syndicom magazine No 5 - Tous ont droit à se former

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14 Dossier En marche vers une société du non-savoir En 1968 déjà, les syndicats français ont imposé le droit à la formation. C’était un élément du compromis entre le gouvernement et les syndicats qui a mis fin à la révolte du mois de mai. Ce droit a hissé la France aux premiers rangs des pays dotés d’un taux élevé de perfectionnement. Dans la pratique, le droit à la formation s’est transformé en un compte de formation personnel : les salarié-e-s obtiennent un crédit-temps de 24 heures de formation par an pour un poste à temps plein durant les cinq premières années d’emploi, puis douze heures par an les années suivantes. En tout, ils peuvent accumuler 150 heures de crédit de formation. L’entreprise doit donner son accord à toute formation. Or, si elle refuse d’octroyer cette autorisation à un employé pendant six ans, le crédit de ce dernier est augmenté de 100 heures. Le fonds paritaire ad hoc a approuvé environ 700 000 perfectionnements durant ces deux dernières années. Mais le président Emmanuel Macron a annoncé un big bang néolibéral et une privatisation à large échelle de la formation. À l’avenir, la formation continue sera laissée à la libre appréciation des entreprises. 1968, c’est aussi l’année de parution du livre The learning society , de Robert Maynard Hutchins. La notion de société éducative traduit l’idée que la matière première la plus importante des économies modernes n’est ni le pétrole, ni les ressources minérales, mais le savoir. Cette idée est restée longtemps au stade du débat académique. Mais depuis les années 80, la formation explose. Elle est devenue un marché mondial qui génère des milliards de francs. Le business de l’apprentissage à vie Des dizaines de milliers de rapports sur le perfectionnement ont été rédigés. Les organisations internationales, telles que l’OCDE ou l’ONU disposent de départements de la formation. Et il n’y a quasiment pas un seul pays, même le plus pauvre, qui n’a pas défini des stratégies d’apprentissage à vie (Lifelong-Learning). Dans l’UE, des équipes entières d’experts se penchent sur le Lifelong-Learning (LLL). Les grandes entreprises de formation, dont le chiffre d’affaires augmente de façon exponentielle, se disputent le marché. Le domaine de la formation – avec ses modèles nationaux – est devenu impossible à apprécier dans son ensemble. « Finissons-en avec le verbiage LLL », suggère Sharon Gewirtz du Londoner Kings College. Dans les méandres du perfectionnement, le tableau est décevant. En février 2017, une des études majeures de la fondation Bertelsmann révélait des lacunes flagrantes dans l’UE. Dans dix pays, aucun effort n’a été déployé pour préparer les « ressources financières ou personnelles destinées à l’apprentissage à vie. » Et quasiment aucun pays ne s’est attelé à atténuer la forte discrimination que subissent les travailleurs en matière de formation. Sans parler des étrangers. La Grande-Bretagne ultraprivatisée est la lanterne rouge. Ce constat rejoint les résultats d’enquêtes menées dans l’UE par l’Organisation Internationale du travail (OIT) et l’OCDE. – Les pays dont les systèmes de formation sont financés publiquement et qui disposent d’un partenariat social fort prennent la tête du peloton (Danemark, Suède, Belgique…). Le « dialogue social » joue un rôle essentiel, écrit l’OIT. En revanche, les pays avec des systèmes de formation financés par des privés sont à la traîne. Les États-Unis consacrent plus de deux points de pourcentage du PIB de moins à la formation que la France. – Les grandes entreprises s’engagent peu pour la formation, excepté pour leurs propres besoins. De plus, elles tendent à privilégier les personnes hautement qualifiées. Cette stratégie accentue les disparités de la formation. Financement public solide et égalité des chances Pour imposer l’apprentissage à vie, les syndicats devraient s’engager pour un financement public solide et le développement du partenariat social. Les programmes de formation doivent mettre l’accent sur l’égalité des chances et protéger contre la perte d’emploi. Les bases sont posées dès la formation professionnelle (apprendre à apprendre). Une offensive de formation innovatrice devrait être lancée. Le but est d’émanciper par l’apprentissage coopératif. cgt.fr/Du-big-bang-au-neant.html Photos La photo en couverture a été prise par le photographe vaudois Yves Leresche, ainsi que les photos en pages 8 à 14 et la petite photo qui figure sous le sommaire. Il a imaginé un reportage sur la transmission du savoir dans ces lieux de créativité que sont les FabLabs, Makerspace et Hackuarium (laboratoire biologique) de Renens, ainsi que dans le FabLab de Zurich. Yves Leresche est un photographe connu pour la qualité de ses portraits. Dans ses photos, la transmission et la communication du savoir entre enseignants et apprenants est mise en avant. Pour en savoir plus : http://www.yvesleresche.ch Nous remercions le personnel des FabLabs, Makerspace et Hackuarium cités de leur soutien.
