Télécharger le livret - Outhere
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actif plus de 150 œuvres, parmi <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s quelques<br />
chefs-d’œuvre immortels, et qui avait déjà créé<br />
dans ses Lieder une écriture pianistique très personnel<strong>le</strong>,<br />
plastique, toute en modulations. Autre<br />
fait étonnant, c’est à peu près au même âge, c’està-dire<br />
après avoir écrit des opéras, des concertos<br />
pour piano et des symphonies, que Mozart luimême,<br />
ce génie plus précoce encore, composa <strong>le</strong>s<br />
premières sonates pour piano que nous ayons<br />
conservées de lui. il semb<strong>le</strong> que la forme de la sonate<br />
pour piano mette <strong>le</strong>s compositeurs en face de<br />
problèmes bien particuliers, qui pourraient être en<br />
rapport direct avec <strong>le</strong> fait d’un seul et unique<br />
timbre instrumental. Dans <strong>le</strong> cas de Schubert, il<br />
faut peut-être ajouter la silhouette imposante de<br />
Beethoven, qui avait déjà donné vingt-cinq sonates,<br />
et dont il s’agissait de se démarquer. Et <strong>le</strong><br />
jeune Schubert y parvint : d’entrée, ses sonates<br />
sont indépendantes de tout modè<strong>le</strong>, son sty<strong>le</strong><br />
propre s’affirme, reconnaissab<strong>le</strong> entre tous.<br />
Cette Sonate, précédée d’une semaine seu<strong>le</strong>ment<br />
par une première ébauche inachevée (D 154), débute<br />
sur un thème fortement ascendant ; rien de neuf à<br />
cela : ce genre de thème était même surnommé “fusée<br />
de Mannheim” pour la prédi<strong>le</strong>ction que lui accordait<br />
l’Eco<strong>le</strong> de Mannheim. On trouve déjà cette<br />
tendance entre autres dans la Sonate en Ut mineur<br />
de Mozart. Mais ce qui distingue tout de suite<br />
Schubert de ses prédecesseurs, c’est une montée de<br />
plus de trois octaves sur <strong>le</strong> motif en accord parfait.<br />
L’inspiration pourrait paraître bana<strong>le</strong>, si el<strong>le</strong> n’était<br />
pas compensée par une idée de génie : la suite qui lui<br />
est donnée (et qui n’apparaît pas encore dans la première<br />
ébauche) contient en germe tous <strong>le</strong>s autres<br />
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thèmes de ce mouvement ; aussi bien <strong>le</strong> thème secondaire<br />
que <strong>le</strong> thème final sont issus de ce même<br />
motif, tout en se distinguant par un caractère plus<br />
doux et un accompagnement aux figures régulières.<br />
Le développement, construit lui aussi sur ce motif,<br />
déborde de force vita<strong>le</strong>.<br />
Suit un mouvement <strong>le</strong>nt d’une tristesse émouvante,<br />
qui est aussi <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur mouvement écrit<br />
jusque là par Schubert pour ce qui est de la perfection<br />
de la forme et de l’écriture pianistique. La qualité<br />
de cet Andante ne tient pas seu<strong>le</strong>ment à la beauté<br />
de l’invention mélodique, mais à l’impression que<br />
nous avons d’entendre quelque chose de très profondément<br />
ressenti, de personnel<strong>le</strong>ment vécu : un<br />
aspect qui n’avait percé jusque là que dans <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>urs<br />
Lieder de Schubert, et que nous allons retrouver<br />
à maintes reprises dans ses œuvres ultérieures.<br />
C’est cette immédiateté qui faisait dire à mon vénéré<br />
professeur Martha Wiesenthal : « Je ne suis pas<br />
croyante, mais quand j’écoute du Schubert, je sens<br />
que Dieu ne peut pas ne pas exister ». Ce n’est certainement<br />
pas un hasard si, sur <strong>le</strong> plan de la structure,<br />
Schubert parvient éga<strong>le</strong>ment à créer ici un type<br />
qu’il reprendra plusieurs fois en <strong>le</strong> variant, entre<br />
autres dans <strong>le</strong>s Sonates D 840, 850, 894, 958 : la<br />
forme rondo en cinq parties ABA 1 CA 2 et coda. Dans<br />
tous ces mouvements se retrouve une même caractéristique<br />
: à la dernière reprise du rondo (A 2 ), <strong>le</strong><br />
rythme de l’épisode précédent (C) continue à se<br />
faire entendre à l’accompagnement. Cette interpénétration<br />
de la forme et du contenu est “mozartienne”,<br />
classique au meil<strong>le</strong>ur sens du terme.<br />
Après la fin élégiaque de cet Andante, <strong>le</strong> joyeux<br />
Scherzo – Schubert <strong>le</strong> nomme encore Menuetto se-