner et Saxton observe qu’en réalité , lesentrepreneurs ne raisonnent pas à la marge , puisque le coût comptabilisé (le CRUCcoûtde revient unitaire complet) est estimé constant. L’observation d’une« pratique »(praxis) 51 déclenchera une « querelle du marginalisme » , fondatrice d’uncourant d’Economie d’Entreprise (en liaison avec l’Ecole Allemande de Gutenberg etAlbach) et le courant de « Managerial Economics » ( initié par Joel Dean aux Etats-Unis).§ 3 L’ère de la TechnoscienceL’activité scientifique , au cours du vingtième siècle , est désormais envisagéecomme une filière de production de savoirs, qui part de l’amont- la recherchefondamentale- jusqu’à l’aval –le développement de produits et de process innovants.Désormais le chercheur est un agent productif , soumis à des contraintes derésultat. Il est inséré dans un réseau de conventions qui guident son activitéproductive. Ce faisant, le sens de celle-ci peut lui échapper .La fin du siècle marqueun recul de la légitimité accordée jusque là à l’institution scientifique.A) La « révolution managériale » de la scienceLe capitalisme industriel du vingtième siècle est managérial, commel’avaient annoncé , et Veblen 52 ,et Weber (qui idéalise le type de labureaucratie).Désormais , la figure du chercheur , travaillant dans un laboratoirepublic ou privé, sur des projets planifiés, remplace celle du savant, isolé dans soncabinet ,engagé dans un projet singulier. 53On peut alors parler d’une inversion de la filière .Dans la conception scientiste,la teoria repose sur un logos , un « discours » cohérent ( lien entre la Raison Pure etla Raison pratique). Cette création , invention (poiesis) va susciter des techniques(tecné) nouvelles , sur la base de principes théoriques 54 , modifiant les pratiquesindustrielles (praxis).Dans la conception industrielle de la recherche , le programme s’interprètecomme un processus planifié de résolution d’un problème pratique 55 , destiné àdévelopper des produits répondant à une demande expresse ou latente ; cedéveloppement nécessite une innovation 56 , impliquant , pour qu’il y ait transfert, ledéveloppement de technologies nouvelles , issues de la recherche fondamentale.L’ensemble constitué par ce système , dans lequel s’exerce la division dutravail 57 , constitue la technoscience. Son étude relève du courant sociologiqueévoqué au début de cet essai. Il en résulte diverses conséquences , qui rendent, ànotre sens , largement obsolètes les travaux « classiques » en épistémologie .51 Andrews précise bien qu’il s’agit d’une pratique, sans qu’il en tire la conclusion qu’elle est « rationnelle ».52 Dans « L’Ere des Ingénieurs » et « The Theory of Business Enterprise »53 On a montré que des personnages , comme Pasteur , ou Edison, avaient préfiguré cette nouvelle conception« entrepreneuriale » de la Science, en créant de puissantes organisations (Institut Pasteur , General Electric)54 Parfois avec retard : le principe de la pile électrique, découvert par Volta sous Bonaparte , ne sera renduopérationnel qu’en fin de siècle.55 Cf. L’exemple cité supra , de la mise au point de la puce pour alléger les vaisseaux spatiaux.56 Au sens le plus large , selon la classification dite « de Frascati ».57 Ainsi, l’activité d’invention est souvent dévolue à de petites entreprises innovantes , vivier dans lequel lesgrands groupes développeurs « feront leur marché ».27
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