Le recours à de telles sources entraîne un autre risque : celui de l’absenced’informations sur les données qui entrent mal dans les classifications officielles .Lesnon recensements « classiques » sont : l’économie souterraine, le travail familial , lestoutes petites ou microentreprises , les services, et… les grands groupes (puisqu’ilsn’ont pas d’existence juridique !). 97Le troisième risque est lié à la manipulation des informations ainsi collectées.L’exemple caricatural est celui des données macroéconomiques des Payssocialistes, qui ont pu tromper en leur temps jusqu’à la CIA .Mais les entreprises capitalistes ne sont pas en reste, comme le montrent lesaffaires récentes (Enron, Vivendi ,etc.). Sans même aller contre la loi (sinon lamorale) , les entreprises manipulent leurs comptes .Les pratiques comptables lesplus courantes sont : les cessions entre unités du groupe, les modes deconsolidation, le « hedging » (placement de capitaux hors France) , les provisions etreports . Quant aux petites entreprises, la pratique du forfait rend les donnéesofficielles plus que contestables… En conséquence, les recherches menées enéconomie et stratégie industrielles selon cette méthodologie restent sujettes àcaution.En d’autres termes , ces recherches que nous avons qualifiéesd’ « herméneutiques » devraient être systématiquement complétées par desobservations de terrain, éventuellement sur la base d’échantillons 98 . Ainsi, l’INSEE aentrepris de mieux connaître les petites entreprises (du moins celles qui sontrecensées …) en procédant de la sorte , tout en augmentant la taille de cetéchantillon. Plus avant ,des équipes de recherche se donnent pour tâche de recueillirdes informations de terrain, afin de compléter ou d’enrichir les données officielles. 99d) Les méthodologies d’enquêtes constituent notre seconde méthode mixte.On a à ce sujet coutume de distinguer les méthodes indirectes et directes. Ici,les outils de production et de traitement d’informations jouent un rôle prédominant ,au point que, parfois , le lecteur de ces travaux (notamment les thèses) a lesentiment que le chercheur s’est surtout complu à jongler avec les instruments dont il97 Une anecdote personnelle à ce sujet :lorsque, en 1976 , nous avons entrepris une recherche sur la dépendancedes PME à l’égard des groupes industriels et de distribution ,des « experts » du Ministère de l’Economie del’époque nous ont refusé un financement, en arguant du fait que nous ne pouvions travailler sur les groupes, …puisqu’ils n’étaient pas recensés par l’INSEE !.A l’époque, donc, BSN , la CGE, Thomson-Houston , Saint-Gobain-Pont-à-Mousson , etc., étaient censés ne pas exister …Il est vrai que le débat de politique économiquecommençait à aborder les questions de politique industrielle – et notamment de nationalisation « de-ces-groupesqui-n’existaient-pas». Le « retour de l’Etat » (les « béquilles du capital », comme l’avait appelé Anicet Le Pors)chez Alstom , et les débats qui en ont découlé, révèlent que la question est toujours sensible…Ceci étant dit, iln’y a toujours pas de définition juridique du groupe…98 Au minimum, nous suggérons dans les thèses de montrer les résultats à un ou plusieurs acteurs concernés , afinqu’ils commentent les résultats .Il n’est pas rare qu’ils fassent apparaître des biais ou des « auto-confirmations »(« Forcément que vous êtes arrivé à ce résultat, puisque vous avez défini comme ça, ou que vous avez oublié leplus important, à savoir… »)99 On citera l’antenne du CERQ (Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications) domiciliée àMontpellier 3. Mais , par exemple, le CERC ( Centre d’Etudes et de Recherches sur les Coûts) , organismed’études interministériel d’enquêtes sur l’évolution des coûts dans les entreprises , a été supprimé , car jugé unpeu trop « dérangeant » par rapport aux données officielle (notamment de remarquables études sur les transfertsde surplus de productivité)50
dispose , alors que les hypothèses et, surtout, les résultats, restent minces… Onglisse alors de débats épistémologiques (le pourquoi ) vers des problèmes deméthodologie (le comment ).e)Les méthodes indirectes sont très répandues .Elles consistent pour l’essentiel par l’envoi de questionnaires 100 .On nereviendra pas sur les problèmes « techniques » , sauf pour en cerner les écueilsauxquels bien des jeunes chercheurs risquent de se heurter .Ainsi , on ne saurait tirer du questionnaire des hypothèses .Celles-ci sontpréalables à la conception des items , chacun d’entre eux devant contribuer à établirle sens des relations supposées dans la « thèse » soutenue .Toutefois , les réponses obtenues lors d’une enquête exploratoire , sipossible en face-à-face , permettent de réorienter les hypothèses .Il en va toutparticulièrement ainsi en ce qui concerne les définitions, les concepts ou les motsutilisés . On se heurte en effet à des obstacles sémantiques : il n’est pas certain queles mots aient le même sens pour tous les destinataires.Dans cet ordre d’idées , le risque est d’autant plus grand qu’il est fait recoursaux opinions .Ainsi , demander à un chef d’entreprise : « Estimez-vous que votre affaire esten expansion, ou est saine ? » induit des biais cognitifs importants .Or , nombre depublications reposent sur de telles propositions.En d’autres termes, beaucoup de réponses sont fondées sur lesreprésentations du répondant 101 . Or, il est fréquent que le chercheur les prennepour argent comptant , et les considère comme des données objectives. 102Un autre problème « colle » à la méthode : les non- réponses 103 .Par exemple, une enquête sur les mobiles à l’exportation , ou sur l’innovationpâtira d’un nombre de non-réponses important. Le traitement des seules réponsesreçues entraîne un biais. Les « non- répondants » auraient sans doute beaucoup dechoses à dire .Une relance , mais, surtout, un contact direct avec ces derniers ,s’avère des plus utile.Pour pallier ces difficultés , l’élaboration d’un protocole strict s’avère cruciale.En particulier , les concepts mobilisés doivent être définis de façon non ambiguë ,puis « opérationalisés » sous forme de critères factuels ou quantitatifs , afin deréduire les biais dans les réponses, et favoriser les comparaisons .100 Les chercheurs ont recours de façon croissante aux envois par Internet .Sur ce sujet , voir la thèse et lestravaux de Gaël Gueguen , maître de conférences de gestion à Montpellier 3.101 De surcroît, le répondant n’est pas nécessairement la personne visée (les secrétaires , ou les adjoints sechargent de répondre aux nombreux questionnaires envoyés par les Administrations)102 Au demeurant , on est tenté de dire « combien de chercheurs en gestion qui n’ont jamais vu une entreprise deleur vie ! » Cette lacune apparaît très clairement lorsqu’ils doivent traiter des cas de stratégie …Ce qui soulignel’intérêt de la méthode des cas …103 En Amérique du Nord , le taux de réponse est nettement plus élevé. La raison majeure, nous semble-t-il , estque les Nord-Américains sont habitués dès la plus tendre enfance à être évalués sur la base de tests ou de QCM.Ilen résulte également que cette méthode, qu’ils ont subie, est plus familière aux chercheurs .En France, répétonsle,le réflexe est plutôt de méfiance … ou de « ras-le-bol »51
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