5°) Cette question du « réalisme » , dont on a vu qu’elle était liée à l’exigencede réductionnisme, ne cesse de susciter bien des débats , souvent houleux etpassionnés –ne serait-ce qu’au travers de la question cruciale de ce qu’il fautenseigner en économie. Les arguments en présence sont assez évidents :-D ’un côté , « des » économistes prônent une rigueur analytique , pour queleur discipline acquière une réputation d’exigence logique, en tous points comparableà celle des disciplines « scientifiques ». L’initiation à l’analyse économique impliqueun apprentissage de la rigueur dans le maniement des concepts –une sorte de« méthode rose », de gammes préalables à des exercices plus sophistiqués. 86-De l’autre, « des » économistes prônent une observation concrète desphénomènes , un apprentissage de la vie économique , avant de rentrer dans une« généralisation empirique » et a fortiori dans l’ « abstraction géométrique » 87Ce dilemme ne laisse pas indifférents les « gestionnaires » , car ils ontconfrontés aux mêmes exigences paradoxales, avec peut-être encore davantaged’ « écartèlement » entre la rigueur du raisonnement analytique et la conformité auxphénomènes observés , entre un objectif axiologique et une vocation praxéologique(d’action sur les pratiques).B) L’alternative induction - déductionLa philosophie des sciences , telle qu’elle s’est établie à la fin du XIX° siècle, aporté le débat sur le terrain des méthodes .A chacune d’entre elles, sont attachésdes outils qui leurs sont propres.L’économie , et a fortiori la gestion, sont des disciplines « excentrées », malreconnues par les disciplines dominantes : celles-ci les ignorent (« ce n’est passcientifique ») , d’autres en font une sorte d’annexe , soit des mathématiques (parexemple pour ce qui concerne la théorie financière, ou les théories de la décision),soit de la sociologie ( par exemple, pour l’étude du comportement des, et dans lesorganisations). C’est pourquoi les questions de méthode, susceptibles de conférerune légitimité si contestée , sont considérées comme cruciales : on rappellera la« Querelle de Méthodes » qui avait fait rage à Vienne vers la fin du dix-neuvièmesiècle, suivie de surcroît par les débats , élargis aux disciplines en émergence, duCercle de Vienne.1°) Induction OU déduction ?Pour faire bref, deux grandes méthodes s’opposent dans l’absolu : ce quenous appellerons l’ « hyper- déductivisme » et l’ « ultra -empirisme » ; mais , à l’instarde la démocratie , jugée comme « le pire des régimes , à l’exception des autres » parChurchill, les méthodes intermédiaires ont fait florès.a)L’hégémonie du raisonnement déductif trouve sa concrétisation dans laméthode hypothético-déductive.86 Mais beaucoup d’apprentis économistes ne souhaitent pas aller au-delà de la méthode rose..87 C’est au demeurant une méthode alternative d’initiation au piano …prônée par maints pédagogues.44
Le recours à celle-ci implique que la vérification empirique ne fait pas partie dutravail de recherche, lequel reste cantonné à un pur raisonnement logicomathématique.Les outils sont donc ceux du discours, de la rhétorique, et du calcul,de la mathématique. L’objectif est de démontrer l’existence de relations causales (ausens, donc, de Leibniz) entre deux variables , ou une séquence de variables ,s’inscrivant dans un contexte de déterminisme.La méthode vise à un résultat prédictif , c’est-à-dire qui découle logiquementet nécessairement des prémisses :on ne saurait arriver à un résultat différent,compte -tenu des assertions de départ. De tels modèles abondent , notamment dansles enseignements d’initiation à l’analyse économique : ils contribuent à former unmode de raisonnement axé sur la logique des choix, en délivrant une axiomatiquerigoureuse. Par la suite , le chercheur, ainsi formé, sera en mesure de développer lesconséquences et les prolongements de cette axiomatique .L’exemple- type est celui des prolongements du modèle de concurrence pureet parfaite. On songera également aux « raffinements » des modèles de duopole ,depuis le modèle fondateur de Cournot, développé par Bertrand, Edgeworth , revisitépar le fameux théorème de Nash ,etc.b) La méthode empirique repose sur l’observation et le classement desphénomènes , afin de déceler des « relations constantes » , conformément à la thèsede Hume.Il convient de répéter à satiété les observations, de telle sorte que les relationsapparaissent suffisamment fiables. Les outils sont avant tout constitués d’instrumentsde « cueillette » (comme disent les Québécois) , de collecte d’informations , enprincipe de première main, et de traitement statistique de cette information , sachantque la relation est par nature seulement probable . Le résultat visé est prévisionnel :si tel phénomène se produit , on peut prévoir (et non « prédire » logiquement) que telautre le suivra , qu’il en est la « cause probable ».Par exemple, si j’observe systématiquement le marché d’un produit , et si jeconstate de façon suffisamment constante , sur la base d’un échantillonsuffisamment important et représentatif des produits, des producteurs, desconsommateurs, etc. , que, à chaque fois que le prix du produit baisse , les achatsaugmentent , ou que, à chaque fois que la publicité augmente , les ventesaugmentent, j’en induis que la baisse du prix, ou l’augmentation de la publicité , estla cause de l’augmentation des ventes, et je peux donc agir en conséquence.c) On voit immédiatement les problèmes, voire les limites des deux méthodes :La méthode hypothético- déductive débouche sur un résultat irréfutable 88 .Celui-ci, en effet, découle strictement des hypothèses posées au départ de ladémonstration , il est donc logiquement prédictif (et non pratiquement prévisionnel).88 Jacob (cité supra) raconte que, lorsque Popper s’eut fait expliquer par Friedrich Hayek ,qu’il considéraitcomme « libéral » (mais au sens politique de la « Société Ouverte »), lors de leur exil commun à Londres , laméthodologie néoclassique , il fut « effaré » , et refusa , dès lors, de considérer l’économie comme une disciplinescientifique.45
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