On a déjà évoqué les travaux autour des théories de la décision, qui font appelà des équipes pluridisciplinaires de façon croissante . Ce développement parcomplexité croissante est encore plus nette pour les champs d’observation« finalisés » ( secteurs de l’énergie, de la santé , du sport, du divertissement, de lacommunication ,etc.) .En particulier , nombre de projets de recherche nécessitentune collaboration entre « économistes » et « gestionnaires » -par exemple sur lagouvernance des groupes industriels et financiers, sur les stratégies industrielles 64§ 2) Théories et modèlesAu sein du paradigme , les différents courants produisent des théories et desmodèles.1°) Les théories se présentent comme des conjectures.Popper nous dit qu’elles doivent être :- Audacieuses : entendons, originales, novatrices, créatives , allant àl’encontre des idées reçues apportant une contribution positive auparadigme , en le confortant ou en le diversifiant, ou bien encore enl’enrichissant, voire en le connectant à d’autres théories ou paradigmes,etc.- Réfutables : entendons , discutables, reposant sur une argumentationcohérente et logique , sur des concepts transmissibles et pouvant êtreinterprétés, conceptuellement et/ou empiriquement, par d’autres locuteurs.Bien entendu , les théories produites ne présentent pas toutes un tel degré deperfection conjecturale : il s’agit là d’une base essentielle d’évaluation de leur rigueurscientifique , mais aussi de leur intérêt (une théorie rigoureuse ne présente pasnécessairement un grand intérêt , du moins dans toutes ses composantesstructurelles, qui seront examinées infra ).2°) Les modèles constituent à notre sens une explicitation et undéveloppement de la théorie sur ses divers aspects.Les modèles sont généralement produits dans le cadre d’un programme derecherche, donnant lieu à la publication d’un rapport, d’articles dans les revuesscientifiques, puis de « traductions » (au sens donné à ce mot supra ) en directiond’experts , d’étudiants (manuels) ,de praticiens (revues d’affaires) voire du grandpublic ( news , quotidiens).Prenons l’exemple d’un auteur , alternativement classé comme « économisteindustriel » ou « spécialiste de management stratégique » , que nous avons présentédans la Revue Française de Gestion : Michael Porter . Etudiant à Harvard , ildéveloppe , dans le cadre du paradigme industriel SCP 65 , une théorie nouvelle surles stratégies concurrentielles, dans sa thèse , inspirée des recherches de RichardCaves , lui-même influencé par l’institutionalisme. A la suite de sa soutenance, ilpublie dans les meilleures revues scientifiques américaines les résultats de ses64 Ainsi, le Strategic Management Journal publie des travaux qui relèvent autant du management stratégique quede l’analyse économique .On peut regretter que la Revue d’Economie Industrielle (dont nous avons été l’un desfondateurs en 1977) n’ait pas suivi, pour diverses raisons, cette voie …65Sur SCP , cf. notre Economica- Poche « Stratégie et Economie industrielles » (Economica, 49 F) , encollaboration avec P-A Julien.32
echerches, en s’éloignant progressivement de Caves 66 . Il restructure , au fil de sesarticles , sa théorie , pour développer finalement un modèle dit « des forcesconcurrentielles » qui fera le tour du Monde .Il publie , une fois nommé (aprèsplusieurs tentatives infructueuses, car non spécialiste de « gestion ») professeur 67 auDépartement de Stratégie de Harvard, un manuel, destiné en fait à des« professionnels » , mais qui sera lu par tous les étudiants (et enseignants) destratégie dans le Monde (on ne compte plus les traductions)., ainsi que des articlesdans la Harvard Business Review (revue de « traduction » vers les milieux dumanagement) .Toutefois, sa théorie , peu formalisée,s’avère hautement réfutable (etréfutée) .Porter développe alors une autre théorie (en changeant ses hypothèses,passant de la compétence- clé à la compétence distinctive) et propose un modèle desubstitution dit de « chaîne de valeur » , qu’il va dès lors appliquer à diversproblèmes stratégiques, et qui sera un « must » au début des années 90. Porter estl’auteur le plus cité au Monde dans les travaux en stratégie.Au fil des controverses qui ont alimenté la parution des travaux de Porter (quibénéficiait du réseau et du prestige de Harvard) , de nouvelles théories sontapparues , réfutant les hypothèses et les conclusions portériennes .La plus connueest la « Resource Based View », initiée par un article de Barney , laquelle fera à sontour l’objet de réfutations , autour de la notion de « core competencies ». la « jonctionsera par la suite opérée avec des théories issues de paradigmes différents,notamment le paradigme évolutionniste (Teece, Nelson, Winter) , conduisant à lathéorie dite des « capacités dynamiques » 68 ( capabilities)SECTION 2 LES STRUCTURES DES THEORIES: vis, amor, impetus 69Dans la conception scientiste, positiviste, de la construction d’une théorie,celle-ci est cantonnée à la procédure de formalisation « objective » , comprenant lesétapes suivantes : formulation de la ou des hypothèses ; établissement du protocolede vérification ; vérification, soit sous forme de démonstration logico-mathématique ,soit sous forme de test empirique ; constatation du degré de confirmation del’hypothèse ; évocation des conséquences , des points de vue théorique et pratique.Cette conception a subi de nombreuses critiques au cours du siècle dernier,qui ne sont pas sans évoquer celles qui ont été formulées à l’encontre de la théoriede la prise de décision « rationnelle »-La démarche est linéaire , partant de l’hypothèse pour déboucher sur lesconclusions .En réalité, la démarche de recherche n’est pas holistique ( ce qui66 On voit bien que l’apport est issu d’un « clonage » entre l’économie industrielle néo-classique (théorie desbarrières à l’entrée) et le management .Ainsi, la notion de « groupe stratégique » est directement inspirée de lanotion de segmentation stratégique.67 Son admission un peu forcée constitue un bon cas d’histoire des sciences. Au cours des années 70, leGouvernement américain s’inquiète de la perte de compétitivité des entreprises américaines .Les « experts »l’imputent à la faiblesse de la formation en stratégie , trop pragmatique, axée sur la méthode des cas de Harvard.Ils souhaitent que l’on donne une plus grande « scientificité » à cet enseignement, en y intégrant notamment lesoutils et modèles dérivés de l’économie industrielle .D’où le recrutement d’un chercheur de cette discipline –dont beaucoup , notamment Mintzberg, persistent à penser que ce n’est pas un « gestionnaire ».68 Cf. notre ouvrage sur l’approche ressources- compétences, paru aux Editions de l’ADREG , disponible surInternet. On peut d’ailleurs se demander si l’évolutionnisme constitue un paradigme, ou n’est qu’une théorie. Demême , la « dépendance de sentier technologique », notion- clé de l’ »approche » évolutionniste est-elle unehypothèse à vérifier , une théorie complète (incluant la vérification), ou un modèle ?69 En latin : force , amour, élan .Il ne s’agit évidemment que d’un artifice mnémotechnique tout personnel !33
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