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JOURNAL ASMAC No 1 - février 2020

Régénération - A propos d’humains, de coraux et de déchets Diabète - Le scalpel remplace la pompe Immunologie - Immunothérapie – un aperçu Politique - 75 ans de l’asmac – au début était le salaire

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Diabète - Le scalpel remplace la pompe
Immunologie - Immunothérapie – un aperçu
Politique - 75 ans de l’asmac – au début était le salaire

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Point de mire<br />

Ulrike Pfreundt voit grand et<br />

sait ce qu’elle veut. «Si les<br />

mers du globe poursuivent<br />

leur réchauffement au même<br />

rythme, plus de 90% des récifs coralliens<br />

risquent de disparaître jusqu’en 2050. Je<br />

veux donc faire quelque chose», déclare la<br />

chercheuse allemande de 34 ans.<br />

Le fait que ces communautés biologiques<br />

pâlissent progressivement attriste<br />

visiblement la biologiste. Les coraux tirent<br />

leurs magnifiques couleurs d’algues symbiotiques<br />

qui vivent dans leurs tissus et les<br />

approvisionnent en nourriture. Si l’eau devient<br />

trop chaude, les coraux expulsent les<br />

algues, subissent un blanchiment et<br />

meurent progressivement de faim.<br />

«Comme les récifs sont un lieu de reproduction<br />

pour au moins un quart des<br />

espèces de poissons dans l’océan, leur<br />

perte a un effet désastreux sur la stabilité<br />

des écosystèmes marins», explique Ulrike<br />

Pfreundt. Cela ne met pas seulement en<br />

péril la pêche mondiale: des millions de<br />

personnes dans le monde dépendent de<br />

récifs intacts qui leur apportent de la nourriture,<br />

un revenu et les protègent contre<br />

les inondations et l’érosion côtière. Ulrike<br />

Pfreundt s’est donc fixé pour objectif de<br />

recoloniser les récifs coralliens morts.<br />

Restaurer les forêts tropicales<br />

des mers<br />

Ulrike Pfreundt a étudié la biologie moléculaire<br />

et la génétique à Fribourg-en-Brisgau.<br />

«Parce que je voulais comprendre la<br />

vie au niveau le plus profond», expliquet-elle.<br />

La diversité de la forêt tropicale la<br />

fascinait déjà comme enfant. A 20 ans, elle<br />

a découvert sa passion pour l’espace de vie<br />

marin. Depuis, elle effectue régulièrement<br />

des plongées et s’engage pour des réserves<br />

naturelles marines. Elle a étudié la biologie<br />

marine en branche secondaire et ensuite<br />

combiné la génétique et la biologie<br />

marine dans sa thèse de doctorat.<br />

Comme Ulrike Pfreundt aime le travail<br />

interdisciplinaire, elle a rejoint en<br />

2016 l’Institut des sciences environnementales<br />

de l’EPF Zurich dans le cadre<br />

d’un Postdoc Fellowship de l’EPF. Elle a<br />

trouvé un environnement idéal dans<br />

l’équipe du Professeur Roman Stocker où<br />

les biologistes analysent avec des physiciens,<br />

ingénieurs et mathématiciens comment<br />

les microbes et micro-organismes<br />

façonnent l’écologie des mers.<br />

Recruter des coraux résistants<br />

Cela comprend aussi les communautés<br />

complexes des coraux. «Beaucoup d’espèces<br />

se reproduisent en lâchant dans<br />

l’eau des spermatozoïdes et ovules à partir<br />

desquels se développent des larves flottantes»,<br />

explique Ulrike Pfreundt. Pourtant,<br />

celles-ci doivent trouver un substrat<br />

approprié sur lequel elles peuvent s’installer<br />

et se développer pour devenir de jeunes<br />

coraux. «Les récifs coralliens morts sont<br />

difficilement accessibles pour les larves»,<br />

explique-t-elle. Car les récifs moribonds se<br />

désintègrent et sont recouverts de<br />

macroalgues, alors que les larves ont besoin<br />

d’une certaine diversité structurelle<br />

et d’un substrat dur et exempt d’algues<br />

pour s’établir.<br />

C’est pourquoi Ulrike Pfreundt veut<br />

reconstruire les récifs abîmés au moyen de<br />

