Le chercheur vise des fins personnelles – ne serait-ce que sa carrièreprofessionnelle . Il tente de réaliser ses aspirations les plus profondes- ousuperficielles – au travers de cette profession , souvent mythifiée en « vocation ». Lechoix de ses thèmes de prédilection – notamment dans les Sciences de l’Homme etde la Société, peut être guidé par des intérêts, des goûts personnels , innés ouacquis 74 L’un des avantages supposés du chercheur est la liberté et l’autonomiedans la gestion de son temps – ce qui est moins vrai dans les sciences delaboratoire, soumises à des contraintes bureaucratiques – et la liberté d’opinion –cequi est encore plus discutable.Par ailleurs, les recherches s’inscrivent à l’évidence dans une stratégie decarrière .Certains sujets sont moins « payants » que d’autres, supposés plus« conformes » aux exigences de la discipline. 75 , mais aussi aux axes de rechercheprivilégiés par l’équipe (même dans des disciplines plus individualistes, comme ledroit,). La carrière peut d’ailleurs se développer par la suite en-dehors du système derecherche C’est le cas, évidemment, des docteurs- ingénieurs (qui sont même incitésà créer leur entreprise) ; mais il en va de même de la plupart des autres docteurs ,lesquels de façon proactive ou , hélas, plus « réactive » , trouvent un emploi endehorsde l’ « Alma Mater ». et, dans le meilleur des cas, correspondant à lacompétence acquise (chargé de mission, consultant , cadre par exemple).Enfin, le « labo. » ou l’équipe développe des recherches dans le cadre d’unestratégie tendant à renforcer sa légitimité et sa notoriété . Celles-ci , au demeurant,s’intègrent dans la stratégie de l’institution d’accueil : Universités , Ecolesd’application et de commerce, CNRS, INSERM, INRA, etc., pour les institutionspubliques , entreprises , etc. Les performances , en fonction des finalités poursuivies,sont systématiquement évaluées , sur la base de critères supposés précis , tels que :publications par chercheur, brevets déposés, nombre de citations , mais aussi chiffred’affaires (nombre de contrats) , rentabilité du capital investi (pour les entreprises derecherche privée).Comme on l’a mentionné en introduction , le cas de l’enseignant- chercheur,omniprésent en économie et gestion, est particulier .Il doit occuper « normalement »40% de son temps à « faire de la recherche » .Bien souvent les stratégiespersonnelles ,comme celles de l’ établissement, contribuent à sous-évaluer cetteactivité , au « bénéfice » de l’enseignement , de tâches administratives ,relationnelles ou institutionnelles. De plus , la recherche est souvent de caractèrepédagogique (rédaction de manuels) ou de « traduction » vers divers publics. Mais ilen résulte un risque de « blocage de carrière » , dans la mesure où la promotiondans le système corporatiste (apprenti -compagnon- maître) que constituel’Université, privilégie la « compétence scientifique », attestée par les travaux.C) Une légitimité sociale à conquérir74Ainsi , constate-t-on que le taux de féminisation en Gestion des Ressources Humaines est très élevé , alorsque les DRH sont encore en majorité des hommes.75 Une anecdote personnelle : souhaitant faire une thèse sur « Esthétique et Economie » , j’en parlais avec monmaître , qui me rétorqua : « Vous voulez passer l’agrégation ? Alors, laissez tomber ce sujet » . Mais, quandj’évoquais un sujet de gestion (je venais de terminer une enquête sur les méthodes de calcul des coûts et prix derevient dans des grandes entreprises , qui fut publiée) , il m’en dissuada également , car la « Gestion » n’était pasencore « scientifiquement » légitimée – du moins à l’agrégation de Sciences Economiques. Ma thèse sur lathéorie de la firme est donc « à cheval » sur l’économie et la gestion…(Analyse Dynamique et Théorie de laFirme Paris 1969 1150 pages) .36
Comme toute institution sociale , les instances de recherche sont légitiméesen fonction de leur « valeur sociale », du rôle qui leur est attribuée dans la Société.On peut penser que la légitimité est d’autant plus grande que la production desavoirs , de connaissances et de « Science » répond à une demande sociale .Cellecise fonde sur l’intensité des besoins sociaux ressentis .Ainsi, le besoin de santé est tel que le « public » accorde une très grandelégitimité à la recherche médicale , jusqu’à générer des abus, comme l’affaire del’ARC. En revanche d’autres types de recherche sont moins légitimées- àcommencer celles sur les maladies rares ou tropicales. Le problème consiste alors àtrouver des appuis institutionnels pour légitimer des recherches plus « distanciées ».L’activité de communication et de relations publiques joue alors un rôle essentielpour l’acquisition de ressources.L’exemple typique est celui de la paléontologie ou de la préhistoire . Lalégitimité de ces disciplines s’est trouvée renforcée par les productions médiatiqueset de divertissement , de Jurassic Park à l’Histoire de l’Humanité .Une partie de larecherche est alors consacrée à des activités de divertissement touristico-éducatif,comme le Musée de Tautavel (ou du Pont du Gard.On peut également citer les campagnes de type Téléthon, destinées àpromouvoir la recherche sur les maladies rares.De façon générale, les instances régionales tendent à soutenir des recherches« encastrées » dans la Région , même si l’intérêt scientifique est somme toute assezmarginal.Il en découle une conséquence essentielle dans la technoscience : l’obtentionde résultats à court terme, concrétisés dans des produits ou des process, estprivilégiée , au détriment d’hypothèses plus « audacieuses » . La majeure partie del’activité de recherche est alors finalisée, y compris dans les organismes derecherche fondamentale – ne serait-ce que pour « faire bouillir la marmite » , maisaussi afin de renforcer la légitimité.En ce qui concerne l’économie et la gestion, ces deux disciplines ont laparticularité d’être soumises à une forte demande sociale 76 . A titre d’ « expert » , lechercheur en économie ou en gestion est censé pouvoir répondre aux attentes , faceà un phénomène de Société : montée du chômage , prévisions de croissance , pertede compétitivité des entreprises, problèmes éthiques ,etc. Cette « expertise » peutêtre « convoquée » à plusieurs niveaux : observation du problème (recensement dedonnées par exemple) ; explication du problème (« théorie », « modèle ») ;prescription de mesures à prendre .De façon plus « perverse », les attentes en matière de « réponse » et deprescription peuvent résulter des convictions profondes du chercheur , qui va alorsargumenter pour justifier son choix, lequel précède la théorie hypothétique , plus qu’iln’en découle.La « secte des Physiocrates » souhaitait légitimer l’appropriation de la rentepar les grands propriétaires fonciers (noblesse, clergé), au moment, d’ailleurs, où76 Mais, comme on l’a dit précédemment, les chercheurs , et les organismes de tutelle , peuvent refuser cetteforme de légitimité , et se retrancher sur l’Aventin (ou s’enfermer dans la Tour d’Ivoire) de la recherche« pure », « scientifique » .Régulièrement , cet éloignement des problèmes de Société « urgents » (chômage,pauvreté, inégalités, développement durable, etc.) est dénoncé. On pourrait craindre , en gestion, la propensioninverse à répondre « un peu trop vite » aux incitations sociétales , quitte à tomber dans le phénomène des modes .Sandra Bellier- <strong>Michel</strong> dénonce ainsi les « Modes et Légendes au Pays du Management » (Vuibert , 1997).37
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