L’économie numérique exige une redistribution du savoir, afin que les moins bien formés ne soient plus laissés de côté. Les plus âgés, les femmes, les migrants doivent avoir un accès égal à la formation continue. 15 La Suisse forme beaucoup… Pourcentage de la population entre 25 et 64 ans qui participe à des cours de formation 100 % Scolarité obligatoire Degré secondaire II Degré tertiaire 80% 60% 40% 20% 0% S CH NL FL F D A GB I EU Sources: Eurostat 2011, OFS 2016 …mais de manière inégale La participation à la formation varie beaucoup selon que les personnes possèdent une formation de base ou une formation supérieure (écart en pourcent) 35% 35% 30% 30% 25% 25% 20% 20% 15 15 % 10 10 % 5% 5% 0% 0% GR GR B D E EU GB I S F CH Source: Source: Eurostat Eurostat 2016 2016 Plus on est âgé, moins on se forme Taux de participation à des cours de formation continue selon l’âge 76,4% 69,6% 67,7 % 57,1% Un indicateur de l’acquisition de savoirs En Suisse, la part des 25 à 64 ans qui suivent une formation dépasse les 60 %. Seules la Suède et le Luxembourg font mieux. Les comparaisons internationales sont difficiles du fait de la différence des systèmes de formation, mais aussi de la prise en compte statistique de toutes formes de cours, du cours privé en passant par la scolarité obligatoire et postobligatoire. Dire que la participation à l’ensemble des activités de formation sert d’indicateur de la participation à la formation continue, comme le fait l’OFS, peut conduire à surévaluer la part qu’elle représente. Sources: OFS – Micro-recensement formation continue 2016 Moins une personne est formée, moins elle obtient de formation continue Formation continue soutenue par l’employeur Scolarité obligatoire 31% Degré secondaire II 56% 25–34 35–44 45–54 Jahre Jahre Jahre Degré tertiaire 75% 30% 54% 72% Sources: OFS – Micro-recensement formation continue F 2016, OFS 2017 Les personnes avec un handicap obtiennent moins de formations Participation à au moins une formation non formelle sans diplôme, population globale 55–64 Jahre 33% 58% 77% Les oubliés de la formation continue Il est piquant de voir que le Conseil fédéral fixe comme devoir de l’État « de promouvoir plus spécialement la formation continue des publics les plus défavorisés » (Conseil fédéral, 2007). En fait, les inégalités d’accès sont légion : près de 80 % des 25-34 ans y ont droit, alors que ce n’est le cas que de moins de 60 % des 55-64 ans. Record d’inégalité entre bien et mal formés Mais, surtout, c’est en Suisse que la participation aux formations tout au long de la vie est la moins généralisée, et que l’écart de participation, en pourcent, entre personnes n’ayant qu’une formation de base et diplômés du supérieur atteint près de 35 %, un record. Moins du tiers des personnes de scolarité obligatoire bénéficie d’une formation soutenue par l’employeur, contre près de 80 % des hommes du degré tertiaire. Migrants et handicapés laissés de côté Les personnes fortement handicapées sont trois fois moins nombreuses que les valides à avoir droit à une formation, et moitié moins que l’ensemble des handicapés. Enfin, si plus de 70 % des Suisses ont bénéficié d’une formation continue en 2016, ce n’était le cas que de 60 % des étrangers scolarisés en Suisse et que de 57 % des étrangers qui n’y ont suivi aucun enseignement. 10 % 20,4% 28,1% Personnes Population Personnes sans avec un handi- handicapée handicap cap important globale Sources: OFS, Enquête suisse sur la population active (ESPA) 2011
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