PEEL n°11
Création & culture de Reims et d'ailleurs
Création & culture de Reims et d'ailleurs
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art contemporain<br />
_© Daniel Pype<br />
" AU-DELÀ DE LA FORME "<br />
MINIMAL MAXIMAL<br />
Le Palais du Tau présente jusqu’au 12 mars<br />
" Au-delà de la forme ", une exposition de Richard<br />
Serra et Mehdi Moutashar, deux figures majeures<br />
du minimalisme, ce courant de l’art contemporain<br />
né aux États-Unis au milieu des années 1960.<br />
Les premiers pas sous les voûtes gothiques de la salle basse du<br />
Palais du Tau risquent de laisser le visiteur déconcerté, tant<br />
les œuvres présentées surprennent par leur caractère radical,<br />
leur austère simplicité. Il suffit pourtant de déambuler entre<br />
ces pièces impressionnantes, de long en large, d'en découvrir<br />
peu à peu les multiples facettes, pour en éprouver toute la force.<br />
À travers les lignes épurées, le grand format, la géométrie et<br />
la puissance du noir, l’exposition opère un rapprochement fécond<br />
entre les œuvres peintes de l’Américain Richard Serra et<br />
les créations du Français d’origine irakienne Mehdi Moutashar,<br />
issues de la collection Didier Moiselet. « Ce sont des œuvres<br />
exceptionnelles que l’on n’aurait jamais pu obtenir sans l’engagement<br />
de ce grand collectionneur, aussi discret qu’altruiste »<br />
souligne Jean-Marc Bouré, le nouvel administrateur du Centre<br />
des monuments nationaux chargé du Palais du Tau.<br />
AU-DELÀ DE LA SIMPLICITE APPARENTE<br />
Connu dans le monde entier pour ses sculptures monumentales<br />
en acier, celles, par exemple, qu'il conçut pour Monumenta<br />
en 2008 au Grand Palais à Paris ou encore pour le Musée Guggenheim<br />
de Bilbao, Richard Serra surprend ici avec des œuvres<br />
picturales où le goudron apporte une tactilité particulière.<br />
Les surfaces noires énormes des deux premières pièces,<br />
donnent l’impression de tomber du cadre, de s’enfoncer dans<br />
le sol, d’avoir un poids que le support, le papier, peut à peine<br />
porter. Plus loin la fulgurance d’un gigantesque triangle « Judgments<br />
on a Sheet » jaillit sur la surface fragile du papier blanc<br />
tandis la dernière œuvre plus radicale, faite pour le musée de<br />
Krefeld en Allemagne, rappelle que Richard Serra, s'intéresse<br />
depuis toujours à la prise en compte du site dans lequel il crée.<br />
En vis-à-vis, les œuvres en métal noir peint de Mehdi Moutashar,<br />
artiste français d’origine irakienne, dialoguent à merveille<br />
avec les goudrons sur papier de Serra. Depuis le début<br />
des années 1970, Moutashar qui situe son travail entre « les arts<br />
de l’Islam et les arts géométriques occidentaux », mène une réflexion<br />
sensible autour du concept du carré et de sa grammaire.<br />
Le métal se plie, comme une forme d’origami, soutenu par la<br />
dynamique des traits dessinés. Cette recherche s’est poursuivie<br />
ces dernières années à travers des constructions qui témoignent<br />
d’une approche philosophique de l’espace. En atteste, l’installation<br />
« Sculpture » où l’intensité de la forme et de la couleur<br />
– noire et bleue – prend ici une dimension spirituelle. C’est à<br />
cette logique aussi qu’appartiennent ses références à l’alphabet<br />
arabe et à la calligraphie, déclinées en une série de variations<br />
intéressantes.<br />
L’ensemble des œuvres des deux artistes entre aussi étrangement<br />
en résonance avec les ogives du Palais du Tau, influant sur<br />
la perception de l’espace, de l’architecture, du temps… Au-delà<br />
de la forme minimale naît ainsi un dialogue subtil qui invite à<br />
la réflexion et à la méditation.