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Thierry KARSENTI

livre_rifeff_2016

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Actes du 6 e colloque international du RIFEFF 601<br />

Résultats de l’enquête<br />

De cette étude, nous retenons des conflits, des contradictions et une instabilité idéologique chez la moitié<br />

des sujets interrogés. Tout cela découle principalement de l’existence de deux cultures complètement<br />

différentes dans leur vie : la culture occidentale, perçue comme permissive, libérée de beaucoup de<br />

censures morales, et la culture algérienne arabo-musulmane, conservatrice et traditionnelle. Il nous<br />

a clairement apparu que ces jeunes aiment êtres bilingues et en contact avec des cultures étrangères,<br />

mais, parallèlement, ils ressentent de la culpabilité par rapport à leur propre langue qu’ils ont de plus en<br />

plus tendance à délaisser. La frustration est également un sentiment répandu parmi ces personnes. Ils<br />

se disent clairement, « déçus par les Algériens et les Arabes de façon générale qui n’ont pas su rester les<br />

meilleurs, les grands génies et inventeurs d’autres fois ». Ils leur reprochent le sous-développement de<br />

leur pays et les rendent indirectement responsables de leur émerveillement face aux pays développés.<br />

Une opinion qui les met dans une situation inconfortable et génératrice de conflits qu’ils auraient aimé<br />

éviter. Les justifications exagérées de tous leurs points de vus laissent supposer une mauvaise conscience<br />

ou une possible peur des jugements et des regards des autres. De plus, ils précisent souvent que l’utilisation<br />

de la langue française ne fait pas d’eux des étrangers. Ils tiennent à préciser qu’ils sont Algériens<br />

et Musulmans au même titre que tout le reste de leur peuple.<br />

Discussion<br />

L’analyse des réponses au questionnaire laisse apparaître un certain racisme chez cette tranche d’adolescents<br />

par rapport aux personnes appartenant à d’autres catégories socioculturelles, notamment les<br />

arabophones. Ils se réunissent en groupes de copains en évitant ceux qui appartiennent à d’autres<br />

mondes et qu’ils désignent par les « autres », terme qui explique très bien la situation et montre qu’il<br />

existe dans leur esprit au moins deux groupes de jeunes, que leur société est divisée au moins en deux et,<br />

surtout, qu’ils sont différents du reste des adolescents. Cette différence n’est reconnue que par la moitié<br />

de notre échantillon, une partie qui éprouve même le besoin de défendre la légitimité de sa différence<br />

non seulement en proférant beaucoup de justifications, mais aussi en portant atteinte à l’image des<br />

« autres » et en les dévalorisant . Ce comportement est, comme l’explique C. Camiléri (1998), une tentative<br />

de revalorisation de leur image de soi, atteinte par les jugements d’autrui, ce qui prouve que la situation<br />

qu’ils vivent a des répercussions sur l’identité de soi.<br />

Quant à l’autre moitié des adolescents questionnés, elle refuse catégoriquement de reconnaître une<br />

quelconque différence entre elle et le reste des adolescents algériens malgré leur réelle différence,<br />

relevée par l’analyse des réponses du questionnaire qui, de plus, dévoile une grande affinité de ces<br />

adolescents pour la langue française et la culture occidentale. Ce déni de la réalité pourrait venir de<br />

leur peur de l’exclusion ou des jugements d’autrui. Le recours au déni comme mécanisme de défense<br />

nous fait penser à l’existence d’un éventuel conflit entre le sur-moi, porteur des lois strictes, rigides

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