structures artificielles. La biologiste marine<br />

est convaincue qu’au fil du temps, les<br />

récifs artificiels peuvent se transformer en<br />

espaces de vie autonomes et protéger les<br />

côtes.<br />

Mais comment les récifs artificiels<br />

peuvent-ils être utiles, si l’eau est tout simplement<br />

trop chaude? «D’une part, certains<br />

coraux ne meurent pas immédiatement»,<br />

explique Ulrike Pfreundt. Elle part<br />

du principe que certaines zones resteront<br />

compatibles pour des récifs coralliens –<br />

par exemple à cause de la présence d’un<br />

courant froid à proximité. «D’autre part, je<br />

ne suis heureusement pas seule», déclaret-elle<br />

en riant. En effet, dans le monde entier,<br />

il y a des scientifiques qui travaillent à<br />

cultiver des symbioses coralliennes résistantes<br />

à la chaleur ou à en détecter dans les<br />

récifs.<br />

La difficulté de la complexité<br />

structurelle<br />

Les tentatives effectuées jusqu’ici pour recruter<br />

des bébés coraux avec des récifs artificiels<br />

ont cependant souvent échoué.<br />

Probablement parce que la plupart des récifs<br />

artificiels ne possèdent pas une structure<br />

suffisamment perfectionnée: ils<br />

n’offrent pas suffisamment de zones protégées<br />

pour les jeunes coraux et n’interagissent<br />

pas assez avec le courant pour<br />

amener les larves suffisamment près du<br />

substrat.<br />

C’est sur ce point que se focalise le<br />

projet d’Ulrike Pfreundt. «<strong>No</strong>us savons<br />

que la forme et les caractéristiques de la<br />

surface jouent un rôle élémentaire, mais<br />

ne connaissons pas en détail quels aspects<br />

sont déterminants», explique la jeune<br />

chercheuse. C’est pourquoi elle collabore<br />

avec Benjamin Dillenburger et Mathias<br />

Bernhard du groupe spécialisé dans les<br />

techniques de construction numériques<br />

du département d’architecture. L’idée est<br />

de développer à l’aide de l’impression 3D<br />

des structures géométriquement adaptées<br />

pour des modules de récif écologiquement<br />

utiles et adaptables.<br />

Dans un premier temps, il s’agit de développer<br />

des surfaces possédant différentes<br />

caractéristiques structurelles telles<br />

que rainures, trous, surplombs et arêtes à<br />

l’échelle millimétrique ou centimétrique.<br />

Ulrike Pfreundt veut les tester quant à leur<br />

interaction avec les courants et les larves<br />

de coraux qui y sont transportées, d’abord<br />

dans des bassins, ensuite sur le terrain<br />

dans le récif corallien. Pour ce faire, elle<br />

aura à nouveau besoin du savoir-faire du<br />

groupe de recherche de Roman Stocker<br />

qui est spécialisé dans l’analyse de l’interaction<br />

entre d’infimes tourbillons d’eau et<br />

les micro-organismes.<br />

Une affaire de cœur<br />

Ulrike Pfreundt est convaincue par son<br />

idée et le manifeste, ce qui lui rend service<br />

dans sa recherche de partenaires pour le<br />

projet. Outre les architectes de l’EPF, elle a<br />

su convaincre le responsable du programme<br />

de coraux des Caraïbes de The<br />

Nature Conservancy (TNC) de participer<br />

au projet. Des essais sur le terrain sont prévus<br />

aux Maldives et sur la Grande Barrière<br />

de Corail en Australie.<br />

Les fondamentaux du projet sont<br />

donc définis. Il reste évidemment différents<br />

points à régler, comme par exemple<br />

le transfert des structures de surface adaptées<br />

sur des modules de récifs plus grands.<br />

Elle est confiante: «A l’EPF, j’ai trouvé les<br />

bonnes personnes et l’infrastructure<br />

adaptée pour accomplir de telles tâches à<br />

l’avenir.»<br />

1<br />

L’article est paru pour la première fois le 9 mai<br />

2019 dans la newsletter de l’EPF Zurich.<br />

VSAO /<strong>ASMAC</strong> Journal 1/20 25

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